tag:blogger.com,1999:blog-31643228317415437962024-03-13T03:40:41.997-07:00Myths&MarvelsPages à l'intention de ceux et celles qui interrogent le monde et qui cherchent. A tous ceux qui explorent, la joie dans les yeux et le sourire aux lèvres. A tous ceux par qui un autre monde advient, tous les jours qu'on partage.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.comBlogger30125tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-56512083995200633772021-05-22T09:08:00.002-07:002021-05-22T09:35:01.696-07:00Oh les auteurs, c'est bientôt fini, ce cirque?<p><span style="font-family: helvetica;"> S’il vous plaît, les auteurs, ça va bien avec vos phrases
courtes ! Et surtout, arrêtez de vous raconter ! Le monde n’en a rien
à foutre de vos problèmes, de vos jactances et de vos élucubrations
autobiographiques. Certains auteurs, que je ne citerai pas mais qu’il est
facile de reconnaître, en ont fait une marque de fabrique. Ils se racontent à
longueur de pages, l’effet miroir du lecteur paraît-il.</span></p><p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;"><o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Quand on ne sait pas quoi dire, on se raconte. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Et tout cela vient ajouter au bruit, au grand capharnaüm, à
la fureur et à l’inanité de notre temps.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Et vous, les éditeurs, qu’attendez-vous pour siffler la fin
de la récré, pour mettre fin à cette pseudo modernité ? C’en est devenu totalement
exaspérant. On lit comme on court, haletant d’une phrase à l’autre, comme si l’air
allait nous manquer, une lecture spasmée d’asthmatique, on court d’un point à l’autre,
vers le suivant et encore le suivant. Point devant, de côté, autour, points
partout, points de jean-foutre. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Je n’y arrive plus. J’ouvre un livre, je ne remarque pas nécessairement
tout de suite et tout à coup, l’envie d’en rester là s’impose, le bouquin s’éteint
comme un oubli. Je le referme et comprends : encore cette écriture
syllabique, effrénée, encore ces phrases à trois mots comme produits à trois
balles. Tout ce qui est publié aujourd’hui ou presque est du même tabac : deux
phrases par ligne, parfois trois. Ce n’est plus de la lecture, c’est du télégraphe.
<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Vous avez remarqué, c’est contagieux.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Ne savent-ils plus le plaisir du rythme dans la phrase, de l’allitération
et de la divagation, du plaisir qui s’étire, se perd, se cherche et qui n’en finit
plus, le plaisir qui vagabonde et se construit avec les secondes qui passent et
pourquoi pas les minutes ? La beauté d’une phrase longiligne, <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>méandreuse, aboulique, à la démarche cadencée,
au lieu de ces petits tas nerveux, fuyant, rabougris, bégayant presque. La
beauté d’une phrase si longue, si pleine, si dense, qu’on peine à la voir dans
son entier, une pensée qu’on ne peut qu’entrevoir, accompagner sans maîtriser, la
découvrir patiemment, lentement, au fur et à mesure des détours et des contours
et s’y perdre, ne jamais en voir la fin, exactement comme l’auteur l’a écrite, comme
se découvre un visage, une hanche, un corps.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Encore une fois, je ne me sens pas de ce monde, il m’échappe.
Je suis de moins en moins de ce monde, ce n’est pas moi qui m’éloigne, c’est
lui qui s’enfuit. Je ne sais trop où il va, dans son glissando de certitudes,
de bien-pensance technologique, de manipulations et de vérités toutes faites. Plus
c’est gros, plus ça passe, l’impudence est de mise, nous sommes dans l’ère de
la formule, la <i>catch-phrase </i>comme ils disent. Quant à moi, je résiste. J’hésite,
je prends mon temps, je prends le parti du temps, je choisis, je cherche. Sur
trois livres entrepris j’en finis deux et n’en aime aucun. Il faut attendre,
longtemps chercher, se méfier des best-sellers comme de la peste (le sont-ils
vraiment d’ailleurs, on n’est plus sûrs de rien), piocher au hasard des
rencontres, des pages feuilletées, s’essayer à nouveau jusqu’à, enfin,
rencontrer un auteur. Celui-là, une fois trouvé, on ne le lâche plus (Alain
Emery ou Ito Ogawa par exemple). La joie étonnée du prospecteur d’or quand il trouve une mine,
une écriture qui exhale puissance o</span><span style="font-family: helvetica;">u silence immémorable de l'instant,</span><span style="font-family: helvetica;"> plaisir, rythme, style, quelque chose de l’ordre,
oui de l’ordre, d’Hugo, de Balzac, de Zola ou Gary, quelque chose qui vous chope, vous enveloppe,
vous attrape, vous transporte, vous brutalise presque autant qu’elle vous
réjouit. Un talent en quelque sorte, qui pèse les mots et n’a pas peur de la
phrase.</span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Il y a tant et tant d’insignifiance dans le monde de l’édition
qu’on en vient à réaliser que ça n’est pas, ne peut être, le fruit du hasard,
ce n’est pas possible. Tout cela est toléré, digéré, voulu, orchestré, un bien
grand mot pour une aussi petite chose, dans les méandres intestinaux du marketing
éditorial. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Où sont les grandes maisons,
où sont passés le rythme, le parfum, le plaisir, l’exigence, le raffinement des
choses qu’il faut aller chercher plus qu’elles ne s’offrent, la découverte d’une
littérature lente et précieuse, qui surprend, qui pèse autant qu’elle nourrit. Combien
de livres vont demeurer au-delà de l’année littéraire, combien ? Combien
auront fait autre chose que ricocher sur les goûts des éditeurs et les couleurs
du temps, sur les désirs de lecteurs en mal de sensations, d’images choc, de
répétition et de pensée courte ? Tout, absolument tout, jusqu’aux livres,
est prémâché, prédigéré. Une succession de phrases courtes fait la lecture sans
fatigue et sans effort, le cinéma perso à coup de répétitions d’images placardées
et de formules travaillées (ah ! les formules ! le nectar de la
littérature post-moderne !)… Bientôt vingt-cinq à la seconde, on y sera. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Je suis navré mais c’est affligeant. On n’a jamais autant
écrit, autant publié, autant traduit et si peu transmis, si peu imprimé le temps
des choses et des êtres. Avant, la littérature imprimait le temps, elle faisait
l’époque. Aujourd’hui elle la date et on passe à autre chose. On parcourt des
pages comme on s’enduit d’un parfum ou d’un autobronzant pour une rencontre à
la va vite : on se fait un livre comme un site touristique, une bouffe, une
gonzesse ou un mec. « T’as lu le dernier machin chose ? » De toutes
les façons, rencontre sans préambule et sans lendemain, coït sans patience, attente
ou perspectives (combien de vraies rencontres sur les sites du même nom, qu'attendre des rentrées littéraires ?),
des livres comme des aventures sans lendemain, <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>coups vite et mal faits suivis d’une ronflette digestive
ou d’un coup de gnôle avant de passer au suivant. Et tout ça savamment
entretenu par une kyrielle de pseudo-événements, pour relever (cacher plutôt) l’ordinaire :
Le dernier ceci, le prix cela et des bandeaux rouges à tout-va. Prix des
lectrices, des lecteurs, des jeunes, des seniors, des lycéens et j’en passe. Abasourdir
nos esprits sous des couches multiples d’insignifiance, comme on les vaporise d’alcools
forts, digressions éphémères d’un temps qui ne laisse rien d’autre que l’envie
douce-amère d’y retourner vite, qui ne dit rien des hommes que leurs passades,
leurs faux problèmes, leurs fantasmes et les nourrit de leur propre vacuité. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Franchement, il y a de quoi être consterné. Combien les éditeurs
malmènent leurs lecteurs bien plus que leurs auteurs, dans le marketing du
grand foutoir. Quand on donne à lire aux gens ce qu’ils attendent, ne pas s’étonner
que l’édition s’y perde, littérature sans âme, sans rythme et sans saveur. Le
point de ponctuation érigé en art, en camisole d’une pensée étouffée,
raréfiée, point qui a digéré la virgule, signant le hoquet en borborygme et l’arrêt
de mort de la construction réflexive au profit du propos vagabond. Comme noyé, on y cherche
la profondeur comme d’autres l’air, dans l’asphyxie des neurones et la syncope des
synapses . Quand tout se succède à lui-même dans une bousculade scandée de
salsa, il ne faut pas s’étonner que la réflexion parte à vau-l’eau. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Alors bien sûr, on en vient à parler d’intelligence
artificielle. Bien sûr, c’est le temps qui veut ça.<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Vous qui entrez ici, abandonnez toute espérance, ici comme
ailleurs règne l’obsolescence programmée. Ici plus qu’ailleurs, rien ne dure,
rien ne reste, ici on préfère l’odeur qui s’impose au parfum qui se cherche et
qui dure. Combien de livres dureront plus que la vie de leurs auteurs ?
Que dis-je, la vie, celle des livres est dorénavant aussi courte qu’une saute d’humeur.
Consommez messieurs-dames, consommez, finissez vite vos ouvrages, saoulez-vous
de mots dans le gymkhana transpirant de phrases aussi nerveuses et agitées que
bras et jambes en disco, de toutes les façons, demain, vous aurez encore faim. <o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Vous aurez remarqué, j’ai dit ouvrage et non œuvre. Parce qu’il
ne s’agit pas de cela, il ne s’agit pas d’une œuvre, rien de cela dans ce
brouet de phrases étiques, bricolées et réduites à leur plus simple expression.
<o:p></o:p></span></p>
<p class="MsoNormal"><o:p><span style="font-family: helvetica;"> </span></o:p></p>
<p class="MsoNormal"><span style="font-family: helvetica;">Tout au plus un air du temps et ce n’est pas un compliment. </span><o:p></o:p></p>juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-36904840989185992792019-09-08T08:27:00.000-07:002019-09-09T01:33:32.815-07:00St Fé<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Le chemin ondoyait le long du lac, une trace de lumière ivoire, douce et chaude se faufilant entre les arbres, une couture au piqué à la fois lâche et précis qui tenait ensemble la montagne et l'eau. D'un côté la rigole qui serpentait au bas de la pente, de l'autre la rive longeant le lac étaient les deux pans en vis-à-vis de cette nature domestiquée, dépassant chacun de la couture et maintenus ensemble par le piqué irrégulier des arbres. L'abrupt de la terre et l'horizontalité de l'eau. Parfois un coude plus prononcé faisait un étirement, comme si la montagne voulait s'écarter et fuir, que la rigole et le lac suivaient dociles. Puis c'était le droit de la digue, une traversée toute de rigueur rectiligne, massive et volontaire, étrangère à cette affaire. Et le chemin de se poursuivre de l'autre côté sous les sapins pour rejoindre enfin l'animation de la route et ses petits commerces. </span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "verdana" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Derrière la digue, un petit musée, une cascade et un jet d'eau avec son large plumet, entouré de berges luxuriantes, toujours baignées de son écume même par les jours les plus chauds, où l'eau pouvait une dernière fois se montrer enthousiaste, libre, s'exclamer avant de rentrer dans le rang, rejoindre le canal en contrebas, après les sinuosités lascives d'une rigole qui s'oubliait sous les chênes et les pins. Le canal, eau morne plaine, qui transportait ses indolences jusqu'à la mer ou l'océan selon qu'on piquait au sud ou à l'ouest.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "verdana" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Un lac, créé et voulu de toute pièce par un homme au nom simple comme un sobriquet. Riquet. Un endroit couru sans que la foule y débordât, un lieu de petites vacances où les enfants jouaient à se poursuivre ou déambulaient, sérieux comme des papes, derrière leurs cornets de glace. Sur l'eau des bateaux, des pédalos et des planches attendaient le vent qui dévalait les pentes, pressé lui aussi de se baigner. Sur les berges, des promeneurs, des joggeurs et des maîtres tirés par leur chien. Parfois un groupe de jeunes agglutinés autour de leur musique. Au sud, le lac était bordé de sept collines au dos voûté, là où les sourciers étaient allés chercher l'eau qui devait l'alimenter, que nous avions arpentées tant et plus, maintenant mises en coupe réglée par les forestiers qui transformaient les paysages à n'en plus finir, comme s'ils s'en fatiguaient.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "verdana" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Autour du lac, quelques bâtisses XIXème, volets fermés ou entrouverts, dont on ne savaient s'ils protégeaient du soleil, de la vue ou des gens. On devinait des rideaux lourds aux passementeries anciennes, les lustres et leurs pendeloques, les plafonds trop hauts, les pièces froides et humides que des doubles portes longues et étroites ouvraient sur une cuisine hors d'âge, le corridor ou l'office. Je me suis toujours demandé si j'aurais aimé vivre dans ces lieux d'arrière-garde, chargés de beaucoup de poussière, d'un peu de tradition et de quelques histoires.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Le fond de la vallée était habité de quatre ou cinq maisons, regroupées en hameau autour d'un petit torrent, au confort moite passé Octobre mais que nous imaginions privilégiées. Le ruisseau arrivait de la montagne, essoufflé et bruyant, qu'un astucieux réseau de vannes et d'écluses départageait entre la rigole et le lac selon les besoins des mariniers. Ces jeux d'eau m'avaient toujours paru très mystérieux et savants, un savoir-faire du fond des âges qui se donnait dans la "galerie des robinets" sous la digue. </span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><span style="font-family: "verdana" , sans-serif;"><br /></span></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Près du ruisseau, un petit hôtel, effacé, presque timide, sans autre vue que les arbres, renfrogné presque. Je ne savais pourquoi mais cet hôtel désuet m'attirait, par sa discrétion peut-être, son côté retiré? Salle à manger éternellement vide, personnel rare et silencieux comme des ombres. Nous y avons pris un verre ou deux de retour de balade. Rafraîchis assurément mais le plaisir de l'instant n'y fut jamais vraiment. Il manquait quelque chose pour être bien. Je m'y serais pourtant bien vu écrire au calme un de mes romans.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Son vis-à-vis de l'autre côté au bout de la digue, c'était autre chose: une belle bâtisse nimbée de soleil, avec sa piscine et vue sur le lac, évoquant le bourgeois prospère plus que l'aristocrate désargenté, qui affichait sa superbe autant que régulièrement complet. A l'évidence, il était plus avenant. Nous en avions visité les chambres et leur souvenir m'appelle encore, comme une invitation de villégiature qu'il faudra bien </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">un jour</span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"> honorer.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Ce lieu me laisse un souvenir délicieux. J'y ai marché beaucoup, en famille, seul ou à deux, m'imprégnant de sa beauté immobile comme si cette étendue d'eau contenue par sa retenue m'avait enseigné la patience autant que le silence. Le plaisir de vivre peut-être? Un endroit où la nature et les hommes, vivant depuis si longtemps en bonne intelligence, prenaient soin l'un de l'autre, avec la bienveillance apaisée d'un couple qui aurait enfin accepté de vieillir ensemble. </span></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-32951427632061106962019-05-28T04:30:00.000-07:002019-09-09T01:36:39.512-07:00Défilés<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><span style="font-size: 12pt;">J’attends
que les mots m’appellent, pêcheur rêveur emporté dans l'eau par le poids de sa ligne. Pour l’instant, ils
passent en désordre sous mes fenêtres, bandes joyeuses, bruyantes et
désorganisées, absorbés par leurs jeux et ignorants de mes vœux et quand ils
sont passés, je me retrouve, pensif et désœuvré, dans le sillage de souvenirs, de senteurs
et de sons qu’ils laissent derrière eux. Il m'en reste une sorte de langueur un
peu morne, un étonnement incertain et le regret de n’avoir pu en saisir aucun,
que rien ou presque ne durera de ces passages. Cette fois encore, ç’aura
été un défilé ruisselant, cacophonique, insaisissable, indifférent presque hostile, peut-être suis-je trop
loin ou sont-ils trop furtifs, indociles comme ces
bandes de copains qui sortent de leur boîte et tardent à rentrer, inondent la nuit de clameurs éméchées</span><span style="font-size: 12pt;">.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Je
ne me décide pas à les rejoindre, pas encore descendre dans l’arène, attendre à
nouveau leur passage, pourtant il faudra bien que je me résolve à partir avec
eux, sans plus m’arrêter à ce qui me retient. La même chose sans doute qui me
retenait dans un âge plus jeune mais tout aussi hésitant, quand j’étais
amoureux. Devant l’immensité, faire le premier pas coûte, une barrière gigantesque,
infranchissable tant qu’on n’a pas osé une fois au moins et l’on se perd sans
fin à imaginer ce que sera la suite, un autre égarement je suppose, mais aux
émois tellement plus doux.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Pourtant
ces bandes gaillardes et bien vivantes qui s’étalent et se bousculent, me
parlent. Elles évoquent dans leur tapage, des mondes que je sens proches, tel
un enfant sur un quai, immobile, silencieux dans le vacarme portuaire et envieux des grands voyageurs qui s'affairent sous ses yeux.
Il observe les malles et les ballots, les allers et venues des hommes et des
tonneaux, n'en perd pas une miette, devine ceux qui partent et ceux qui rendent le départ possible. Se
dit que, peut-être, s’il commence par aider ceux-ci, pourra-t-il faire partie
de ceux-là ? Dans le grand balancier des mâtures et des voiles qui
sèchent. Et les canots qui circulent, halés dans le lent mouvement de leurs
rames et le geste sûr du matelot. Sans oublier le goût de la chique ni le poids de la pipe.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Maîtres
mots.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">C’est
votre tour peut-être, mots revêches et mutins qui fuyez sans cesse, de
laisser venir à vous ce petit élève d’un cours très moyen, témoin de vos jeux au collège, laissez-lui libre cours dans celle de vos récréations, laissez-le se
perdre à vos cavalcades libres et sauvages en bandes qui s’observent, s’évitent puis
s’affrontent, se cherchent et se bousculent et ne lui tenez pas rigueur si, de peur, il tire un peu trop vite son épingle du jeu. Question d’habitude sans doute ? Oui à n’en
pas douter, la crainte est là de se perdre, d’être malmené, d’y laisser des
plumes faute d’en avoir trouvé une, la peur des mauvaises fréquentations, d’être
à son insu acculé dans un recoin </span></span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 16px;">sinistre</span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 16px;"> </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;"> où l'on se retrouve vidé, essoré, sans
rien avoir écrit qui vaille, sans rien avoir gardé après avoir bataillé dans les vociférations de mots vengeurs et traîtres. L’immense crainte des balivernes et
du grand n’importe quoi.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Je
suis, au bout du compte, descendu dans la rue, décidé à m’y mêler, attendre
leur passage. Il s’annonce enfin dans un long brouhaha d’émeute qui les précède
de loin, rumeur impressionnante de l’océan qui s’approche. La crainte encore, de
la vague trop puissante parce que mal mesurée, l’appréhension du moment où il
faudra s’y colleter. Les voilà, ils sont sur moi. Vus de près, c’est vrai
qu’ils font peur, l’air mauvais, vindicatif et sauvage, si peu apprivoisés. Longs,
brefs, vifs et courts, certains compliqués se traînaillent. Ceux-là clament
haut et fort leurs sonorités, d’autres s’excusent presque d’exister. D'autres encore vous laissent coi, un grand vide dans la tête, un trou qu'on observe en se disant qu'il y a quelque chose là, pour dire ça, mais je ne sais plus quoi, on en reconnaît les contours et l'odeur de l'absence, comme la margelle entoure la profonde obscurité du puits. Je me sens
glisser, engouffré sans appui au cœur d’une manade furieuse ou d’une harde qui a démarré folle.
Que fais-je là, que suis-je, emporté par le flot sans rien où m’accrocher ?
Immense tonitruance erratique, libre et gesticulatoire, massée autour de solides
gaillards, sûrs de leur histoire et qui imposent le respect. J’hésite, je me
tais, me fraie un chemin ou plutôt me laisse porter, me cache presque dans
ce torrent qui passe. Je cherche du regard un complice, un repos, quelqu’une de
connaissance, je n’ose dire une amie, celui ou celle que je crois reconnaître,
semblable au souvenir d’un moment à venir et me donner enfin le courage de faire un bout de route avec elles.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Après
les hordes brutales et débraillées, ces mots qui s’imposent et ne vous laissent
penser qu’à peine, qui s’entrechoquent et portent en eux un grand vide dont on
ne sait que faire (capharnaüm par exemple, jéroboam ou oripeaux), en voici d’autres qui murmurent et chantent, colorés, vivants,
légers, aux airs de parfums presque, qui s’avancent posément, prennent tout
leur temps. Que pensez-vous d'un nom d'arbre, olivier par exemple, frêne, églantier ou sylvestre ? Ou encore rhododendrons ? Ah, celui-là, il nous promène, regard perdu sur la colline et ses ondulations. Chacun est une esquisse, une histoire, la promesse d’un détour qu’on
ne regrettera pas. Ceux-là, nul besoin de les chercher, encore moins de les choisir,
on échoue chez eux comme sur une grève, rincé, épuisé mais heureux comme après
un naufrage. Je ne dis pas qu’ils m’accueillent, au moins ils me tolèrent. Je
peux m’y reposer.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Cette
fois encore,<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><span style="font-size: 12pt;">S’annonce
une balade en bonne compagnie, parfumée, bien élevée, distinguée presque, dames d'antan</span><span style="font-size: 12pt;"> sous leurs ombrelles, qui flânent en devisant. Je m'enivre à leur
présence comme à une essence forte</span></span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;">, m'accroche à leurs pas mesurés telle une ronce à l'étoffe et me berce de leur démarche balancée et gracieuse, dans le
bruissement soyeux des robes et la douceur des châles qui bordent des épaules rondes,
lisses et fraîches, au chant discret et mélodieux de conversations susurrées.
Ah, que ne suis-je leur amant, leur complice ! </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;"> M’en approcher encore, écouter, sentir,
ressentir, en être intime, confident si possible, familier de ce qu’elles
disent et assoiffé de ce qu’elles taisent. Me nourrir de leurs silences et des
bribes qu’elles m’abandonnent, que je ramasse avide, alors qu’elles feignent d’ignorer
ma présence mais se nourrissent d’elle. Oh, comment savent-elles si précisément qu’on
les regarde et qu’on les aime ? Je n’ai rien pu faire ni dire pour les retenir,
rester à leurs côtés et déjà elles s’échappent, me distancient, m’oublient, disparaissent
au détour d’un buisson et je me retrouve penaud, surpris et un peu bête, juste au
bout de ma rue, la tête pleine de ce qu’elles y ont laissé, languide de leur ivresse
après un voyage si lointain et si bref.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">À
les suivre au moins, je me suis mis en chemin, ne plus m’arrêter alors, jusqu’à
reconnaître enfin le grand vent du large dans l’air qui m’entoure et frémit. Me
laisser guider, résister au sens qui s’affole, humer encore comme un chien
courant divague, flairant dans l’air une senteur, un bruit, une image qui
lui sont familiers, annonciateurs de joies tranquilles et de moments délicieux.
Revivre l’émoi de leur passage et me laisser conduire en leur compagnie au
seuil de l’océan de mon prochain roman.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Une
fois en route, s’arrêter est difficile et les mots deviennent comme ces enfants
de villages étrangers qu’on traverse quand on marche au long cours, ribambelles
galopantes et joyeuses </span></span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 16px;">qui collent à vos basques </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;">comme un sillage de clameurs et de bruits, une effervescence agitée dont il est impossible de se débarrasser. Jusqu’au
fond du sommeil et au cœur de la nuit. Certains déambulent seuls, esseulés, semblent
sans famille ni attache et à qui, encore, pour l’instant, j’ai si peu à donner.
Ils sont là, vous regardent, une invite silencieuse dans les yeux dont on ne
sait que faire. D’autres sont sales, dépenaillés, moches même, qui viennent
à vous vifs, bagarreurs et hirsutes comme s’ils venaient de se chamailler, et
tant d’autres qui vaquent à leurs affaires, l’air de ne pas s’en laisser conter.
Tout ce petit monde a ce quelque chose, presque rien, qui invite à s’arrêter.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Oui,
se poser, les laisser m’entourer, les laisser venir à moi en masse vivante, vibrante
et forte, accueillir les phrases qui arrivent en petites cohortes malhabiles,
ne pas s’y opposer, peu importe où elles mènent. Inventer un langage pour se
comprendre enfin, moi et tous ces petits étrangers.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Ils
veulent, je le sais, que je leur parle du plus profond de moi et de ce qui m’habite, que je m’engage
et partage d’où je viens, sans montrer trop d’intérêt pour où je crois aller. Savoir
surtout ce que j’ai dans le ventre. Oui, pour écrire, il faut se livrer, donner
beaucoup de soi, fouiller dans sa besace, donner quelque chose, n’importe quoi
qui engage et lie et fait que le moment devient inoubliable. Cracher les mots
autant qu’on les respire. S’y jeter comme dans une bagarre et ne rien retenir
des coups qu’ils nous portent. Lentement, nous nous faisons les uns aux autres
et, ensemble, nous inventons des jeux, des rituels, esquissons en petites conversations,
des chants de gestes et de sourires où je devine qu’ils m’invitent à rester
parmi eux, m’indiquent où demeurer. Ils ont raison, je vais rester un peu.</span><o:p></o:p></span></div>
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-17483400255751649112019-05-23T07:37:00.001-07:002019-09-09T01:47:32.448-07:00Rythmes<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Si d’aventure, ce qui est une façon
de parler vous allez voir, vous prenez le train, en particulier l’un de ces trains réguliers
du matin qui poussent vers la capitale son lot de salariés endormis, vous ne
manquerez pas d’être frappé par la prédominance des rythmes. Celui du train bien
entendu, mais surtout ceux dans le train, l'omniprésence du rythme du wagon : l’homme qui tousse, les joueurs
de tarots qui ponctuent le silence de leurs exclamations, l’enfant qui pleure,
votre voisin qui respire… et le baladeur sur l’autre banquette. Surtout le baladeur,
comme un grésillement continu, un faux contact dérangeant sur lequel s’imprime
un battement pseudo cardiaque plus ou moins rapide mais toujours prononcé. C’est
à peu près la seule chose qui soit prononcée d'ailleurs, ne cherchez pas de mélodie ! Fi des
paroles vite oubliées, dans la plupart des cas elles n’ont de raison que </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">d’être</span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"> </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">le prétexte aux instruments, surtout ceux qui bastonnent en arrière-plan. Le rythme de la phrase a, quant à lui,
disparu, envolé, emporté par le flot tumultueux de l’inondation cacophonique et
anglophone, plus de rimes ni d’allitérations. Le pied se confond quand on
le prend à tour de bras. Ça grésille vous dis-je, à un point hallucinant,
lancinant d’exaspération quand les battements ne se supportent qu’associés aux
aiguillages et autres avatars ferroviaires.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">D’une façon ou d’une autre, il
est conseillé de ne pas s’éterniser dans cette sorte de voyage. Pourtant il y a comme un
attachement pathologique de l’homme au rythme : attentifs à celui des saisons,
formés à celui d’une cloche d’église ou d’une sirène d’usine, bercés par celui du sommeil, je vais y revenir un peu plus loin, prisonniers de
nos habitudes enfin, nous croyons construire quand nous ne faisons que répéter.
Il faut dire que la répétition jouit chez nous d’un statut particulier : c’est
par elle que nous avons appris, c’est elle qui nous rassure au point de nous
enfermer. Même chez Bach, l’art de la fugue se décline sur le mode de la répétition,
c’est dire ! La fuite impossible, l’escapade interdite, l’ordre se rétablit
sans cesse, retombe sur ses pieds qui n'ont rien de poétiques, l’habitude dressée comme on dresse un enfant, aveugle muraille qui imprime à tout ce
qui en dépasse des couleurs dangereuses et barbares. Honnies pour ainsi dire.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">C’est bien connu, barbares sont
les rythmes qui nous sont étrangers, ceux auxquels on a du mal à se plier comme à une danse exogène : horaires ou rock’n roll, quand le rythme est
là, la contorsion n’est pas loin et c’est l’habitude, encore elle, qui transformera
en formation cette déformation volontaire.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Tout le problème vient sans doute
de la confusion entre répétition et méthode, de la suprématie (temporaire, j'espère)
de la planification sur l’invention. Il doit bien exister quelque part, dans
les coulisses du développement, en marge du grand spectacle de l’uniformité
confondante, une méthode plus attentive que répétitive ? Quelque chose de
plus nourrissant, comme un regard ou une écoute qui privilégie le détail et le
fragile à ce qui est solide ou commun ? Le summum de cette confusion aura
sans douté été atteint le jour où fut proféré l’axiome, je n'ose dire la promesse, au firmament du
rassurant “<i>le changement dans la continuité</i>”. Ne changez rien, ne jetez rien, gardez
tout, ça pourra toujours re-servir, vos habitudes se chargent du reste. Ce fut
le début du grand endormissement, au rythme paisible des formules ronflantes sous
la couette de la protection sociale. Nous avions tant envie de dormir que nous
prîmes le tableau d’une escapade de soudards en goguette pour une ronde de
nuit. Pauvre Rembrandt qui croyait nous réveiller par ses tonitruances, ses
vacarmes soldatesques, lui aussi a été piégé dans la ronde hypnotique
et somnifère. Regardez bien ce tableau et dites moi s'il vous donne envie de dormir, alors où est l'arnaque?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">L’efficacité de l’ordre vient de
l’habitude. Tous les militaires vous le diront, qui vous font faire et refaire encore
le même geste pour être sûrs que, le moment venu, c’est celui-là et pas un
autre qui vous viendra à l’esprit, ou ce qui vous en restera dans l'implacabilité du combat et il est quand même
extraordinaire que ce qui rompt avec la ronde des rythmes, comme une révolution
par exemple, porte en son nom l’acceptation fatale de la ronde : agitez-vous comme vous voulez, vous reviendrez toujours sur vos pas. Circulez ! (toujours cette notion de cercle...) Dans ce cas,
autant ne rien faire et rester tranquillement chez soi, puisque une révolution n’est
finalement qu’un tour de plus. Ce mot, je ne sais qui l'a inventé, mais il sonne pour moi comme la revanche de l'immobilisme bourgeois. Pauvre cochon d’Inde qui s’essouffle immobile
dans son vertige circulaire. Pour en sortir, notre malheureux animal doit s’arrêter s'il le peut encore,
prendre la tangente, à moins qu’emporté par le mouvement, il n’en soit éjecté
prématurément. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Ceux qui prétendent que l’histoire
ne se répète pas sont aveugles ou ignorants, à moins qu’ils ne soient bègues,
les mêmes plats nous sont resservis en permanence, comme si, en cuisine, le
chef manquait d’ingrédients ou d’imagination. Finalement c’est l’affaire des
rogatons, les petits plats que l'on se passe et repasse, faits de restes: la grande histoire n’est que
l’accumulation des petites que l’on érige en édifiants principes et en prenant
grand soin de les choisir correctement (toujours une question d’ingrédients). L’histoire
se répète pour mieux nous enivrer comme pour ces mauvais vins où on force sur l’alcool
pour masquer la pauvreté des arômes et des saveurs. La sensation vous dis-je.
Et de l’appétit pour la sensation, je n'ose parler de goût, il est facile de passer au sensationnel,
pour nous qui nous laissons happer, rattraper par la tonitruance de nos loisirs. Entre cinéma "sensurround" (oui, vous avez bien lu, ça sonne comme un cataclysme),
télévisions multi-chaînes et parcs d’attraction, tout s’enchaîne, oui, c'est le mot et toutes nos inventions ne
sont plus qu’illusions : elles ne servent pas de réveil mais agrémentent
notre grand sommeil. Ah, c'est qu'il faut la faire belle, la roue du petit cochon! Nous parsemons nos vies de rêves et de chimères au lieu de nous laisser nous perdre dans des chemins de connaissance ou de découvertes, à tout le moins
d’exploration. J’en veux pour preuve, tous ces jouets dits d’éveil, tous de la
même forme, de la même matière et des mêmes couleurs, objets standards à la production
calibrée. Nos rêves, eux-mêmes, ne sont plus messages ou invitations, simplement devenus inaccessibles pour la raison toute simple que l’aboutissement ultime de nos errances somnambules nous ont amenés
droit à l’objet. Répété, multiplié, magnifié, il hante nos envies comme des barbares qui auraient pris possession de la ville. </span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Tremblez, poètes, les objets ont pris la rue! Tu parles d’une aventure, à ce rythme-là, autant rester couché.<o:p></o:p></span></div>
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-63179490287758386082019-05-23T06:09:00.001-07:002019-09-09T02:01:15.388-07:00Cycles et fragments<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">C’est
l’hiver. Air glacé et ciel bleu. En avance sur la saison mais pas sur la
nature ni les hommes : depuis que les dernières couleurs d’automne ont fui
avec le vent, ne laissant que leurs branches aux arbres, auxquelles ne restent
que quelques feuilles têtues et désespérées, ils l’attendent. Il est là et
comme d’habitude, ils y sont mal préparés. L’homme urbanisé, même quand il vit
à la campagne, ne sait plus se préparer à l’hiver. Seuls les paysans ont
gardé le sens de ce rythme lent, imperceptible. Cela disparaîtra aussi avec l’air
conditionné dans les tracteurs. Alors ne subsisteront que les rituels,
habitudes sans connaissance, attention sans autre langage que le nôtre. Le
grand monologue urbain sera complet, avec en arrière-plan sonore, le halètement
grinçant des machines et le zézaiement des computers. Si l’été est
assourdissant, l’hiver est une saison bavarde : derrière son immobilité,
on devine la métamorphose au travail, rien ne bouge et tout change. Dans ces
instants rétreints et secrets, s’accumulent les jaillissements futurs, vers la
grande aventure du recommencement. C’est maintenant que l’homme sage, l’observateur
patient taille et coupe. C’est maintenant que l’arbre prend forme. L’hiver est
la saison de toutes les créations, celles que l’on poursuit et qui s’échappent
encore, celles qui nous obsèdent, celle qui nous façonne à l’image d’on ne sait
quel modèle éternel et changeant. Et toutes les autres. Quant à l’été, c’est
davantage l’heure de la récréation.<o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Si
l’on observe bien, l’hiver a ceci d’intéressant que l’activité s’y réduit au
strict nécessaire, comme un bagage pour un voyage incertain : les actifs
savent où ils vont, les animaux sont affairés, sérieux comme des papes. Même
les bruits se font rares et précis. Et pour peu qu’il neige, tout cela se réduira
encore. Il faut finalement des températures très précises, remarquablement tempérées
et propices pour que la vie et le désordre s’épanouissent. En deçà comme au-delà,
l’homme attend, fatigué avant d’avoir commencé. Qu’y faire ? Déménager.
Les grandes transhumances sont comme les vents, circulaires et cycliques. L’avis
de Coriolis serait intéressant sur les migrations, occasionnelles ou pas, qu’elles
concernent nos vacanciers, nos émigrants ou nos immigrants. Tristes tropismes.
Avez-vous remarqué à propos ? la cinglante différence entre l’émigrant et
l’immigrant ? L’un a pour lui gravité et noblesse, empreintes d’une certaine
nostalgie. L’autre est beaucoup plus tapageur, encombrant, désordonné et pour
tout dire, clandestin. Même si les deux sont misérables, la faveur va davantage
à celui qui s’éloigne qu’à celui qui s’approche.<span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Coriolis aurait-il quelque chose à nous dire
à ce sujet ? Il semblerait, en première hypothèse, que le cycle favorise
le changement, il serait le point de départ (si j’ose dire) de l’évolution.
Il aide à grandir comme une super-vitamine. Le "grand bi" l’avait bien compris
qui, d’emblée, avait donné à l’expérience des dimensions impressionnantes et
pour tout dire, passablement casse-cou. Heureusement qu’il fut vite ramené à
des proportions plus aisément maîtrisables. Mais c’est un fait : le cycle
est moteur. De l’un à l’autre, le pas est facile à faire, une fois fait d’ailleurs,
il devient inutile, le moteur prend le relais. <o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Les
voici donc nos machines soufflantes, haletantes et volantes : c’est du
cycle. Et d’ailleurs, elles tournent. Pour nous, pour les autres, pour tout le
monde et pour personne. Elles en viennent à tourner pour le plaisir du cycle,
finalement peu exigeantes en réparations et entretien. Et si, parfois, elles
rompent brutalement cette délicieuse harmonie du fonctionnement et de l’évolution
cycliques par des catastrophes ou autres ruptures à caractère médiatique, il faut
seulement y voir une légitime aspiration au changement. Sans les ruptures, pas
de changement, sans changement pas de voyage ni découverte et tout notre bagage
ne sert à rien. Il faut savoir briser, briser avec éclat, les cycles qui nous
entourent et auxquels on appartient. L’éclat et le fragment, tout est là. Du moins,
tout a commencé par-là : quand fatigué d’assommer, l’homme a commencé à
vouloir fendre et couper (déjà, les raccourcis !). Ah, il s’en est donné
du mal sur ses fragments ! Il les a taillés avec application, on peut même
supposer qu’il y passa du temps et en tailla un certain nombre, vue la quantité qu’on en découvre encore de ces éclats, fragments du passé, de multiples cycles plus
tard. Il avait raison, cet homme d’avant l’histoire, ou tout au moins à son commencement, puisque nous y revenons à ses éclats et ses
fragments. Comme pour lui, nos éclats et fragments vont changer nos vies, notre
façon de voir le monde, de nous y promener et nos rapports avec les autres. <o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Le
fragment est un signal, il indique les lieux de grande densité historique,
comme un futur vestige d’échanges et de tensions. Le fragment est important,
même s’il est minuscule, il mérite qu’on s’y arrête. Il est la trace de la
création autant que son point de départ. Aurait-elle encore ses bras, la femme
de Milo ne serait qu’une aimable bergère un peu déshabillée. Sans eux, elle
devient Vénus, c’est le fragment qui fait le symbole. Notre civilisation repose
sur la bribe et les débats qui s’en suivent. Nous
vivons à l’ère de la bribe débattue. Rien ne nous est accessible dans son entier,
par nature l’information est parcellaire comme un colis piégé. Les apparences
sont toujours aussi trompeuses, seuls nous apparaissent des fragments, vestiges
ou annonciateurs. À nous de faire le tri dans un puzzle gigantesque où la
moitié des pièces manquent. C’est à partir de fragments, d’une pensée morcelée,
éclatée et miroitante comme du gypse ou de l’obsidienne que nous devons
reconstituer notre histoire et nos cycles. Avec tous les risques d’erreurs et
le souci de rigueur qui conviennent. C’est comme si le Créateur, en
cruciverbiste averti (même si son truc à lui serait plutôt les cycles et le
circulaire), nous lâchait dans les pattes, comme pour nous épater, quelques
morceaux de notre devenir et de notre passé en nous disant “<i>débrouillez-vous
avec ça</i>” Et tels des bushmen interdits devant une bouteille de boisson gazeuse,
nous échafaudons conjectures et supputations sur la nature des cycles. Un vieux
professeur de mathématiques qui vogue peut-être aujourd’hui sous d’autres
cycles, avait tout compris, qui m’avait dit “<i>avec une longue vue suffisamment
puissante, je verrais ma nuque il y a dix milliards d’années</i> ” Ce qui n’avait
pas manqué de me plonger dans des abîmes de perplexité ouateuse (comme il
disait) d’où il avait le plus grand mal à me tirer. Ce même professeur avait
une autre maxime qui eut davantage d’influence </span></span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 16px;">encore</span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 16px;"> </span><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;">sur mon propre cycle: “</span><i style="font-family: "trebuchet ms", sans-serif; font-size: 12pt;">méfiez-vous
du premier mouvement, c’est généralement le bon</i><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;">”. Cette traduction libre de “l’agir-ne
pas agir” oriental, il me fallut du temps pour la comprendre et me mettre en
route. Non sans de multiples précautions préalables, me méfiant comme de la
peste de tout premier mouvement, pensant davantage au second avant que de
commencer, ce qui ne m’a aidé ni à comprendre où j’allais ni, une fois arrivé,
comment j’y étais parvenu. Je m’en suis sorti en inversant la proposition et en
me méfiant des professeurs de mathématiques, surtout quand ils étaient bons.
Depuis lors, nous n’évoluons plus, lui et moi, sur les mêmes eaux, les sortilèges
des mathématiques faisant, comme sur les épitaphes, partie de mes regrets
éternels. </span><i style="font-family: "trebuchet ms", sans-serif; font-size: 12pt;">In memoriam. </i><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12pt;"> </span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-size: 12.0pt; mso-bidi-font-size: 11.0pt;"><span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Il
est amusant de constater que les Anglais, au contact prolongé des sources de l’orientalisme qui est, comme chacun sait, l’un des multiples bénéfices de l’Empire, sont passés maîtres dans l’art de la conjecture
et de l’investigation : d’Agatha à Conan, d’arsenic en vieilles dentelles,
ce peuple d’îliens sur son fragment de continent nous a appris avec éclat à
reconstituer les fragments, à maîtriser le cycle : l’immuable est une valeur fondamentalement britannique et les règles de l’équilibre n’ont plus de secret pour ces experts
en statu quo. Pendant que nous, français, roués qui filons à l’anglaise, cultivons
davantage l’art de la tangente : à peine sommes-nous quelque part que nous
envisageons les moyens d’en sortir. Ce qui, par ses aspects positifs, peut être
un vigoureux facteur de développement n’en est pas moins un élément d’instabilité
tout aussi prégnant. C’est du moins ce qu’ils nous reprochent et la source de nos
malentendus cycliques. <o:p></o:p></span></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif; font-size: 12.0pt;">Le
cycle et le fragment. Nous tenons là un mélange hautement détonnant, comme un
combustible et son comburant, qui ne manque que d’étincelle. Les occasions ne
manquent pas d'ailleurs et les boutefeux en herbe sont légions qui attendent qu’une partie du
monde soit sur la paille pour se livrer à des expériences pyrotechniques hautement dévastatrices. Guerres froides ou chaudes, locales ou généralisées, civiles ou non
(guerre civile ! ce concept ravageur et saisissant est un raccourci
sévère et préoccupant, digne de la famille Tape-Dur qui travaillait ses silex à
l’aube de notre histoire), tous les conflits qui se sont agités et s’agitent,
sont les signaux d’une fracture, comme un rift historique dans la tectonique
des plaques de notre développement. Quand ça bouge, c’est que ça vit et si ça
vit, c’est que ça grandit, même si cela fait toujours un peu mal, les opportunistes
de tous poils se disant qu’il suffit d’être ailleurs quand ça éclate ou au
contraire d’y aller pour participer. Les autres, tous les autres se disent “hic
et nunc” et derrière ce borborygme digestif se dissimule une extraordinaire
acceptation de la fatalité des cycles. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-39476799882464047872019-05-17T06:00:00.002-07:002019-08-19T05:06:32.342-07:00Aujourd'hui est un beau jour pour changer<br />
<div style="text-align: justify; vertical-align: baseline;">
<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">"<i>I had a dream</i>", oui, pour paraphraser Mr King, j’ai fait un rêve, un cauchemar qui m’habite encore alors que je suis éveillé. Je me suis vu sur Terre dans deux cents ans. Êtes-vous prêts à me suivre ? à m’accompagner dans ces gorges sinueuses, profondes, ocres et vides comme martiennes, balayées par un vent brûlant et sauvage, là où nos lacs, même les plus grands, ont disparu ? Des éboulis de roches en équilibre instable marquent la place de nos glaciers et tous nos sommets sont des déserts d'altitude où la neige a fondu depuis longtemps, leurs flancs ravagés de coulées brutales de boue, de terre, d’eau et de roches qui ont tout emporté ? Et les océans gavés d’algues vertes, rousses et filandreuses, aux eaux tiédasses, putrides et toxiques où plus rien ne vit ? évidemment, pas une fleur, pas un insecte ni un oiseau. Les seuls animaux qui hantent ces lieux stériles sont quelques charognards qui se disputent des restes. Les arbres aux troncs brûlés sont des nains qui végètent et croupissent comme tout ce qu’ils abritaient. Plus rien ne monte vers le ciel, craignant de s’exposer, tout rampe, fatigué, changé en une mousse exubérante et prospère qui s’est emparée de tout. Suivez-moi encore et approchons des villes où ne déambulent que des cohortes de passants sur le qui-vive et soigneusement groupés, chacun avec son petit appareil respiratoire portatif comme devenu asthmatique, et tous, bien entendu, armés jusqu’aux dents ou ce qui en reste, tant les rues sont des bas-fonds glauques et surpeuplés où l’on s’étripe pour un rien. Voyez ces usines aux fumées noires et épaisses parce que plus rien ne fonctionne et qu’on y brûle n’importe quoi pour récupérer le peu d’énergie disponible ? Et partout cet air d’étuve surchauffée, poisseux et grisâtre, chargé de cendres et de poussières qui collent à tout ce qui dépasse et voilent le soleil, pâle disque jaunâtre, ombre de lui-même ? Et la puanteur partout, celle de tonnes d’immondices que personne ne ramasse, celle des gaz et des matières en lente décomposition. Un monde méphitique.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Voilà où nous en sommes, voilà ce que nous faisons. Si nous en sommes capables, regardons en face ce monde que nous créons pour les petits-enfants de nos petits-enfants. Osons leur dire : "je le savais, je n’ai rien fait". Ne nous cachons pas derrière "je n’ai rien vu venir", ce n’est pas vrai. Ne nous racontons pas d’histoire. Toutes celles que l’on diffuse et partage, nos craintes et nos soucis, nos projets et nos envies ne sont qu’à courte vue, à peine à l’échelle de nos vies et déjà, de notre vivant, nous voyons s’approcher les prémices de ce monde : les lacs qui se vident, nos océans de plastique, la forêt que nous déracinons quand nous ne la brûlons pas pour être plus expéditifs. Et toute cette biosphère exterminée. Inutile de se cacher derrière nos beaux raisonnements, nos sempiternels discours sur la loi du marché et l’inexorabilité de nos équilibres (<i>it’s the economy, stupid !</i>), la loi du plus fort et celle des nantis, ne nous reposons pas sur nos illusions et nos fausses espérances, comme par exemple les miracles à venir de la technologie qui vont nous sauver de tout ça. Inutile de nous dissimuler notre manque de courage, notre incapacité à toucher ne serait-ce qu’un peu à notre confort presse-bouton. Inutile de crier aux Cassandre, aux chantres du malheur et aux mauvais prophètes. Le désastre est annoncé, mesuré, chiffré, c’est notre mode de vie, de pensée, de consommer qui l’engendre et le mène jusqu’à nous. </span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">La vérité est celle-là, qu’elle nous plaise ou non.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">C’est cela le sujet et rien d’autre. De quoi pouvons-nous donc parler dans nos dîners, nos conférences, nos réunions si ce n’est de cette catastrophe annoncée ? De ce que nous avons fait, de ce qu’il reste à faire. De ce que nous pouvons entreprendre pour l’éviter ? (Imaginez un astéroïde en route vers la Terre. Vous parleriez d’autre chose que ce qu’il faut faire pour l’empêcher de frapper ?) Tous nous avons lu ou vu l’odyssée du Titanic, tous nous nous sommes gaussés de l’incurie du commandant et de l’aveuglement des commanditaires obsédés de record et convaincus de leur infaillibilité. Nous sommes cet équipage, nous sommes ce commandant et ces commanditaires, nous ne sommes pas que passagers. À nous de décider de changer de route et de choisir l’équipage capable de le faire. Pas demain, maintenant.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">À présent voyons l’autre face des choses : je vous invite à deux voyages, l’un vers le grand monde, l’autre vers le petit.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Envolons-nous d’abord, quittons la Terre, projetons-nous dans l’espace, voyons-la de loin notre planète, cette bille bleue et blanche, verte et ocre, nimbée de son atmosphère diaphane et légère comme un voile de mariée. Un astronaute a dit qu’il était impossible à quiconque la voyait de loin de ne pas l’aimer, ce miracle de couleurs et de vies, hôte de centaines de milliards de petits êtres au milieu du grand vide intersidéral, glacé, invivable et hostile. Contemplons cette merveille que nous habitons et dont nous faisons partie. Ses équilibres, petits et grands, ne tiennent finalement à pas grand-chose, juste l’interpénétration des espèces et des cycles, la vie sous toutes ses formes y compris celles de la matière. L’incroyable aventure de la diversité à laquelle nous sommes invités depuis des millénaires, cette vie qui nous porte. N’êtes-vous pas touchés au fond de votre âme par cette beauté, cet émerveillement toujours renouvelé, tout ça sur cette boule infime, en équilibre dynamique, penchée autour de son étoile ? La sentez-vous vivre, là maintenant sous vos pieds ?</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Suivez-moi à présent au cœur du petit monde, il faut fouiller un peu, vaincre des résistances, s’allonger par terre et ne plus bouger, regarder sous les herbes, entre les fougères, sous les feuilles au pied des arbres ou sur les berges d’un ruisseau. Sentez-vous cet affolement de couleurs, de senteurs et d’odeurs, ces petits peuples qui grouillent, vaquent et se croisent, la vie qui rampe, vole, sautille et ondoie. Tout ce monde très occupé à ses affaires auxquelles nous ne comprenons pas grand-chose mais qui, quelque part, est la continuité de ce que nous sommes.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Voilà aussi où nous en sommes, voilà ce que nous partageons, voilà ce que nous détruisons.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Vivre et aimer tout cela ne vaut-il pas mieux, mille fois mieux que notre quête imbécile du profit, de la croissance à tout prix, mieux que nos salaires aussi indécents quand ils sont insuffisants pour vivre que quand ils sont démesurés, où la seule question alors devient que faire de tout cet argent ? n’est-ce pas proprement sidérant de savoir qu’un infime pourcentage de nantis possèdent autant de richesse que la moitié de l’humanité ?</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Une vie autre nous appelle, une vie autre nous attend. C’est à nous de choisir, ici et maintenant. Continuer comme toujours, dans notre course inutile et mortifère vers le néant, ce Titanic terrestre où chacun de nous est capitaine, accepter cette fatalité dans tous les sens du terme, laisser venir la mort et avouer notre impuissance. (il y aura toujours des cyniques pour dire qu’un autre monde renaîtra tel le Phénix de ses cendres, ou qu’eux-mêmes ou leurs congénères s’en sortiront toujours. À ceux-là, je répète qu’il est très difficile de se protéger du malheur, il trouve toujours un endroit où frapper et que c’est aussi de leurs enfants qu’il s’agit).</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ou au contraire, serons-nous capables de mettre nos talents ingénieux, notre enthousiasme d’humains, notre génie industrieux, nos arts, nos idées, notre allant, notre jeunesse, notre passion, nos intelligences et nos joies au service d’un futur que nous décidons tout autre ? Serons-nous capables d’agir chacun là où et telles que nous sommes, de saisir les opportunités et de nous mobiliser tous pour maintenant, décider de changer le cours des choses. </span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Nous pouvons le faire, c’est maintenant ou jamais en ce qui nous concerne. Nous pouvons choisir l’intense jubilation de nous sentir participer du vivant, collaborer avec toutes les espèces que notre Terre abrite, en continuité avec elles au cœur des équilibres, inventer un jeu nouveau où c’est la grâce des choses qui compte. Oui, nous pouvons sentir la joie de participer du vivant, être en symbiose avec lui. Voyons-nous attentifs, alertes, prudents, responsables, à notre place et respectueux de ce qui n’est pas nous, au lieu de laisser nos pulsions, nos désirs et nos envies nous faire croire que nous sommes ces prédateurs avides et sans retenue que, jusqu’à aujourd’hui, nous n’avons cessé d’être.</span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Oui, aujourd’hui est un beau jour pour changer. </span></div>
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<span style="font-family: "calibri" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<a href="https://2.bp.blogspot.com/-7aamvBqdDe8/XN6vz7JqpUI/AAAAAAAABHw/or4FvtWUgL8GlCSApEh65x5Lg-G4EOa3wCEwYBhgL/s1600/Terre.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="586" data-original-width="880" height="213" src="https://2.bp.blogspot.com/-7aamvBqdDe8/XN6vz7JqpUI/AAAAAAAABHw/or4FvtWUgL8GlCSApEh65x5Lg-G4EOa3wCEwYBhgL/s320/Terre.jpg" width="320" /></a></div>
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<span style="font-family: "calibri" , sans-serif;"><br /></span></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-69421391584068227662019-01-17T02:10:00.001-08:002019-01-17T02:11:41.071-08:00Ocean 28<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://4.bp.blogspot.com/-TWsAB1M0Sf0/XEBUYl4lX3I/AAAAAAAABFo/EiULISQcDq4RUek0FNm4yloVW0nloRg5gCLcBGAs/s1600/flags.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="480" data-original-width="852" height="180" src="https://4.bp.blogspot.com/-TWsAB1M0Sf0/XEBUYl4lX3I/AAAAAAAABFo/EiULISQcDq4RUek0FNm4yloVW0nloRg5gCLcBGAs/s320/flags.jpg" width="320" /></a></div>
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<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Did yesterday’s MPs vote against Brexit plan come as a surprise to you? Not to the least to me. This is yet another part of a fascinating drama that is played in real life before our mesmerized eyes.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Let me put it straight upfront: I love the Brits, I really do. Having lived in the UK for 3 years which were among the happiest in my life, I enjoyed this people’s particular sense of togetherness: deep, prudent, discrete, delineated, with a few untold rules you’d better live by (I reckon this is true of any country you live in for a while, but strikingly so for the UK where a lot of things are untold, maybe the most important ones). This country <u>did </u>invent democracy, by the way, and one just has to participate in <u>any </u>general meeting whether of an association or else, to see it at work: consistent, orderly, patient, pragmatic.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">So what’s the heck is going on? What is all this Brexit mess about? What kind of a show are we, European citizens, requested to watch? Is there anything for us to understand? Here is how I see it: in any circumstance but particularly in History, what is interesting is the story behind the story. In this instance, one'd better say the Tory behind the Tory.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Let’s have a look: A good story has a great title (Brexit? Wow!), an appealing beginning, a compelling plot within a suitable context, something to stick you in and make you believe it could be true. Moreover, a bestseller usually requires a good story A mixed with a strong B one and God knows this Brexit story IS a massive bestseller! Nothing less than a Fleet Street saviour.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">As for the beginning of the story, it was not quite of the “<i>happily ever after</i>” sort and there was some worried looks on the fairies’ faces at the cradle. Anyway, when the UK joined the EEC in 1973 (take notice: not the EU at that time, this may explain that just a little), it was then massively thought that joining was a matter of national interest (2/3 vs 1/3). For at least two reasons. One was the prospect of the EEC becoming one of the biggest markets on Earth and surely an economy that vastly relied on trade would not want to be singled out, they had to be part of the show. The other was the near millennium long British tradition to keep any potentially dominating European power on a short leash. So, they joined and for decades they did all they could to mint the two sides of the coin their way: having a say on a massive market and having a no against any would-be political integration to keep the economic community as far away as possible from becoming a continental power. Hence, they had no genuine interest whatsoever into the European Project as designed by the “founding fathers” although they pretended so. Once inside, it was merely a matter of negotiation, as hard, as far, as long as they could to keep it their way. And one thing is for sure: the Brits have their way of negotiating. Anyone who’s gone into negotiation with them has experienced this particular way of theirs to strike a deal (talk about a story behind a story!). For decades, the EU has been a huge playing ground for them as it is nothing but a negotiation arena! This went on rather smoothly and gently and they worked it out fairly well. The European Project was shelved, the Union shaped as a trade one, so to speak and, whenever it disagreed, the UK could secure its very specific position strictly within the lines that were defined when they joined (the point here is not to list the specific advantages the UK got from the EU but if you had a look, you’d be stunned, the least not being the ones David Cameron pocketed when he hammered his Brexit wedge).</span></div>
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<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
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<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">To summarize, story A is a divorce one, when the gap and frictions between untold original intentions become so wide that sleeping in different beds or even rooms is no longer a solution but separation (They invented divorce too, btw!).</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">To give it a bit more substance and delve into these untold intentions, let me share an experience I had when in the UK. I used to speak in a couple of business conferences and I remember far too well how the audience reacted to one of my speeches. As I enjoy a British first name, they could not spot I was French from the speakers list, so the first move I sensed when I started my speech was the audience being discretely startled at my not-so-discrete French accent (whatever you do, you keep that for life, my friend!). Then the attention got its momentum and I could feel a growing interest for what I was saying. Until disaster stroke: I used a typically continental alternative formula “<i>either…or</i>”. There I felt the attention disband and, like a desperate cook watching his flattened soufflé, got it all lost. Later in the day, I asked one of the participants what had happened. The answer has been a lifelong lesson to me. “<i>You were telling interesting things, my young friend </i>(yes, it was some time ago)<i> until you got into this alternative of yours. We, the British, don’t thing that way. You’ll never get us caught into a two-sided alternative, there is always a third option at least, there HAS TO BE! For instance, about Europe, don’t ask us to be Europeans as you are or want to be! We’ll never be so. We can only stand on the border line, out AND in with you. We’re an island you know, and a merchant island as such. A merchant is a go-between, remember? So are we! We are a go-between the US or the RoW and the EU and if you admit this intermediate position of ours, you’ll make the best of us</i>.”</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Wow! So telling! No need to say I have valued this piece of information like a treasure ever since. From a continental perspective into this divorce story, this is as if you had married a girl or a man who wants to keep a couple of lovers at hand. Talk about misunderstanding!</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"> As for the plot, I would describe it as to <b>secure long term national interest </b>within the hectic, fierce, intertwined international ball game. Would you need anything more intense, more ruthless for a plot?</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"> If all this was not enough, here are a few ingredients that came timely to feed the dynamics and sharpen the drama line: Rising populism and nationalism everywhere, a few shameful simplistic pieces of domestic information junk, the so-called <i>special relationship</i> with the US aptly fueled by D.Trump, probable foreign interference (at least Russia), a United Kingdom vs a disunited EU as a negotiation line, the Norway model as an expected result, not withstanding internal political second thoughts (vs Labour and within Tories).</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"> Now the story B. Let me ask you a simple question: would you really believe a country that was shrewd enough to set up and execute the Fortitude operation during WW2 to make the Nazis believe the D Day landing would happen in Norway or near Calais, would become amateurish, shortsighted or even careless enough to call for a vote on Brexit without in-depth prior analysis and manoeuvre? I don’t. Matters of national interest are not dealt with the kind of improvisation we are made to believe. This is not possibly true. Don’t get me wrong! I don’t intend here to say this was all planned from the beginning. No. Politics are a matter of putting together the right intent with the appropriate dynamics, supported by proper circumstances so as to get the expected result. As you can see there is quite a bit of a leeway. <i>C'est la vie!</i> What I mean here, is you are <b>dealing with professionals</b>: the politicians themselves, their cabinets, advisers, intelligence services, you name it. The divorce issues and options have all been rightly considered. All of them, it cannot be otherwise. Including the Irish border issue of course. Would you imagine a treaty so important to the UK national security to be overlooked? You must be kidding. The plain truth is it has been considered and kept as a pocket piece, an escape route if things went the wrong way.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><b>Brexit as it is told, is a complete set up</b>. A gigantic historical set up, something like Ocean 28. For two years now, we’ve been witnessing a master game brilliantly and patiently being played,with all appropriate characters: the good, the bad, the fool and the ugly. Because the UK simply cannot lose: they have had all their options ready from the very start. They’ve been surprised by the referendum result as well as the EU negotiation line, yes that’s for sure but it had been considered and validated as an option because the gamble definitely was worth a try for their national interest. As if in the divorce agreement, you requested access to the house in case of parties, as well as to the kids, the fridge and the bank account. Yes, I know, it happens sometimes.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">If they don’t get a deal in line with their national interest, they have the option ready: they will not leave, pure and simple. Did you notice? All European representatives keep asking the UK to tell the world what they want. But they cant! It is impossible for them to tell their intentions aloud and the Europeans know this perfectly well! This is just another wedge, an excuse to bring them back to the referendum table and stop this nonsense.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"> Now you can tell the ending: <b>they actually will not leave.</b> As the attempted gamble failed, you’ll see a few hiccups, a lot of media noise and a couple of contradictory polls, then another referendum will eventually take place with the appropriate result and they merely will never have left Europe (They made perfectly clear from the beginning that they kept all their options open and could not be forced out). As required by their national interest.</span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">End of story. Now, back to square one: what will happen with our marriage?</span></div>
<br />
<div class="ember-view" id="ember2582" style="background: 0px 0px rgb(255, 255, 255); border: 0px; box-sizing: inherit; color: rgba(0, 0, 0, 0.9); font-family: -apple-system, system-ui, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, "Helvetica Neue", "Fira Sans", Ubuntu, Oxygen, "Oxygen Sans", Cantarell, "Droid Sans", "Apple Color Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Symbol", "Lucida Grande", Helvetica, Arial, sans-serif; margin: 0px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">
<div class="reader-article-content" dir="ltr" style="background: 0px 0px; border: 0px; box-sizing: inherit; margin: 0px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">
<div style="background: 0px 0px; border: 0px; box-sizing: inherit; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); font-family: "Source Serif Pro", serif; line-height: 3.2rem; margin-bottom: 3.2rem; margin-top: 3.2rem; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">
<br /></div>
</div>
</div>
<br />
<div class="social-detail" style="background: 0px 0px rgb(255, 255, 255); border: 0px; box-sizing: inherit; color: rgba(0, 0, 0, 0.9); font-family: -apple-system, system-ui, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, "Helvetica Neue", "Fira Sans", Ubuntu, Oxygen, "Oxygen Sans", Cantarell, "Droid Sans", "Apple Color Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Symbol", "Lucida Grande", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 16px; margin: 0px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">
<div class="reader-social-details clear-both ember-view" id="ember2584" style="background: 0px 0px; border: 0px; box-sizing: inherit; clear: both; margin: 0px 0px 32px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;">
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<section class="feed-shared-likes-list reader-social-details__likes-list ember-view" data-control-name="likes" id="ember2585" style="background: 0px 0px; border-bottom-color: initial; border-bottom-style: initial; border-image: initial; border-left-color: initial; border-left-style: initial; border-right-color: initial; border-right-style: initial; border-top-color: rgba(0, 0, 0, 0.15); border-top-style: solid; border-width: 1px 0px 0px; box-sizing: inherit; cursor: pointer; list-style-type: none; margin: 0px 0px 24px; outline: 0px; padding: 0px; vertical-align: baseline;"></section></div>
</div>
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<div class="reader-flag-content__wrapper mb4 clear-both" data-ember-action-2583="2583" data-ember-action="" style="-webkit-text-stroke-width: 0px; background: 0px 0px rgb(255, 255, 255); border: 0px; box-sizing: inherit; clear: both; color: rgba(0, 0, 0, 0.9); display: flex; font-family: -apple-system, system-ui, BlinkMacSystemFont, "Segoe UI", Roboto, "Helvetica Neue", "Fira Sans", Ubuntu, Oxygen, "Oxygen Sans", Cantarell, "Droid Sans", "Apple Color Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Emoji", "Segoe UI Symbol", "Lucida Grande", Helvetica, Arial, sans-serif; font-size: 1.5rem; font-style: normal; font-variant-caps: normal; font-variant-ligatures: normal; font-weight: 400; justify-content: flex-end; letter-spacing: normal; margin: 0px 0px 16px; orphans: 2; outline: 0px; padding: 0px; text-align: start; text-decoration-color: initial; text-decoration-style: initial; text-indent: 0px; text-transform: none; vertical-align: baseline; white-space: normal; widows: 2; word-spacing: 0px;">
<a class="reader-flag-content" data-control-name="report" href="https://www.linkedin.com/pulse/ocean-28-garrett-delcourt/#" style="background: 0px 0px transparent; border: 0px; box-sizing: inherit; color: var(--ui-accent-blue); font-size: 15px; font-weight: 400; margin: 0px; padding: 0px; text-decoration: none; touch-action: manipulation; vertical-align: baseline;">Report this</a></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-33627399720955589952018-11-29T02:03:00.004-08:002018-11-29T02:03:54.224-08:00Gilles & JohnNous qui nous intéressons à la conduite du changement dans nos organisations ne pouvons pas ne pas nous interroger sur ce qui est en train de se passer. Je viens d’achever une petite enquête sur les modalités de transformation dans les entreprises (oh, une toute petite étude, à peine 25 répondants). Le résultat est difficilement contestable : l’aptitude au changement est vraiment devenue une capacité stratégique. Qu’il soit pris comme un besoin de transformation ou une opportunité d’amélioration, le changement est une constante, si j’ose dire, qui traverse toutes nos entreprises qu’elles soient grandes, de taille intermédiaire, petites ou même très petites. Les capacités de réponse, les modalités, les résultats varient bien entendu, selon différents paramètres, mais le constat demeure : le changement devient continu, plutôt global et si possible progressif.<br />
<br />
Fort bien. A partir de ce constat, si on élargit le périmètre d’observation, on doit s’intéresser à ce qui se passe dans nos rues. Le « désordre » ambiant, qui bénéficie d’un très vaste soutien dans l’opinion, me fait m’interroger au-delà du désagrément qu’il me cause. Par exemple et j’imagine que vous faites de même, j’observe dans mes déplacements, les voitures avec les fameux gilets étalés sur la planche de bord. Il n’y en a pas tant que ça mais le nombre est déjà significatif, j’en ai compté pour ma part, entre 1/5ème et 1/8ème du flux avec une marge d’incertitude assez grande, due à une vigilance minimale sur la conduite. Quand même. Ce n’est pas énorme mais en tout cas suffisamment représentatif au plan statistique. L’intérêt de la chose n’est pas tant dans le nombre, toujours contestable, que dans les voitures en question. Elles sont totalement diverses : des 4/4, des petites, des grosses, des grandes, des vieilles et des récentes (j’ai même compté deux Range Rover). Bref, un échantillon assez représentatif du parc automobile français. Donc, a priori, ce truc traverse toute la société et il ne faut pas s’étonner du soutien assez massif de l’opinion (84% au dernier comptage).<br />
Donc le besoin de changement traverse puissamment nos sociétés. Là où ça devient intéressant est que ce n’est pas nécessairement pour le pire. Nous sommes à ce que j’appelle un moment-horizon. Les scientifiques parleraient de singularité : un point de basculement où on ne sait pas ce qu’il y a après. Ce qu’on sait en revanche est que les énergies en jeu dans un tel moment sont colossales entre la poussée vers l’après et la résistance de l’avant, au point que s’il ne se passe rien, elles s’expriment sous une forme chaotique, violente et le plus souvent régressive. Dans ce cas malencontreux, on repart en arrière avec des dégâts collatéraux assez considérables et on se relance pour repasser ce moment-horizon, plus tard, à nouveau. Le pire en l’occurrence est donc de ne rien faire, de ne pas écouter, de ne pas tenir compte.<br />
<br />
Un peu plus haut, j’ai mis entre guillemets le mot « désordre », parce que la notion d’ordre est nécessairement relative. En l’occurrence, se trouvent face à face les tenants d’un ordre établi avec plus ou moins de variance et les aspirants à un ordre radicalement différent, peut-être plus en phase avec l’esprit du temps. Je dis bien radical : dans ces moments très particuliers, il ne faut pas se tromper de changement. En l’occurrence ne pas se satisfaire d’évolutions à la marge. Ce n’est pas de cela qu’il s’agit. Ce que ce « mouvement » exprime, c’est justement un besoin de mouvement, de transformation en profondeur de nos sociétés, de nos façons de vivre, de nos institutions. Quelque chose qui serait d’ailleurs adapté aux enjeux du moment. En particulier une façon plus ouverte, plus distribuée de gérer les choses (la co-construction si fréquemment recommandée dans la conduite du changement), un partage des responsabilités. Un basculement du pyramidal vers une organisation plus horizontale, reliée, réticulée. Il ne faut pas s’étonner que tous ces gens piquouzés à Facebook, Instagram ou autre réseau social, s’exaspèrent de la persistance de modèles plutôt verticaux. Celles et ceux qui ont lu <a href="https://amzn.to/2FZRxeH" target="_blank">Frédéric Laloux</a> reconnaîtront aisément le nouveau paradigme « teal », l’étape suivante de la conscience humaine.<br />
<br />
Si vous vous intéressez aux « doléances » exprimées par ce mouvement, issues d’un sondage en ligne justement, c’est un recueil étonnant, je dirais même novateur, de revendications assez fondamentales : fin du sénat (cela vous étonne ?), assemblée citoyenne, consultation populaire par référendum, reconnaissance du vote blanc, promulgation des lois par les citoyens, parité… Et je passe sur les demandes plus liées aux circonstances (carburant, retraites, taxes…) Il y en a une que je n’ai pas trouvée mais qui est sous-jacente dans tout ce qu’on entend: la fin de la toute-puissance des experts (ou sa contraposée : le principe de « grassroots reality » - je ne trouve pas de traduction satisfaisante). Lisez-les, vous les trouverez un peu partout. Au-delà de la pagaille, des ressentiments et des mots, j’y vois quelque chose de significatif, une assez belle maturité même qui me ferait penser au bouquin « <a href="https://amzn.to/2SeaDPc" target="_blank">La sagesse des foule</a>s » de James Surowiecki, où il nous explique comment la sagesse collective peut être plus efficiente que la connaissance d’expert en particulier dans les domaines de la cognition, de la coordination, de la coopération. Attention, Il est indispensable pour que cette sagesse opère, de prendre en compte 4 conditions et je ne suis pas sûr (c’est un euphémisme) qu’elles soient réunies dans le cas qui nous préoccupe, en particulier l’indépendance de jugement entre les participants (!). Je n’ai pas dit que cette foule de gilets était sage mais vous comprenez l’idée : Au-delà de ceux qui ne perdent pas une occasion de casser ou brûler quelque chose ou de ceux qui, derrière, s’essaient à la manœuvre, ce qui se passe est un symptôme d’un changement d’époque que nous devons prendre en compte, la marque de ce moment-horizon dans lequel nous devons nous engager avec lucidité, courage et détermination.<br />
<br />
Permettez-moi un (dernier) avis : si tous ces gens en veulent tant à notre Président que je trouve personnellement plutôt courageux, il me semble, au-delà des attaques ad hominem et des jeux politiques, que c’est pour une raison finalement assez simple: il a été élu sur une promesse de changement de paradigme, sur l’abandon des vieux logiciels. Il a symbolisé pour beaucoup cette aptitude à changer, à actualiser ce besoin d’autrement mais il faut bien reconnaître que nous manquons plutôt de lisibilité sur la profondeur et la finalité des changements qu’il opère. Sur ce qu'on appelle la "situation cible". Je ne reprendrai pas cette formule honteuse fabriquée et reprise par certains à partir du verbe « dégager » mais elle en est l’esprit : l’aspiration au changement est énorme, c’est le temps qui veut ça et le travail de nos élites, de nos gouvernants, de nos représentants, de nous tous est de l’engager, de l’accompagner et de le conduire. Sinon gare aux frictions et à l’effet Joule. En un mot comme en cent, il se pourrait que l’heure de la VIème République, à la fois comme processus de changement et comme situation-cible, ait sonné. Entre autres.<br />
<br />
PS : si certaines et certains d’entre vous sont intéressés par les résultats de l’étude sus-mentionnée, qu’ils me le fassent savoir, je la leur transmettrai bien volontiers.<br />
<br />
PPS : le titre de ce billet vient d’une blague qui a circulé et qui, pour ma part, m’a bien fait rigoler.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-32341452199861740032018-07-16T10:44:00.002-07:002019-08-19T08:17:19.188-07:00Anniversaire<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Je me précipite presque, il me faut écrire ce qui vient. Demain est mon anniversaire. Le 64<sup>ème</sup>.
La fin de mon huitième Windu, le huitième cycle de huit ans de ma présence sur Terre dans
la tradition Indonésienne ; Aujourd’hui est le 16, un chiffre
magnifique : 4 fois 4 pour la fin du 8<sup>ème</sup> Windu, çycle de huit
ans. Huit fois huit et quatre fois quatre. Une fois, une seule fois dans une
vie, une date pareille. D’autant que le 16/7/2018 nous donne seize et deux fois
neuf. Seize. Neuf. Comme une invitation à se saisir. Se saisir du nouveau, du vivant et de tout ce qu’il offre. Une date vraiment très spéciale. Donc je jeûne aujourd’hui,
pour la prendre du bon côté, la vivre de l’intérieur, d’abord. Démarrer le 9<sup>ème</sup>
en le sentant vivre de l’intérieur, comme une gestation, un accouchement. Je
suis sûr qu’il y a quelque chose de cet ordre-là. Ce qui vient dans sa vie, c’est chacun qui le
fait naître.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Déjà je me suis libéré de chaînes
que je m’étais imposées, par nécessité dites impératives. Je crois que n'est véritablement nécessaire ce qu'on referait à l'identique s'il nous était donné le choix de le revivre. </span><br />
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Je peux vivre, enfin, qui je suis, totalement libre. En particulier de fêter ce jour comme il convient. Le faire en bossant dans cette entreprise où je n'étais qu'une infime partie de moi-même, celle que j'aime le moins, aurait été impossible, passer à côté, ne rien voir. Là, je peux le contempler, regarder
et vivre cette date comme on fixe un point sur l’horizon ou dans l’espace, pour
en mesurer la distance, en connaître la profondeur. Repérer une trace peut-être ? Je
me sens heureux, pleinement heureux. Satisfait peut être serait mieux à
dire ? Plus exact ? En moi quelque chose chante que je suis plein,
vivant comme une planète parfaitement en équilibre sur sa trajectoire. Qui tourne,
faite de lumière et d’obscurité mais qui décrit parfaitement le chemin qui lui est tracé dans le grand ordre des choses.
Il ne peut en être autrement. En avoir conscience est important. <span style="mso-bidi-font-weight: normal;">Comme une <i>jubilation secrète</i></span>.
Ne pas savoir ce qui va suivre n’a aucune importance. Ce qui compte est la
trajectoire et ce qu’on sème. Comme une graine lancée à pleine vitesse qui
rebondit sur des sols, différents à chaque fois et qui, à chaque fois, laisse
une partie d’elle-même pour que quelque chose pousse et advienne. Quelque chose
qui ne nous regarde pas, qui ne nous appartient pas. Nous sommes tous ces
graines propulsées et invitées à participer au grand jeu de la création.
Fragments de conscience qui jouent et s’observent.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1954-1962 – 0 à 8 ans – 1<sup>er</sup> Windu : Faut s'y mettre, mon garçon!<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Premier cycle, premiers huit ans.
L’enfance. J’ai du mal à m’en souvenir. Fut-elle heureuse ? Probablement.
Faite de découvertes et de déconvenues. Je crois que je suis né avec une idée
en tête : <i style="mso-bidi-font-style: normal;">ENJOY ! Sois joyeux
et mets de la joie au monde si tu peux.<o:p></o:p></i></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<i style="mso-bidi-font-style: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></i></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Je m’imagine enfant, fouinant
partout, le nez en l’air pour deviner et comprendre. Le mettre où ça ne me
regarde pas. M’essayer à mes premières blagues, facéties de gamin, pas toujours
bien prises. Premières difficultés aussi. Souvenirs de maladies
et de traitements obscènes : piqûres et tubes en carton pour m’empêcher de
me gratter. La camisole n’était pas loin. Avant la désensibilisation. Ce nom
est étrange, il sonne comme un programme d’aliénation. C’est vrai qu’il était
trop sensible cet enfant. Allergique au point d'en être à vif. Les douches filiformes seront pour plus tard, le
cycle d’après, doctoresse en tablier de caoutchouc et bottes blanches. Je ne
sais pas s’il y en a que ça fait fantasmer, moi pas avec la peau qui
craque et qui saigne. Rougeole, oreillons… Accidents aussi avec un bras cassé.
Le gauche. Bref, ça démarre cahin-caha, cette existence. Je m'en souviens comme
d’une acceptation fataliste, les révoltes viendront plus tard. Après tout, si
c’est ça la vie, c’est que ça doit être comme ça. La maison de mon grand-père
encore vivant. Mon arrière-grand-mère et ses pots de confiture à la framboise.
Les jeux avec les cousins dans une maison immense et décatie, en ruines mais je ne
m’en rendais pas compte. D’autres maisons aussi, les nôtres. Nous déménagions
souvent, ne faisions que passer au gré des affectations de mon père. Une maladie qui me restera plus tard. Puis un appartement au dessus d'une avenue passante, au tramway grinçant (déjà, il y a soixante ans!) et fortement illuminée à Noël. Puis enfin une maison
pour finir où nous grandirons tous. Des vacances dont il ne reste pas
grand-chose si ce n’est une chute dans un ruisseau à Amélie Les Bains et
l’odeur ineffaçable du figuier qui aura imprimé ma mémoire à jamais. Le Mont D’Ores, La Bourboule et des cures qui ne donneront
rien sinon un sentiment d'abandon et d'oubli.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Un cycle pour m’ancrer dans ma
famille peut-être, m’en familiariser, c’est le cas de le dire. Me préparer à la
suite, bien mystérieuse pour moi à cet âge. Scolarité heureuse et tranquille, pas
vraiment une flèche mais tout va bien merci. « <i>Peut mieux faire</i> » sur
le bulletin. Partie de billes, de foot et d’osselets à la récré. Je me souviens
d’un midi, ma sœur qui devait me ramener à la maison, était en retard, bloquée
avec toute sa classe pour je ne sais quelle raison. On était venu me chercher et je m'étais assis sur l’estrade
face à toute la classe. Toutes ces filles qui me faisaient des signes que je n’osais
regarder. Un monde. J'en garde un souvenir mitigé. Quand je me souviens de moi petit garçon, je me vois plutôt tranquille, dans
son univers pas trop vaste, regardant et observant beaucoup, essayant de
comprendre comment ça marche. Le monde immense, plus loin, me parvenait par
bribes. Par exemple des soirées à écouter l'émission « ça va bouillir » </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">au transistor tout neuf de ma sœur, porte ouverte entre nos chambres. Ou </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">le
lapin Gringoire et ses gages et Salut les Copains </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">sur Europe1 quand on goûtait à la cuisine. L'odeur me vient encore aux narines, mélange de lait, de beurre et de sueur, dont je ne sais si je la trouve agréable ou non. Sûrement pas à l'époque. </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">Je partageais une chambre avec
mon frère. Nous jouions beaucoup et nous engueulions souvent. Faisions l’avion dans les placards, cabane avec les
couvre-lits et disions la messe, souvent, avec un Christ façon Corcovado qui avait
perdu ses mains. Nous faisions rouler les billes à n'en plus finir dans les rainures du plancher,
à rendre fous nos parents qui dormaient en dessous. Au point que mon père
bricolera un interrupteur dans sa chambre pour couper le courant dans la nôtre.
Ingénieux, je me demande encore comment il avait fait. Tous les garçons et les filles de mon âge… chantait Françoise Hardy.
J’étais trop jeune pour être yé-yé mais ça commençait à m 'intriguer.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Un Windu pour commencer, un cycle
pour rire comme on dit de ce qui ne compte pas alors qu’il n’y avait pas de
quoi rigoler. Celui par lequel
tout arrive, tout s’inscrit, tout s’écrit. Mais il m’en reste si peu. Je crois
que mes parents ramaient un peu. Le démarrage dans la vie civile de mon père
qui avait quitté l’armée. La mort du sien. Sa famille qui s’éparpille et la
nôtre qui se cherche. Cette période
garde néanmoins un parfum assez doux et quelque peu mystérieux. Avec des pans
entiers de mémoire oblitérés, je me demande un peu pourquoi et ce qui s’y
cache ? Un serpent sous un fagot au fond d’un jardin. Mon meilleur pote et sa volière immense, remplie d'oiseaux que je trouvais étrange, à la contempler pendant des heures. Et sa mère dont j'étais amoureux, un peu. Je ne me souviens de
rien ou si peu, ni de l’Allemagne où je suis né, ni de notre passage en
Bretagne dans une maison gigantesque ou de Paris où naîtra mon frère. Pérégrinations
oubliées. Mais bon, cela aurait pu être pire comme démarrage.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1962-1970 – de 9 ans à 16 ans : 2<sup>ème</sup> Windu : Où est l'entrée?<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce deuxième cycle est plus
compliqué, plus confus et plus tourmenté. Je me cherche et je ne trouve rien
qui vaille. Il faudra attendre sa fin pour que ça s’éclaire un peu.
Bagarres fréquentes, mauvaises, avec ma mère et sa cravache, au point que je regretterai souvent de ne pas en avoir eu une autre (pauvre mère!). Plus rares avec
mon père. On se parlait finalement très peu. Il nous organisait des grandes
balades en forêt où nous faisions des cabanes pendant des heures, jusqu'à ce qu'il fasse froid au point de rentrer. Ma mère était la victime favorite
de mes poissons d’avril et je ne suis pas certain qu’ils aient été à son goût. Corvées
de charbon à la cave en hiver. Jeux sans fin avec mon frère : apprendre le
morse avec un télégraphe reliant sa chambre et la mienne, premiers films
super-8. Il faut que je parle de ce frère cadet : nous étions vraiment très
proches, une vraie paire, faisions tout ensemble. Un Noël, il reçut une petite caméra super-8, un truc très sommaire, genre boîte à savon, nous
en ferons des merveilles. Au même Noël, j'ai reçu pour ma part, une carabine 22 long rifle. Je ne sais pas ce
qu’elle est devenue. Je crois que je n’ai jamais connu un cadeau aussi
encombrant, aussi impérieux, aussi décevant. Une fois épuisée la boite de balles traçantes, je me suis dépêché de l'oublier. Un truc de grand mais pas un grand
comme j'aurais voulu être. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>C’est à
cette époque, un peu avant vers mes douze ans probablement, que je me suis essayé à écrire un roman de Bibliothèque Verte « Mystère à l’Ambassade »,
une sorte de Club des Cinq ou de Six Compagnons, dont j’avais écrit une
quarantaine de pages avant qu'elles ne disparaissent un jour sans laisser de trace. Premières
suspicions vaines. Je lisais énormément, dévorais tout ce qui me tombait sous
la main, bibliothèque d’enfants ou celle des parents, ce qui m’amènera à
quelques découvertes.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Malgré toutes ces expériences, le
monde m’échappe, comme s’il partait se dérouler ailleurs, j'avais du mal à suivre, ne croisant sa trace que très furtivement, en douce presque. J’ai
l’impression d’avoir loupé mon entrée. Par la mauvaise porte, celle des figurants et tous les
événements se déroulent à mon insu, plus loin. En retard sur tout, à côté de tout. La sexualité apparaît à son tour,
un truc plutôt intéressant qui m’aura occupé quelques heures, sans trop savoir qu’en
faire ni comment s’y prendre. Pas vraiment un sujet pour mes parents sauf pour
mon père qui m’emmènera voir un film d’éducation sexuelle, Helga, tout un programme. Je me souviens de la salle, remplie de papas, de mamans et de mômes qui se
demandaient ce qu’ils foutaient là. Heureusement je n’ai reconnu personne. Je reste
un peu circonspect sur l’expérience. Quant aux copains, je m’en méfiais et je
ne me suis jamais vu me laisser aller à des questions ou pire à des
confidences. Du coup, le monde des filles sortait du brouillard, fantomatique comme une île captivante et mystérieuse dont on ne sait pas par où l'aborder. Tentant, fascinant, avec des parfums
enivrants et des formes que je ne me lassais pas de contempler mais un Annapurna
infranchissable (Annapurna veut dire "Belle Déesse des Moissons"...ça ne s'invente pas). Pas de voie, pas de balise, il faut tout inventer et ce n'est pas rien. La grande épreuve initiatique en fait. Je me
souviens avoir fait demi-tour sur le chemin d’une de mes premières boums, ne connaissant pas grand-monde, ne sachant comment
faire ni ne me voyant danser, n'ayant jamais appris et n'étant pas trop doué pour les gesticulations. Sans commentaire. Je me revois faire le
pied de grue durant des heures devant la maison d’une amie que je trouvais très
jolie, espérant l'entrevoir, espérant qu'elle sorte... Ne sachant pas trop ce que j'espérais, à vrai dire. Rue du Profond Sens. Ça sonne plutôt chic et très chinois mais la
réalité était plus prosaïque : Une cense
est une ferme dans le patois du Nord. Et ça ne sent pas toujours très bon. Je m'étais fait traiter de censier plus d’une fois dans mon premier cycle, à
cause de ma « peau de lépreux » (Plus tard, ma fille aînée aura
droit aux mêmes friandises). Peau qui m’aura valu une année scolaire entière
assis à côté d’un autre paria, un censier à l’odeur prenante
et tenace. Je me souviens encore de son nom mais préfère le taire.
Je me faisais cogner dans la rue sans raison, les "bullies" m’attendaient à la
sortie du collège, m’obligeant à de très grands détours pour rentrer chez moi.
Autres accidents, fracture du crâne lors d’une course à vélo, jambe
cassée à ski lors d’une balade avec une fille dont j’étais amoureux… La totale.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Un jour, ma mère a transformé
notre maison en maison de Marie Claire, une bicoque œuvre d’art où elle organisait des expositions de peinture, où nous avons perdu tous nos repères,notre repaire. Une maison à visiter, pas à habiter. A partir de là, tout s'est effiloché assez rapidement. Je jouais au tennis, passablement, j’apprenais l’escrime,
médiocrement. Je nageais moyennement. Bref, je pataugeais, superbement. Mon
père qui avait tout compris et qui avait dû passer par là m’offrit une
mobylette. Un magnifique vélomoteur Peugeot, bleu comme une porte ouverte sur la liberté, des balades sur des routes sans fin à travers champs, commençant au soleil et finissant sous la pluie. Seul, puis avec un pote puis surtout avec cette même amie, toujours aussi jolie, dont j’étais toujours très
maladroitement amoureux et qui donc l’ignorait ou faisait semblant, ce qui
n’était pas du tout la même chose mais j’étais trop jeune pour le savoir à
l’époque. Mon père ira même jusqu’à l’inviter à une soirée avec nous au théâtre à Paris. Un voyage énormissime de sens, au pluriel et dans tous les sens du
terme et dont pourtant je ne me souviens qu’à peine. Une soirée horrible à ne
rien voir de la pièce mais tout entrevoir d’elle et surtout tout voir de mon
impuissance à m’attaquer enfin à l’Annapurna que mon père dans sa tendresse
avait mis sur le pas de ma porte. Il ne se passera rien, je suis resté au camp de base et en garderai
longtemps une sourde détestation de la montagne. </span><br />
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span>
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Enfin la mer
arrive, je veux dire le bateau. D’abord le dériveur puis la croisière.
Un monde nouveau, un rêve immense totalement éveillé ; Un truc improbable
auquel rien ne me préparait, un autre monde, totalement inattendu où je me
révèle enfin. Je me réveille pour ainsi dire. Une porte grande ouverte sur qui je suis, qui je peux être. Quand le monde, le vrai, devenait
dur, complexe, fuyant, celui-là s’ouvre, s’offre, magnifique, immense et bienveillant.
Où je vais exceller. Je gagne toutes les régates de dériveur que je fais la première
année, je m’éclate à découvrir un type qui réussit, qui comprend
ce dont il s’agit, que les gens apprécient. Les copains qui veulent embarquer
avec moi, pour le plaisir et pour la réussite. La croisière qui vient ensuite,
la mer en univers, un monde de contemplation, de calculs, d’action,
d’anticipation. De trouille et de courage aussi. Un monde à plusieurs mais en modèle réduit. Un monde de voyage
et d’itinérance, un monde plein de projets. Ce cycle finit décidément mieux qu’il n’aura commencé.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1970-1978 – de 16 à 24 ans : 3<sup>ème</sup> Windu : Sur-vitaminé!<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce cycle là sera celui de la mer.
Du bateau. J’en dessinerai, sans fin, collectionnerai revues, plans, rapports
d’essais. Vivrai de croisière en croisière, offrant mes services d’équipier sur
les ports, convoyant mes premiers bateaux avec mon frère. La mer dans tous ses
états. Les nav’ en toutes saisons, de nuit comme de jour. Le sapin en haut du
mât à Noël. L’arrivée à Fowey en Cornouailles avec les anglais qui s’occupent
du bateau pour qu’on aille se réchauffer derrière un grog. L’eau partout, même
dans le duvet. Les miles et les miles qu’on engrangeait. Pourquoi ne suis-je pas devenu architecte naval ? Tout me criait "tu es fait pour ça". Je ne pensais
que bateau.<span style="mso-spacerun: yes;"> En lieu et place, mes projets professionnels s'égaraient </span>dans le supérieur : ex- futur ingénieur Supelec (</span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">particulièrement médiocre en maths, </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">j’abandonnerai vite cette chimère), la Marine Marchande à Ste Adresse ? Une
faiblesse dans l’œil gauche m’en écartera. En fait, rien de tout cela ne m'attirait, ce que je voulais était m’échapper, fuir un monde dans lequel je n’étais pas
vraiment entré. Un projet d'expédition polaire "<i>sur les traces de Charcot</i>" dans la péninsule Antarctique fera la synthèse de tout ça. Le Grand Projet, le projet qui occupera toute ma vie de l’époque. C’était rejoindre l'épopée des
grands voyages en voilier, la découverte de la voile au long cours avec des
Moitessier, des Poncet et Janichon, des Miles Smeeton et tant d’autres. La collection Artaud dans la bibliothèque. La rencontre de mon pote, de mon quasi-frère Thierry aux EPF, les Expéditions Polaires Françaises, où lui aussi
préparait une expédition. Qu’il réalisera, lui en revanche… Une créativité
endiablée mais orientée dans un seul but : partir. Lauréat de la Fondation
Leclerc, parrainage de la fille de Charcot, sponsoring de Miro Company (le bateau devait s'appeler Monopoly), mon jeu sur la mer publié, tout cela m’apportera une petite
fortune à l’époque : près de 100 000 F que j’investirai entièrement
dans le bateau dont la construction avait commencé. Un pas énorme vers une vie rêvée.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Au milieu de tout cela, la
découverte des filles puis des femmes. Un chemin tortueux, assez bref alors
qu’on le voudrait voir durer, recherche d’absolu impossible à trouver… Un choix
d’études par défaut (« le commerce ça mène à tout »), un peu de
cinéma, des sélections aux festival du film Super8 avec mon frère et le Ciné
Club de l’Ecole. Ce troisième cycle me donne un sentiment de vitalité
totalement débridée, profonde, exubérante, pleine de découvertes et
d’ expériences. Un souvenir à la fois joyeux, décidé, divers, à surfer sur
plein de vagues, certain d’avoir fait le bon choix, avoir trouvé ma voie.
Partir en mer sur un voilier. Tourner comme on disait. Même le service
militaire avait été utile: la Marine Nationale, au courant du projet
nous donnait plein de matériel, de cartes et de rations de survie…Une vitalité
magnifique, effervescente, invincible... qui s’achèvera en déroute totale, l’abandon du projet
par départ de mon frère et l’impossibilité de le remplacer. Le voulais-je vraiment ?
Un sentiment étrange de réussite inaccomplie, d’illusion finalement ? <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Tout ça pour ça ? Huit ans de vie </span><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">passés par pertes et profits, </span><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">dont il
ne reste pas grand-chose, Pour ainsi dire rien, seulement savoir et aimer naviguer. Un crash somptueux, une première mort en apothéose.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1978-1986 – de 24 à 32 ans – 4<sup>ème</sup> Windu : Renaître<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Du coup, le 4<sup>ème</sup> cycle
sera compliqué. Il a fallu se reprogrammer, réinventer la vie à partir de très
peu. Il commence par une année ou presque d’ascèse, de vide complet en
Normandie chez un couple de chercheurs ésotériques. Puisque je n'arrivais pas à ouvrir la porte de ce monde, j'allais en essayer d'autres, ceux qu’on ne voyait pas. J'étais décidé à me sortir de ce monde qui ne voulait ni de moi ni de mes
projets. Une petite mort, une
vraie, plus rien en soi ni en dehors. Le grand vide sans identité, sans repère et sans force.
S’essayer à d’autres énergies, à ce que j'avais présumé, supposé pendant longtemps, être un monde à côté. En pures pertes. Encore. J’y ai perdu quelques dernières bribes d’illusions et, si ce n'avait été une lettre de mon père, bourrée de bienveillance avec une promesse de bières au frigo pour toute conclusion, je ne sais trop comment tout ça se serait terminé. Peut-être dans une bière au frigo. En tout cas, cette lettre m’a tiré de là et fait revenir sur Paris, hirsute,
barbu, puant le bouc et la crasse, bref un mendiant repoussant après sa longue traversée du désert. Mes parents m’ont accueilli d'un bon bain et restauré
comme on dit d’une ruine. Alors a commencé la grande errance professionnelle et
affective. Une multitude de riens dérisoires et douloureux. Comme disait
l’autre, trois fois trois fois rien, ça fait rien de neuf. J’errais dans le
rien. Avec la présence de mon père par intermittences comme on dirait d'un phare à éclats.<span style="mso-spacerun: yes;">
</span>Il m’aura fait le magnifique cadeau de me permettre de tourner mon
premier film, un moyen métrage de promotion du
fibre-ciment (eh oui). Ecrire le script, recruter l’équipe et le réalisateur,
la magie du tournage et autant pour le montage. La bande son qui vient
couronner le tout et densifier la trame. Un bonheur, un îlot de
bonheur dans un océan d’incertitude. La présence de ma mère
aussi, dans un autre domaine, qui me fit découvrir, apprendre, bosser
l’astrologie. Pas toxique mais pas franchement utile. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Un curriculum vitae criblé de
trous comme un carton de tir à la foire. Tellement foireux. L’indication
parfaite que si je voulais me débrouiller dans la vie professionnelle, je ne
devais m’en prendre qu’à moi-même. Les échecs affectifs succèdent aux désastres professionnels, toutes relations de pas grand-chose qui ne mènent nulle part. Expériences
sans lendemain qui laissent le souvenir doux-amer d’un fruit exotique dont on
ne sait pas très bien si on aime ou pas. Un truc étranger qui ne correspond à
rien de franchement vital alors qu'on croit y donner tout de soi. Autant le cycle précédent regorgeait de vie et de projets, autant
celui-ci sonne vide et creux. La réalisation patiente et appliquée d’un autre jeu, sur le Yi-King cette fois, le combat de paysans contre le fleuve en Chine dont la superbe maquette fut « perdue »
par la société d’édition. Tout ça parce que j’étais amoureux d’une nana qui apprenait
le Chinois. Puis le chômage, déjà. Enfin la décision prise par surprise, au détour d'un ultime errement. Recommencer. Recommencer à vivre, à grandir, à bouger. Recommencer un cahier neuf. Tourner la page, faire face au lieu de continuer à tout foirer.
Reconstruire ma vie au lieu de la regarder s’effriter. Après plusieurs jobs
soi-disant créatifs (agences de promo et de com’) je décide donc de faire un MBA
pour repartir de zéro. Financé en partie par le chômage et en partie par un
emprunt. Dossier accepté par miracle. Ces études m'ont construit : bosser comme un fou, échanger,
avancer, prévoir, ne pas regarder le passé et son brouillard fumeux. J’avais 26-28 ans
et j’avais connu l’échec (singulier bien pluriel). Et alors ? Je m’en fis une force comme je me fis
une force d’avoir déjà bossé, au milieu de tous ces étudiants qui n’avaient
connu que les études. Moi j’avais l’impression d’avoir
déjà une vie complète derrière moi. Cela m'a déterminé: Je ne serai plus jamais le fruit de mon passé même
si je ne savais pas trop ce que l’avenir me réservait. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce fut d'abord Brianne. Rencontrée dans le premier job que je trouvais une fois mon diplôme en poche. <span style="mso-spacerun: yes;"> Puis c</span>e sera Subud et le latihan, rencontrés grâce
à mon pote Thierry que j’avais retrouvé, hasard (?) de la Vie. Ce cycle aura été absolument incroyable :
commencé comme une mort, il s'achevait comme une vie. D’autres suivront qui
auront exactement la même forme.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1986-1994 – de 32 à 40 ans – 4<sup>ème</sup> Windu : Exprimé effervescent!<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce cycle va être exceptionnel,
totalement miraculeux. <span style="mso-spacerun: yes;"> </span>Il commence par mon mariage avec Brianne, pile au début, presque . Une fête si joyeuse, si
simple. Si profonde sans que nous l'ayons réalisé à l’époque. Une promesse longue qui
sera tenue. Ma vie commence aussi au plan professionnel: des bureaux rue de Rochehouard puis rue de Paradis. Des instants où tout est écrit, tout ce qui est à vivre, tout ce qui est à comprendre, à tenir et il
faut une vie entière pour le dérouler . Exactement comme pour le
latihan : on reçoit tout d’un seul coup au premier exercice et on passe sa vie à le
décortiquer. La vie explose de partout : enfants qui viennent, amis avec
qui on partage la vie, une maison, un métier qui s’invente et se construit.
Libre et décidé. Une vie légère dans les épreuves qui ne manquent pas mais qui ne marquent pas, une vie
déperlante en quelque sorte. On a l’impression de passer au travers des
gouttes. La vie facile avec trois fois rien. La
sensation d’y aller, de ne pas faire semblant. M’engager à fond, toujours à fond, dans une vie
différente et prometteuse. L'expérience spirituelle du latihan y est pour beaucoup, fenêtre ouverte sur
un paysage inconnu et dont il est difficile de se souvenir des contours. Les enfants nous nourrissent, nous écartent et nous
augmentent. Une conscience qui s'étend et grandit, forgée par l'expérience. Des choses se révèlent qui s'enracinent. Je commence à comprendre.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Une vie pleine de bulles, de
hauts, de bas, de vitalité retrouvée. La créativité partout. Entreprises,
projets, responsabilités acceptées, en famille et dans Subud. Le projet Music
Point mené à son terme avec Thierry et Maya, un succès magnifique et joyeux,
tellement facile, étonnamment facile. Un cycle de mouvement et
d’approfondissement. Comme le début de la vraie vie, comme si, avant, c’était
un exercice. Je me souviens d’avoir eu la sensation d’avoir déjà tellement
vécu. Une régénérescence en marche. Un cycle puissant qui allait s’achever en
catastrophe. Une autre mort. Professionnelle, encore.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">1994-2002 – de 40 à 48 ans - 6<sup>ème</sup> Windu : Échappée<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Je ne savais pas comment
l’appeler, ce cycle qui commençait si mal. Je crois que c’est pas mal trouvé.
ça résonne Tour de France, le repère de mon anniversaire pendant les vacances
d’été quand j’étais plus jeune. Mon père nous y emmenait et je comptais les
étapes qui m’approchaient de la date attendue. Ce cycle, puisqu’on parle de
vélo, commence par une chute, ça tombe bien si l’on peut dire. Il y en a aussi sur le Tour. La fermeture de
mon agence de com’ et la somme colossale d’emmerdements financiers qui vont
avec. Cette agence était construite sur du sable, des illusions, des contrats
qui n’en étaient pas, des clients sans vergogne et au premier coup de vent elle a
dégagé. Un château bouffé par la marée. A nouveau plus rien, sans rien (dès le début, Brianne avait lâché sa carrière pour s'occuper des enfants). Le
grand vide professionnel et financier avec quatre enfants à élever. Les nuits blanches, la trouille au ventre sans discontinuer, mais il faut avancer. Le coup de pot, le miracle diront certains avec raison, la vente de Music Point arrive à point nommé et tout l'argent passe à payer les dettes de la boite que j'avais coulée. On s'en sort tout juste. Puis la vente de la maison et, à nouveau repartir de zéro. Salarié, pour se refaire une santé, dans une boite où je n'ai rien à
faire. Rien qui me ressemble. J'y suis une espèce d’étonnement pour eux, une aliénation
pour moi. Un miracle sur ma route pour m’aider à me refaire. Mais l’enfer ce
n’est pas les autres quoiqu’en dise le poète. L’enfer, c’est ce qu’on accepte de vivre et
qui n’est pas soi, qui est autre que soi. Je l'aurai vécu pendant trois ans, le temps de reconstruire un minimum de sécurité financière. Et la vie est revenue, la créativité
aussi. Internet que j’ai vu arriver comme un miracle, quelque chose qui me
correspond totalement, une révolution que je comprends, que je peux m’approprier. J’en fais une entreprise, une autre, avec les clients qui vont
avec et qui ont confiance. J’en fais une start-up aussi, un truc éclair qui se terminera en une autre catastrophe. Un accident de
vie qui en porte u</span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">ne autre </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">en gestation. A cause de cette histoire qui a mal commencé et très mal fini,
nous sommes partis en Angleterre, vivre le plus beau moment de notre vie, pour
toute la famille. Tous les 7 (autour de nos maintenant cinq enfants) nous y vivrons une vie invraisemblable de découvertes, plus forte, plus vaste, plus impliquante.
Comme si l’intensité du vivant augmentait. </span><br />
<span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;"><br /></span>
<span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">Nous avions fait plusieurs tours dans l'ascension hélicoïdale. </span><span style="font-family: "helvetica neue", arial, helvetica, sans-serif;">Nous avions largué les amarres,
tout quitté. Espérant ne plus rentrer. La vie en décidera autrement mais ce
n’est pas grave. On apprend. Ce cycle là aura été d’une richesse et d’une
intensité inouïe, comme une apothéose de tout ce qui peut arriver pour peu qu'on dise oui, pour peu qu'on accepte de se laisser faire par la vie. D’autres
responsabilités en Subud, d’autres maisons, d’autres chemins. Brianne à mes
côtés, nous avec les enfants qui veillent au grain. J’ai toujours eu
cette sensation de cette protection par les enfants. Il ne pouvait rien nous
arriver dans tous ces mouvements de vie, ces vicissitudes comme on dit, La vie, c’est comme la mer, c’est vivant (oui la vie c'est vivant!), c'est puissant, c’est brutal parfois mais si on se laisse porter par les événements, on bouchonne et on
arrive toujours quelque part.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">De la vie, des petites morts, des
combats, des joies, des tentatives, des échecs et quelques réussites… Une
intensité incroyable. Bien sûr, à nouveau la catastrophe pour conclure, bien sûr mais c'est sans importance. Je m'étais habitué à mourir en quelque sorte. La mort, finalement ce n'est pas grand-chose, il suffit de traverser. Le retour en France
avec rien ou presque. Parce qu’on ne vit pas que de miracles, ce serait trop facile, il
faut y mettre du sien. Chaque fois que je ne mets pas assez de moi-même, chaque fois que je me limite par des calculs et des supputations, ça s’effondre. Pour vivre, il faut se sortir les tripes. La vie est un maître très très exigeant. Dur dans l'apprentissage. Cela me
rappelle un dicton que j’ai inventé comme une sagesse ancienne : <i>quand la vie
veut donner une leçon à quelqu’un, elle lui accorde ce qu’il souhaite.</i><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">2002-2010 – de 48 à 56 ans – 7<sup>ème</sup> Windu : Amplification<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce septième cycle commence donc à
Toulouse. Autant dire aussi ailleurs que possible quand on vient du Nord et de
l’Angleterre. Pays du vent d’autan, celui qui rend fou, des gens en tongs brusques, de la terre brute et à
l’histoire chargée de violence et de douleur. Une ville dite rose, mais si dure, brutale, révoltée sans cesse, au calme impossible et pourtant entourée d'écrins de tranquillité comme le Lauragais, le Tarn, ifs et cyprès qui se jettent vers le ciel et se donnent des airs de Toscane. Un pays où la crasse peut vous sauter à la figure, violente et au verbe trop fort,
un pays d'invectives où tout le monde a toujours raison, un pays étranger où, </span><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">une nouvelle fois,</span><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"> nous allons refaire une vie. Le
grand retour, le saut dans l’inconnu, la vie qui ne tient qu’à un fil et qui
recommence. Toujours par miracle. La vie qui renaît là où il n’y a rien. Je façonne un autre dicton, façon ancienne: "<i>la vie, c'est ce qui est possible quand tout te dit que ce ne l'est pas</i>". Une vie tenace
qui s’impose, qui refleurit dès qu’il y a trois gouttes. Cette vie comme une
graine qui se pose et pousse, a forgé mon émerveillement, il s’impose, il
grandit, il est inévitable. Nous ne sommes que des instruments. On s’agite, on croit agir, mais c’est le grand vivant qui est à
l’œuvre, qui est à la manœuvre. Il prend toute la place. Le vivant inévitable.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Arrivés à Toulouse avec toute la famille et rien, rien que des dettes (j'avais emprunté pour payer le déménagement et financer trois mois de vie), le miracle prend cette fois la forme d'un entrefilet dans un canard gratuit comme on en trouve dans tous les aéroports: on y annonçait la création d'un incubateur de start-ups. Les start-ups, je ne connais que ça. A peine arrivé, j'en rencontre le patron et obtiens une promesse de contrat. Je l'attendrai deux mois pile (pendant lesquels les nuits étaient courtes). Le paiement de ma première facture arrivera exactement au moment où nous n'avions plus un sou. <i>Talk about a close shave!</i> comme disent les anglais. A partir de là, la renaissance sera rapide comme en terrain fertile. Quelque chose de plus stable,
solide, la fin d’une errance. Planter un arbre robuste plutôt que des
arbustes. J'en garde la sensation d’une progression inébranlable. D’avoir appris
quelque chose. Le vivant sédimente, ça peut grandir. Oh, les difficultés ne sont pas
absentes, mais elles glissent, à nouveau, sur le déperlant du vivant. Quelque
chose s’installe qui ne pourra plus nous être retiré. Ma vie avec Brianne
s’approfondit jusque dans des étages inédits. Quelque chose de très mystérieux
et très discret. Quelque chose qu’il ne faut pas comprendre. Simplement vivre, témoigner et respecter. De plus en plus souvent me vient qu’il n’y a rien à
comprendre. <i>Il n'y a que des expériences à vivre</i>. Pour compléter, apporter sa pierre au
grand jeu du vivant. S’il faut comprendre quelque chose, cela sera donné. Plus
tard. Un jour.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Nous sommes à nouveau
propriétaires de notre maison. Pour la troisième fois. On a du mal à y arriver mais c'est un chemin. Un autre. Je découvre par diverses occasions que si je ne peux pas être
moi-même, dans la totalité de mon intégrité, de mon alignement propre et avec les
autres, je m’en vais. Je vais faire autre chose. Une fidélité énorme à moi-même
sans qu’elle soit obsessive me guide de l’intérieur. Un alignement comme un
phare qui serait vertical plutôt qu’horizontal et qui me mène à bon port. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Le business prospère avec des
contrats solides. Bref, tout grandit. Les enfants aussi. Les premiers quittent
la maison. Une nouvelle ère commence doucement pour nous, le basculement dans
autre chose. Un événement majeur pour nous qui avons tout construit autour de
la famille, de la tribu. Pourtant la suite va arriver tellement vite.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">2010-2018 – de 56 à 64 ans – 8<sup>ème</sup> Windu : Bifurcation<o:p></o:p></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<b style="mso-bidi-font-weight: normal;"><span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></b></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce dernier cycle à date aura été celui du changement.
Une accumulation de changements. Nous avions cessé de déménager mais les
changements se succèdent, parfois brutaux. Des épreuves viennent, sur le plan
matériel, même sur le plan familial où des ajustements se font, des questionnements
vont naître, par exemple avec une de mes filles qui me fera comprendre en profondeur qui je suis, les schémas dont j'ai hérité, qui me tordent et font du tort autour de moi. Un
passage à gué qui ne l’est pas. Un cheminement à comprendre, une image de soi
qu'il faut abandonner. Une entreprise qui ferme, une autre qui ouvre pour s’arrêter à
son tour. Comme le vent, le vivant a tourné mais je tarde à m'en rendre compte. Du coup la navigation devient hasardeuse. Une fois encore, portés par la vie, nous passerons le cap indemnes. Avec l’aide des enfants qui
ont commencé à gagner leur vie. Une succession de tests, une page
professionnelle qu'il va falloir tourner pour de bon et qui, de toutes les façons, semble vouloir se fermer toute
seule. La vie qui me dit "tu auras beau cogner à la porte du business, elle restera fermée. Passe à autre chose." Un être qui s’affermit en moi, quelqu’un d’autre qui grandit et qui est moi malgré tout. Une confiance en profondeur. Il y a un endroit en soi où on ne risque rien. Un endroit sous la surface,
sous l’effervescence des choses où on est en sécurité.<i> Nous sommes notre propre sécurité</i>. Il ne faut pas aller la chercher ailleurs. Se rassurer par ce qu'on possède, ce qu'on croit, ce qu'on dit n'a aucune importance, bien peu de valeur après tout. On ne l'emmène pas avec soi Des choses très importantes m'auront été révélées, auront été mises à l'épreuve, comme mon lien à Brianne. Comme celui à mes enfants, comme
la présence de ceux qui s’éloignent. Faire peau neuve, littéralement, le corps apaisé enfin, libre de ses malédictions. Jamais je ne me suis senti aussi bien. Une succession de
noirs et de blancs qui ne font pas du gris mais toute une palette de couleurs.
La vie qui donne, la vie qui prend. Des choses simples que les anciens avaient
compris avant que la technologie vienne tout masquer de ses mirages. Des hauts
et des bas et la vie qui avance. La découverte de l’écriture, les quatre livres
qui sont déjà venus et d’autres qui attendent et grandissent. La découverte du
Chemin de Compostelle que nous avons mené à son terme, jusqu’à Finisterre. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Ce cycle m’aura énormément
appris, fait comprendre beaucoup de choses alors que tant reste à découvrir, à
connaître. Ce que je porte, ce que j’ai vécu. Ce qui importe aussi. Je commence
à percevoir comme une forme diffuse en préambule, cet être qui me
précède et que je suis. Une capacité tranquille, nouvelle et apaisée d’être qui
je suis. Libre de ce que j’ai voulu croire, de ce qu’on a voulu me faire croire
par le poids de la bienséance, des usages, des principes et des liens qui aliènent avant
d’unir. Toutes ces protubérances ajoutées qui empêchent de voir la beauté que
nous sommes. <i>Enfin l<span style="mso-bidi-font-weight: normal;">ibre des carcasses</span></i><b style="mso-bidi-font-weight: normal;">. </b>Par exemple, je ferai une découverte, énorme. Un des fardeaux que je portais me venait de mon arrière-grand-père, mort à Verdun. Cette trace comme une empreinte, une fondrière plutôt qui, quoi que je fasse, orientait mon chemin. Cette prise de conscience va changer beaucoup de chose. Libérer des énergies, des routes. D'autres prises de conscience sont à venir, sur l'éducation reçue et d'autres traces encore, d'autres ornières qui m'écartent de ce que je suis. J’achève
ce cycle, libre, fort et paisible, c’est tout à fait étonnant, comme si j’en
avais fini avec la grande lessiveuse. D’autres épreuves et d’autres joies
viendront, c’est une certitude, mais elles ne me forgeront plus. L’outil a pris
sa forme, c’en est fini du temps de la forge, l'outil peut servir à ce pour quoi il
est fait. Libre, fort et souple. Créer ce qui doit l’être, aller le chercher en
soi, lui donner forme et ignorer le reste. Apprendre encore, bien sûr mais en finir avec les certitudes, avec les convictions. Vivre
en paix avec les autres et avec soi. Redécouvrir ce qui a été su et qui
importe. Se méfier des chimères qui se veulent belles mais qui sont si laides
quand on les regarde de près. Tailler sa route en pèlerin ou en
marin : <i>le meilleur est bienvenu, le pire peut survenir, je prends ce qui
vient.</i><o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Tous ces windus sont comme les
chapitres d’un livre à épisode. Un livre bien fait où le suspens est total, où
on ignore ce qui advient du personnage à la fin du chapitre. Une succession
incroyable de morts, de vies, de pleins et de vides. Comme un ressac tenace au
bord de la mer : la force des vagues et la mousse de l’écume chassée par
le vent mais l'eau revient sans cesse se colleter au rocher. Toute la puissance et l’énergie du vivant. Face aux éléments, on est
si peu de chose. Je ne cherche ni à recevoir, ni à donner. Juste témoigner,
vivre ce qui viendra. Dans la plénitude de ce que cela peut être. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<span style="font-family: "helvetica neue" , "arial" , "helvetica" , sans-serif;">Merci à la vie de m’avoir mené jusque-là.<o:p></o:p></span></div>
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-25687588796336380712018-05-08T07:07:00.005-07:002018-05-08T08:04:00.458-07:00Small Bang<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://4.bp.blogspot.com/-IGu6ziwY27I/WvGvApm5NxI/AAAAAAAABDo/o6GYzYvVt1wf4c0i-i14gwIDfu77pWYWwCLcBGAs/s1600/livre%2Bouvert.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="424" data-original-width="640" height="212" src="https://4.bp.blogspot.com/-IGu6ziwY27I/WvGvApm5NxI/AAAAAAAABDo/o6GYzYvVt1wf4c0i-i14gwIDfu77pWYWwCLcBGAs/s320/livre%2Bouvert.jpg" width="320" /></a></div>
<br />
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<div class="MsoNormal">
<div style="vertical-align: baseline;">
Tu
vois ? Regarde cette page du livre. Elle est plate, définie, bornée,
rassurante. Pleine de caractères alignés et soigneusement construits selon une
logique précise. Des paragraphes comme des villes ou plutôt des quartiers. Une
histoire qu’on s’est appropriée. On s’y sent bien, rassurés presque et on la
parcourt tout à loisir. Certains sautent des lignes, d’autres les relisent deux
fois.<br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Vient cependant le moment </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de tourner la page. Avec la perspective, elle se déforme, se réduit, elle et </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">tout ce qu’elle contient, jusqu’à ne plus représenter qu’un point, quand on la </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">regarde pile sur la tranche. Avant de basculer vers la suivante. Toute une vie </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">presque, réduite à rien. Il n’y a plus rien, rien d’intelligible, seulement ce </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">dont on se souvient et qui va disparaître. Rien que ce moment ponctuel et </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">instable, effrayant, entre ce qu’on laisse et ce qui y fait suite. Peut-être. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Et dont on ne sait rien. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Ce moment de suspension, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">quand on n’en a pas l’habitude, nous effraie. Tous et toutes, on le redouterait </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">presque, comme lorsque, enfant, notre père ou notre mère faisait durer le </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">suspens quand ils nous racontaient une histoire : que se passe-t-il </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">ensuite ? Il peut même être terrifiant si on a beaucoup aimé ce qu’on a </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">éprouvé dans la page qu’on quitte. Il faut une certaine habitude, une réelle </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">confiance ou une sorte d’abandon fataliste pour y aller, y retourner.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Cette image du livre et de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">la page qu’on tourne, bien que séduisante, a pourtant ses limites : </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">évidemment, on a la tranquille certitude que, sur la page qui vient au-delà du </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">point de la tranche, la suite nous attend : d’autres lettres, d’autres </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">mots, phrases, d’autres quartiers. Une histoire qui se poursuit sans rupture. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Ça aide à s’engager dans ce passage étroit. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Evidemment.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Et si cette limite n’en </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">était pas une ? Pour deux raisons au moins. D’abord une raison </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">simple : si on prend suffisamment de distance avec l’événement, chaque </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">fois que, dans nos vies, nous nous approchons du rien, quand tout ce qu’on a </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">vécu, construit, éprouvé, aimé, accumulé peut-être, vient à se dissoudre, se </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">déconstruire jusqu’à ce que plus rien ne subsiste, jusqu’à ce rien qui, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">apparemment nous aspire inexorablement, chaque fois que nous vivons ce petit </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">trou noir, gigantesque à l’échelle de notre vie, si on prend de la hauteur, il </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">nous est donné d’y voir la continuité d’une histoire, plus vaste que la vie que </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">nous menons au gré de nos envies, de nos choix et de nos événements, grands ou </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">petits. Il nous est donné d’y voir une lente, longue évolution, faite de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">respirations et donc de passages, brefs finalement, vers le rien. Par le rien. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Cette évolution peut nous </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">paraître décousue, brutale ou chaotique parfois, lente et imperceptible </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">peut-être, douloureuse le plus souvent. Mais à la dimension du Temps, elle est </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">d’une brièveté sans pareil. Si l’on s’y arrête, alors il nous est donné de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">contempler le cheminement de la conscience dans son possible retour à elle-même </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">après le grand éparpillement. Si on prend de l’altitude, ce qui a pu nous </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">apparaître comme des valons infranchissables, des gués tumultueux, des </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">montagnes abruptes et hostiles, ne sont que des traits diffus, des marques de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">passage ou des frontières à traverser sur les circonvolutions de la Terre. Nous </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">vivons, donc nous passons. Nous passons par ces seuils marqués par le rien et </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">qui s’annoncent par la disparition des choses et de ce à quoi on s’attache. La </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">continuité est là malgré les apparences, la répétition même, de la </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">transformation de la matière en conscience.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">La deuxième raison pour </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">laquelle l’image du passage de la page par la tranche, par le point, n’est pas </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">une limite en soi, c’est qu’il se passe toujours quelque chose à la limite. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Toujours. Dans ma fascination pour la cosmologie, je découvre avec une certaine </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">exultation, ce qui se passe à la limite. Ce que les physiciens appellent une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">brisure de symétrie. C’est quelque chose de remarquable. </span><a href="http://lpsc.in2p3.fr/barrau/" style="box-sizing: border-box; white-space: pre-wrap; word-wrap: break-word;" target="_blank"><span style="border: none 1.0pt; color: #665ed0; padding: 0cm;">Aurélien Barrau</span></a><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">, cosmologue absolument passionnant (j’y </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">reviendrai), donne l’exemple d’une somme de nombres rationnels (1/x2), qui, bien </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">que, par définition, toujours un nombre rationnel, aboutit, lorsqu’on la porte </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">à l’infini, au résultat π2/6, qui est un nombre irrationnel. Donc, à la limite, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">on peut changer de référentiel, on peut changer de géométrie. Cela aussi fait </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">partie de la logique du vivant. La limite est une occasion de rupture. Pour ce </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">qui nous concerne, au niveau de nos petites histoires, nous qui sommes porteurs </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">et capables de si grandes, il nous faut accepter dans notre voyage inexorable, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de passer par la limite, par ce changement possible de référentiel. (Il est</span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">important de préciser « possible » : d’une part, parce qu’à la </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">limite l’incertitude est de règle et que nous entrons dans l’univers des </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">probabilités). </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Ce changement de référentiel, rares sont ceux et celles qui s’y </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">précipitent allègrement. Cette perspective nous effraie, comme une petite mort. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Mais si on l’accepte, si ce passage par la tranche entre deux pages se fait en </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">conscience, alors il nous est donné de contempler le (presque) rien. Oh ! </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">seulement le temps d’une fraction de dixième de seconde. Ces choses là sont </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">très difficiles à rendre intelligibles, parce qu’elles semblent répondre à </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">d’autres constructions, d’autres ordres, d’autres dimensions. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Le rien, plutôt, se </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">ressent, comme une sorte de brisure intérieure, le silence si bref d’un absolu </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">qui se cache. Je crois, je pressens peut-être, qu’il existe une autre </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">grammaire, d’autres mathématiques, d’autres langages pour s’y engager. Comme on </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">s’engage dans un itinéraire nouveau qui n’était pas apparu quand on regardait </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">la carte mais qu’on découvre une fois sur place. Alors, au moment de tourner </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">cette page, il nous est possible de prolonger cet instant, d’une autre fraction </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de dixième de seconde, le temps de laisser une autre probabilité se mettre en </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">place. Alors l’improbable même peut arriver : autre chose survient une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">fois la page tournée, un texte qui n’est pas la suite de ce qu’on a laissé, une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">image. La page est différente. Le support même peut disparaître. Une autre </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">histoire qui se construit avec d’autres signes, d’autres lois, d’autres </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">logiques. Une rupture impensable, tant qu’on est en deçà de la limite.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Le rien comme la vitesse </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de la lumière : très difficile à approcher, impossible à dépasser si l’on </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">conserve une enveloppe massique. J’ai le pressentiment, à tort ou à raison, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">très probablement à tort puisque c’est invérifiable, que le rien est une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">histoire de conscience. Il nous faut quitter la tension entre l’objet observé </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">et le corps qui observe, passer à un état de conscience qui englobe la totalité </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">du système observant/observé. Alors on peut approcher le rien. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Je m’arrêterai là. Sur ce </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">seuil. Aller plus loin serait de l’ordre de l’élucubration et rapidement de la </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">foutaise. Déjà, j’ai comme un doute sur ce qui précède.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Un dernier mot cependant. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Cette petite dissertation vagabonde m’a amené, est-ce un hasard justement, à la </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">question qui m’habite depuis si longtemps. Une question permanente, comme une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">sorte d’acouphène persistant en écho continu de la pensée. Mon propre fond de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">rayonnement cosmique en quelque sorte, la célèbre question de Leibnitz : </span><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">« Pourquoi </span></em><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">y-a-t-il quelque chose plutôt que rien ? »</span></em><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">. La conclusion à laquelle je suis parvenu et qui </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">transparaît dans ces lignes, est qu’à la fois, il y a quelque chose ET qu’il y </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">a rien. Volontairement, je ne mets pas de forme négative. Parce que le rien ne </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">s’oppose pas à quelque chose. Au contraire, le rien le porte, comme l’univers </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">est contenu par rien, quelque chose « à l’intérieur » (si j’ose dire) </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de rien.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Dès lors, il ne faut pas </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">s’étonner que rien fasse son apparition dans les brisures du vivant.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Alors tout, absolument </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">tout, est possible. Tous les possibles sont. Instantanément. Notre perception </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">d’une évolution, du temps, d’une histoire qui se déploie, notre perception d’un </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">grand commencement et d’une fin probablement inexorable, ne tiennent qu’à notre </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">référentiel : nous faisons partie de l’univers, nous sommes régis par ses </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">lois, par la flèche du temps, nous en sommes à la fois l’observateur et </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">l’observé, à la fois sujet et objet, créateurs et créés, donc nous ne pouvons </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">le contempler que de l’intérieur. Nous vivons sur la page, sur les milliers de </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">page de notre énorme bouquin. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Pour nous en extraire, en </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">conscience, il nous faut passer par le rien. Alors il nous est, peut-être, </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">donné de contempler ces dimensions vertigineuses où il y a à la fois quelque </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">chose et rien. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Je ne sais pas s’il existe un langage, une forme pour en décrire </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">l’état. Probablement non. Cette vertigineuse instantanéité où il y a totalement </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">tout et rien. Personnellement je cherche une explication à ce super non-moment </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">qui ne soit ni le hasard, ni Dieu. Je pense qu’à un moment, l’humain sera </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">capable de s’approcher de cette limite ultime, de cette brisure de notre </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">super-symétrie et de changer de référentiel. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Pour ma part et j’en </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">resterai vraiment là cette fois, cette question « </span><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">pourquoi </span></em><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?</span></em><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"> » est devenue confortable. Je la laisse à l’état </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de question. Je ne lui vois aucun autre état possible. Mais je la contemple </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">avec une sorte de sérénité mêlée de joie. Comme le moteur de toutes choses. De </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">nos créations, de nos égarements et de nos morts. A ce stade, il se pourrait </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">que tout soit parfait.</span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">PS : si ces questions </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">vous agitent, je ne peux que recommander de suivre les cours d’Aurélien Barrau </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">sur </span><a href="https://www.youtube.com/watch?v=zjIC6jIQRKQ" style="box-sizing: border-box; white-space: pre-wrap; word-wrap: break-word;" target="_blank"><span style="border: none 1.0pt; color: #665ed0; padding: 0cm;">YouTube</span></a><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"> (il y en a </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">11, je crois). Barrau est un cosmologue absolument passionnant qui a une </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">approche assez personnelle de la physique entremêlée de métaphysique. Il me </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">semble qu’il nous propose un voyage, justement, à la limite des choses où c’est </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de conscience qu’il s’agit. Avec les trois états indispensables pour le faire </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">de manière appropriée : Avec exigence, avec humilité et de manière </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">construite sur ce que l’on sait déjà. </span><br />
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;"><br /></span>
<span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">PPS : si cette </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">question (pourquoi quelque chose plutôt que rien) vous agite (bis), je vous </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">renvoie à un petit site assez bien fait qui apporte plusieurs réponses ouvrant </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">vers autant d’horizons : </span><a href="http://menace-theoriste.fr/quelque-chose-plutot-que-rien/" style="box-sizing: border-box; white-space: pre-wrap; word-wrap: break-word;" target="_blank"><span style="border: none 1.0pt; color: #665ed0; padding: 0cm;">la menace théoriste</span></a><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">. </span><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Personnellement, je jubile devant quelques-unes des réponses qu’il évoque </span><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">: </span></em><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">« parce qu’il suffit d’attendre : rien arrive »</span></em><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">, </span><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">« parce que Rien est instable », </span></em><em style="box-sizing: border-box; color: rgba(0, 0, 0, 0.75); outline: 0px; white-space: pre-wrap;"><span style="border: 1pt none; font-family: "georgia" , serif; padding: 0cm;">« parce que cela ne fait aucune différence ». </span></em><span style="color: rgba(0 , 0 , 0 , 0.75); white-space: pre-wrap;">Bon voyage à vous!</span></div>
</div>
<div class="MsoNormal">
<div class="MsoNormal">
<br /></div>
<br /></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-44244721711172160782017-07-16T12:15:00.000-07:002017-07-16T12:21:25.378-07:00Univers<div class="MsoNormal" style="text-align: justify;">
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Un lieu, une fois clos, devient vite un univers. Ainsi, par exemple, notre terrasse. Nous l’avions fermée d’une barrière improvisée quand nous avions su qu’il venait : trois planches et quelques vis, pour lui éviter la tentation ou les dangers de l’escalier. Elle s’est transformée d’un coup en un espace de jeu gigantesque. Un endroit vaste et vide (oh, pas longtemps !) où le laisser découvrir tout un monde au soleil de l’été. Un lieu abrité où explorer un autre pan de la vie au milieu de quelques objets qui l’y rejoindront pour l’aider à prendre possession du royaume. </span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Ce qui me touche dans ces objets comme arrêtés dans leur course, c’est sa trace, le souvenir qu’il laisse de son passage de l’un à l’autre, puis un autre, puis un autre, puis retour à l’un, jusqu’à ce qu’autre chose encore l’appelle. Et le souvenir alors, de ce petit bonhomme assis, jambes écartées et tête penchée sur l’ouvrage, le machin à comprendre, le truc à démonter.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Pour l’instant, il dort. Les objets sont inertes. Ils attendent son réveil pour faire à nouveau partie de la fête. Dans un coin, sur une petite table de bois, un biberon d’eau est comme la limite du territoire, tout au bout de l’espace. Posé là, près du nichoir en bois, on sait qu’à un moment ou un autre, il viendra y boire. Au gré de ses divagations et de ses explorations. Debout, la verticale nouvelle et un peu vacillante, il le prendra à deux mains, tête savamment renversée, pour quelques gorgées menues, vite avalées, biberon rejeté, vite abandonné pour la suite du programme. Un programme inventé à chaque instant, au gré des découvertes, des goûts et des odeurs.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">À l’opposé, la tente. Une tente minuscule, qui se construit d’un geste. Une tente de plage pour s’abriter du soleil plus que pour y dormir. Retenue par de gros galets dans les poches, qu’il aura tôt fait de découvrir, les en retirer et les y remettre. Inlassablement, des minutes et des minutes durant. Petit effort énorme, gros galets à deux mains, souvent à deux doigts de retomber sur les siens. De pied. Une petite maison à lui, remplie journée après journée de quelques bricoles. Vite oubliées mais qu’il retrouve comme une découverte nouvelle. (Tiens ! Il était là, celui-là ?) Il n’y reste jamais bien longtemps. Univers de toile, un peu suspect, trop volatile et trop clos quand le monde l’appelle. Univers-château branlant. On sent qu’il a besoin de solide, de costaud, de durable. L’éphémère, ça n’est pas trop son truc. </span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Entre le biberon à un bout et la tente à l’autre, la table. La cabane, devrais-je dire : une nappe qui pend de chaque côté en a fait un abri improvisé. Où il aime à cavaler, au moment des repas, entre les pieds de chaise, de table et les jambes des convives. Une exploration compliquée, on l’entend ahaner dans ses efforts quand il traverse, taupe qui farfouille, les doigts cramponnés à nos genoux, nos mollets.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Épars sur cette plage minérale et gigantesque, d’autres objets invitent à d’autres jeux. Leur immobilité est comme un rappel familier, une attente tranquille. Disponibles. Si j’avais été objet, j’aurais aimé être jouet. Pour l’attente, pour la joie, le plaisir de retrouver l’enfant. Pour lui, tout est jouet : la cuillère en bois, la boîte et son couvercle, le tenon et sa mortaise. Même le hideux cône routier. Il y en a six dressés comme des alertes dérisoires, plantés çà et là. Un itinéraire qu’il n’aura jamais suivi, bien sûr. Juste là pour être déplacés, immenses travaux routiers.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Celui qu’il préfère, c’est le camion de pompier. Il l’aura trimballé sans relâche d’un bout à l’autre, comme des urgences importantes et inévitables, le poursuivant à quatre pattes, une main au sol, un main sur le camion de peur qu’il lui échappe. Et les pieds qui suivent comme ils peuvent. Frotti-frotta de genoux qui tournent au gris.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Un vieux sac avachi. Vide d’un contenu renouvelé sans cesse, arrosoir et tamis de sable. Qui n’auraient rien à faire sur le carrelage. Rien à verser, rien à tamiser. Mais, si passionnants pourtant qu’on y revient, on les jette, on les manipule, on les range, on les cherche. À côté, un ballon jaune et une balle rose, plus petite et plus lourde, à la peau plus molle et plus épaisse. Plus intéressante à goûter. Quelques chaises de bois en désordre, un ou deux trucs électroniques, silencieux pour une fois. De ces machins programmés pour dire toujours la même chose ou presque, diodes luminescentes et voix enregistrées. Heureusement, lui, préfère le presse-agrumes en plastique. Un truc chargé d’histoire, qu’on a trimballé partout avec nous. Le même probablement avec lequel son père jouait. </span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">En fait, il y a deux sortes de jouets : ceux inventés par l’homme, pleins d’intentions, d’observations méticuleuses pour attirer, éveiller, retenir. Des trucs bourrés d’envies, ingénieux mais compliqués. Lassants le plus souvent. Et les autres, tous les autres, les vraiment passionnants. Ceux dont on ne se lasse pas, ceux qu’on emporte avec soi dans le lit quand il faut aller se coucher. Ceux qui ne sont pas faits pour s’amuser justement. Des machins qui servent, qu’on voit les grands utiliser. Le rouleau à pâtisserie par exemple, le bol en plastique, les boîtes et tous ces bouquins ! Ah, les livres ! Il n’y a rien de tel que le plaisir de les débarrasser de leur jaquette comme d’un truc inutile, de les ouvrir, les replier, les faire tomber et les remettre en place. Et recommencer.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Ah, je me souviendrai longtemps de son air intrigué, vaguement inquiet, regard interrogateur et légèrement froncé y revenant sans cesse, quand le ballon de baudruche s’est lentement dégonflé, sans bruit, juste un petit filet d’air, là où il l’avait mordu. Comment une chose si grosse et si belle peut-elle devenir si petite, si fripée, insignifiante et si laide? Y suis-je pour quelque chose ? Est-ce que tout autour de moi peut suivre le même chemin ? Ces maisons, ces voitures ? Ces gens même, qui me portent, me parlent, me sourient, me nourrissent ? Le monde prend tout à coup une forme singulière, une sorte d’impermanence temporaire, transitoire et suspecte.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Une autre image qui restera inscrite en moi, une fois qu’il sera parti, sera ce petit corps nu et potelé, agrippé à la balustrade de fer forgé, le regard perdu dans le monde au-delà, un monde de fleurs, de feuillages et d’insectes dont quelques-uns, les plus curieux sans doute, font un détour par lui. En découverte aussi sans doute. On ne sait jamais, ce petit bonhomme à la peau encore trop claire pourrait être une bonne surprise, un truc à butiner ? Le papillon jaune, presque blanc qui passe et se pose sur la lavande, juste à ses pieds. Une fleur blanche elle aussi, tout près, presque accessible, juste un peu trop loin malgré les tentatives. Les abeilles qui passent, bien trop occupées avec bien trop à faire pour s’intéresser à lui. Tout un jardin écrasé de soleil et bruissant d’activité qui s’étale au-delà d’une frontière infranchissable, bien utile pour observer en toute tranquillité. Rambarde qui s’échauffe lentement alors que la journée suit son cours.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Heureusement, au-delà, il y a le ciel, les avions, les oiseaux, les nuages et tout ce qui bouge, très loin, si lentement qu’il faut beaucoup de silence et d’attention pour les suivre. Alors le regard s’évade, on devine comme un chemin, une jonction qui se fait entre le dedans très profond et le dehors si vaste et mystérieux. Un chemin de silence et d’impressions fugaces, difficiles à retenir, difficiles à nommer.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Lui, on le suit à l’oreille quand il va d’un bout à l’autre, quatre pattes volontaires et décidées, tête baissée, pressé par quelque urgence. Puis le silence. L’enfant en arrêt. Devant quelque chose qui lui avait échappé, un truc qui vaut la peine. Une feuille, une brindille, une fourmi. Un truc à démonter ou à goûter. Il a découvert, par exemple, le dossier de ce gros camion en plastique bleu et vert, voyant comme pas possible, que les voisins nous ont prêté : un machin un peu grand pour son âge mais très intéressant tout de même. Il y a par exemple le coffre et son couvercle pas facile à ouvrir, où oublier des choses. Et les grosses vis blanches ! Ah, les vis ! Il en aura fallu du temps pour comprendre comment les retirer puis, des heures durant, essayer de les remettre, à l’envers, gros bout qui ne veut pas rentrer.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Et le silence dans tout ça avec au beau milieu, les oiseaux. Dans l’énorme tuya juste à côté ou en va-et-vient pressés entre le cerisier et le gros cèdre du voisin d’en face. Les colombes qui appellent à toute heure et les pépiements plus discrets des mésanges qui s’interpellent. Plus loin, vers la cuisine, Brianne chante au milieu du vacarme des casseroles ou de leurs couvercles. Parfois elle se parle, pour se dire des choses qu’elle devrait faire. Un monde à elle-seule que, pour ma part, je n’aurai jamais fini d’explorer.</span></div>
<div dir="ltr" style="line-height: 1.295; margin-bottom: 8pt; margin-top: 0pt;">
<span style="background-color: transparent; color: black; font-family: Calibri; font-size: 11pt; font-style: normal; font-variant: normal; font-weight: 400; text-decoration: none; vertical-align: baseline; white-space: pre-wrap;">Midi. Il s’est réveillé. Réglé comme une horloge, à l’heure exactement prévue. Et le monde change : comme un tourbillon de Coriolis ou trou noir galactique, ce petit bout d’être humain attire tout l’univers autour de lui: spirale du temps, des objets, des conversations, des chansons (Ah ! Gugusse et la polka du roi !) et des gens qui ne peut que mener jusqu’à lui.</span></div>
<span id="docs-internal-guid-fd17009d-4cd8-feff-4fef-02bc32be4d00"><br /></span></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-47682304393170138352017-07-01T06:35:00.004-07:002017-07-01T09:53:02.987-07:00Qu'aurais-je dit à sa place?<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><img alt="Résultat de recherche d'images pour "baudelaire"" height="320" src="https://i-exc.ccm2.net/iex/1280/2010189802/739877.jpg" width="240" /></span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><i><br /></i></span>
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><i>« Le corps est-il
le seul ennemi de Baudelaire ?</i> » tel était le sujet de l’oral de
bac de ma fille. Sept petites minutes. <i>« Mais
papa, c’est déjà beaucoup pour un si petit poème</i> <i>!</i> » Elle ne croyait pas si bien dire, ma petite. Tout est résumé dans le
pauvre comptage d’un trop bref exposé. Toute la tension, le malheur, la
malédiction du poète. Comment dire le tout dans si peu de temps, dans de si
pauvres mots. Comment dire la tension immense, insurmontable qui
l’habite ? Si on ne l’a pas vécue ? Comment dire les affres du génie
quand on doute soi-même et que le temps, par nature, nous est compté et que le
corps s’oublie ?<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Poète maudit. Là aussi tout est dit. La beauté qui se mêle
de ce qui ne la regarde pas, de ce qui refuse de la regarder même, qui ne la
voit pas. La beauté qui cohabite avec l’infâme, comme si c’était sa nature d’y
naître ou de l’absoudre peut-être ? La beauté comme une quête, quelque
chose qui vous habite sans nom et on cherche inlassablement, vainement, celui
qui lui irait le mieux et jamais on ne le trouve. Il vous échappe, il vous fuit
comme quelque chose après quoi l’on court. Un voyage au-delà des mers, par‑delà
la raison. Sa propre ombre projetée par un soleil qui serait derrière soi. Et
si l’on se retourne pour le surprendre, lui aussi aura disparu. Poète maudit.
Dans ce mot il faut comprendre que la malédiction vient de lui, c’est lui qui
jette l’anathème, c’est lui qui ne se supporte plus. C’est trop insupportable.
Au sens propre du mot.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Le génie est cette arme trop lourde qui, irrésistiblement,
se retourne contre soi. On a trop peur, à la fin, de presser la gâchette. Par
dépit, par fatigue ou par inadvertance. La seule issue du combat qui vous
habite. Comment expliquer, faire comprendre, que le poète est le siège de sa
propre tension dramatique ? Au début c’est nourrissant, exaltant même puis
ça devient écœurant et insupportable enfin. Quelque chose de trop présent, trop
puissant qui vous habite comme un squatter maudit. Le génie de Baudelaire,
poète habité. Dès que c’est dit, on comprend, le poète maudit. L’habitation par
quelque chose de trop grand, quelque chose qui vous dépasse. Comme un carré où
un cercle s’est inscrit. D’habitude, dans le monde bourgeois, c’est l’inverse.
On cherche à tout prix à s’inscrire dans un cercle, faire partie. Retrouver ses
semblables, y être reconnu. Pour vivre un tant soit peu. Le poète, celui qui
fuit la bourgeoisie de l’âme, les habitudes et les banalités d’un monde qui se
contente de lui, celui qui cherche ce qui s’y cache, est ce carré envahi par le
cercle. Il ne lui reste que des petits bouts, les angles, pour être un peu chez
soi. Tout le reste ne lui appartient pas. Tout le reste l’occupe tel un
envahisseur, le préoccupe comme une obsession dévorante. Et il cherche le
pauvre ! Il se croit obligé, missionné peut‑être ? Si c’est tombé
chez lui, c’est que c’est à lui de débrouiller l’intrigue. Alors tout devient
symbole, tout devient signe. Une piste à suivre et une autre. Et une autre
encore. Un papillon qui fuit notre filet et que l’on poursuit sans prendre
garde. Beaucoup trop beau le papillon. Une fée dans mon jardin. Lui, le poète
s’égare hors des chemins trop passés alors qu’il croyait s’y trouver. Il ne se
sait plus nulle part, étranger à lui-même, n’appartenant à personne et le temps
qui passe, un instant son ami, devient son ennemi. Il devient son otage. Le
temps comme une passion qui l’occupe, qui l’habite et le dévore, le réduit à
petit feu, comme un bouillon, un potage. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Les fleurs du mal. Qui devine, qui osera dire l’incroyable beauté,
l’incroyable densité de ce titre ? Qui y plongera donc, affamé, assoiffé
de connaitre, mieux encore éprouver, ce que le titre annonce, l’histoire
terrible de l’homme habité par une idée. L’idée d’un absolu. L’idéal qui naîtrait
de l’idée dans le mal ? La douleur incessante qui l’habite, céphalée sans
fin, une fureur, une flamme inextinguible,
que l’on croit éteindre dans l’alcool, les vapeurs et les femmes ?
Qui d’autre que lui aura vécu cette peine, infligée à vie comme un verdict
asséné dès la naissance ? Sois le bienvenu dans le monde, poète. Amuse-toi
bien. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">La malédiction dès qu’on naît. Dès qu’on sait que l’on ne
peut être. Ah ! Ce mot est terrible. Naître. Il aura tout dit et personne
ou si peu pour écouter. Entendre le débat terrible qui nous habite dès qu’on
l’aura énoncé. Dès qu’on aura un tout petit peu vécu. À peine commencé à vivre
que la fin s’annonce, se profile, une menace en instance, elle nous guette, silhouette
de femme qu’on a envie d’aimer à la dévorer tant elle est belle, tant ça ne va
pas durer. Entendre l’arc immense dressé en soi dont on serait les deux bouts
et la flèche nous serait destinée.</span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"> <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Et qu’est-ce que le génie, jeune homme ? Le génie est précisément
cette tension qui nous tue, la distance infernale entre la fleur et le mal.
Quand l’immense nous habite, il n’y a aucun refuge dans le petit. Il ne peut
que s’y transformer et s’y perdre. Il le sait. Tout est trop petit pour lui. Un
bocal pour héberger l’océan. Pauvre, pauvre de lui. Il ne s’en sortira pas. Le
génie est par nature insupportable. On croit toujours qu’il l’est pour les
autres alors que c’est d’abord pour lui. Le trop gros rocher de Sisyphe, qui ne
mène nulle part ailleurs qu’au retour sur soi-même. Ce qu’il impose aux autres,
le génie, c’est tout ce qui est trop grand pour habiter chez lui. Ça déborde,
forcément. Alors s’ils se plaignent, qu’ils imaginent un peu un chez-soi occupé
tellement par ce qui les gêne.<o:p></o:p></span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Il n’y a de poète que d’habité. Sinon c’est le journaliste
dont on parle. Baudelaire le sait. Depuis sa naissance, il le sait. Puisqu’il
est né le pauvre. Et sa famille qui le contraint au voyage. Toute son histoire
est dite dans cette phrase. Le voyage et la contrainte. L’océan et le bocal.
L’homme qui se perd en lui-même. L’homme et ses passions, ses sentiments
insupportables. Innommables parce qu’il vaut mieux s’éviter l’effort de leur
donner un nom. Là aussi contraindre quelque chose de trop grand. Il n’existe
pas de chausse-pied pour l’âme. La douleur est constante de cet être qui se
tord pour entrer dans le soi. <o:p></o:p></span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Baudelaire mon ami, je voudrais te dire merci. Parce que ce
voyage, j’ai pu le faire en ta compagnie. Il m’a mené en moi, au bout de mes
angles épargnés par le cercle. J’ai pu m’y réfugier, m’y sentir chez moi, m’y
sentir un peu moi. Fuir enfin cette enflure qui m’habite, me reposer au tréfonds de ce que je suis. Oublier le mal et respirer la fleur. Oublier la beauté et
accepter le mal. Vivre simplement ce qu’on est. Cette tension qu’on partage, je
l’aurai dite mille fois moins bien que toi, un sabir pour toi, un écho
peut-être, comme une langue étrangère où nous nous serions compris. <o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Le corps est-il le seul ennemi de Baudelaire ? Comment
dire tous ceux qu’il se sera découverts ? En lui, rien qu’en lui. Qui se
résument à un seul : l’ennui. L’ennui du grand mélange, du grand gris où
toutes les couleurs, les saveurs, les pulsions se mêlent. L’ennui d’où monte la
mélancolie, ce spleen dont tout le monde parle mais si peu pour le vivre.
Encore moins pour le chanter. Un seul l’aura fait aussi bien que lui.<o:p></o:p></span><br />
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">C’est ma fille que je voudrais remercier pour ce voyage.
Cette digression dans mon temps intérieur, cette balade au milieu du mélange,
entre joie et douleur, entre aspiration et peine. Entre ce qui s’envole et ce
qui tombe. Savoir qu’il n’est pas nécessaire de se trouver pour vivre. Il
suffit d’explorer. De s’accepter en marche. Comme une horloge. Quand ça
s’arrête, c’est que c’est fini.<o:p></o:p></span></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;"><br /></span></div>
<br />
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<span style="font-family: "trebuchet ms" , sans-serif;">Peut être.</span><o:p></o:p></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-30069927587102204132017-06-05T11:10:00.000-07:002017-06-05T11:15:43.687-07:00Minkowski<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Il faut savoir plonger en soi. Avec un peu d'esprit d'aventure, de patience et beaucoup de ténacité. Ne redouter ni le silence ni l'obscurité. Plonger profond, quitter la lumière et ne pas s'inquiéter de quand on va remonter.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Voyage au centre de ma Terre.</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Descendre en soi, loin, descendre sans être vraiment sûr de ramener quelque chose. Quelque chose qui vaille la peine, s'entend. Qui résiste au temps et qui dure, qui n'ajoute pas au désordre et ne cède pas à l'envie, toujours présente, de parler de soi.</div>
<div style="text-align: justify;">
C'est à cela que me sert d'écrire, ce rendez-vous avec mon crayon sans être sûr que la mine soit bonne, mais en ai-je vraiment une autre?</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Ce que je vais chercher à chaque fois, c'est un souvenir, une trace, quelque chose dont on ne devine pas tout de suite à quoi ça sert. Une saveur nouvelle ramenée des Moluques ou du Pernambouc. Impossible à décrire mais c'est là et c'est pour cela que j'y retourne sans cesse.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Aujourd'hui, au fond de ma mine, justement j'ai trouvé quelque chose. Ça me parle au point de m'asseoir dans l'obscurité pour y réfléchir posément: un truc en forme de diabolo qui, derrière un nom savant (un de ces noms qui n'expliquent rien sauf à ceux qui connaissent), raconte des histoires assez peu ordinaires: un <a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Espace_de_Minkowski">Espace de Minkowski</a>,</div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://1.bp.blogspot.com/-y37aEOG_w14/WTWfNav-WfI/AAAAAAAABAQ/_iCJL9dbiI4JWYnEGOTVjHJKqRzUe69IwCLcB/s1600/Minkowski.png" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" data-original-height="326" data-original-width="280" height="320" src="https://1.bp.blogspot.com/-y37aEOG_w14/WTWfNav-WfI/AAAAAAAABAQ/_iCJL9dbiI4JWYnEGOTVjHJKqRzUe69IwCLcB/s320/Minkowski.png" width="274" /></a></div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Ce truc est une explication du monde tel qu'il se donne à connaître, un monde délimité par la vitesse de la lumière. Expliquons un peu: selon les lois de la relativité, rien ne peut dépasser cette vitesse donc elle définit un espace/temps dans lequel se trouve nécessairement toute information qui pourrait nous atteindre maintenant ou dans le futur. Si quelque chose se passe maintenant quelque part très loin, nous ne le saurons que plus tard, dans un délai qui dépend de la vitesse de la lumière.</div>
<div style="text-align: justify;">
Ainsi la vitesse de la lumière décrit un espace d'information, un espace qui se déploie extrêmement vite. Exactement comme l'onde d'un caillou jeté dans l'eau s'élargit et grandit avec le temps. D'où l'image du cône avec le cercle qui s'élargit le long de l'axe du temps. Ainsi se développe un cône de lumière, orienté vers le futur qui définit tout ce qui pourra être concerné par un événement qui se déroulerait maintenant. De même, un cône de lumière s'étend vers le passé qui précise tout les événements qui auraient pu avoir un impact sur le moment présent. Donc, à chaque instant, ces deux cônes décrivent la totalité de notre univers connu, notre espace-temps.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Pour bien comprendre, il y a une image très simple. Puisqu'on parle de vitesse lumière, imaginons que le soleil s'éteigne, là maintenant précisément au moment où vous lisez ces lignes. Vous ne le saurez pas avant huit minutes, le temps de finir cet article (êtes-vous sûr que c'est la meilleure chose que vous ayez à faire pendant ces huit minutes?), le temps que la dernière lumière émise par le soleil parvienne jusqu'à nous. Pendant huit minutes, nous allons vivre dans la totale ignorance de quelque chose d'aussi important que la mort du soleil. </div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Tout d'un coup, cela donne quelque densité au temps qui passe, n'est-ce-pas?</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
La distance de la Terre au soleil décrit le rayon du cône et les huit minutes sa hauteur, ce qui donne une idée de la forme du cône: tellement, tellement évasé qu'il en est quasiment plat. Pour le dire autrement, puisque la lumière circule à trois cent mille kilomètres par seconde, le cône de lumière a trois cent mille kilomètres de large et une seconde de haut. Rien ou pratiquement échappe à la vitesse de la lumière et donc à notre connaissance des choses! Il y a aussi, plus loin, plus haut sur l'axe du temps, des étoiles qui meurent et qui naissent mais tellement éloignées que la nouvelle mettra des années ou des siècles à nous parvenir. Mais aussi loin soient-elles, elles demeurent à l'intérieur de notre cône de lumière puisque l'information nous parvient. Ça, c'est pour la lumière qui va vers le futur (le "<i>cône de lumière future</i>"). Il en est de même vers le passé: plus on va loin dans le passé, plus le nombre d'informations qui peuvent arriver jusqu'à nous est important ("<i>le cône de lumière passée</i>") ce qui donne la forme de diabolo aux deux cônes réunis par le sommet dans notre présent.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
En dehors du cône, c'est l'ailleurs, ce qui n'est touché par rien de ce qui nous arrive, qu'on ne saura jamais et qui n'a aucune importance pour nous. C'est un ailleurs absolument infime: l'espace entre deux cônes de trois cent mille kilomètres de diamètre et une seconde de hauteur est d'une finesse indescriptible, un cheveu dans le déroulé des choses et du temps, un hoquet unique et dérisoire dans l'histoire de l'univers.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Ah mais justement!</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Alors que la plupart des gens se laissent captiver par l'intérieur du diabolo, tout ce qu'il implique et tout ce qu'il contient, cette expérience du réel qui nous inspire et nous agite, moi, c'est cet ailleurs infime et dérisoire qui m'a saisi. </div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Ce qui n'est touché par rien. </div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Cette parenthèse ridicule et obscure, écrasée par la masse des évidences qui s'imposent à nous. La possibilité de prendre la tangente, d'échapper au monde et à l'inévitable . D'entrer en virtualité en quelque sorte. Ce monde qui vit au delà de nos limites, de ce que l'on peut connaître. Un monde si ténu, si rapide ou si bref que nous n'aurions pas assez de temps pour le voir vivre, il faudrait pour cela aller plus vite que la lumière. Cette distance presque inaccessible (mais tout est dans ce presque) est en cohabitation perpétuelle avec nous, sans influence, comme un observateur coi, attentif et bienveillant. Une sorte de présence neutre et ectoplasmique. Il y a quelque chose de très mystérieux dans cet ailleurs: une proximité improbable qu'il décrit en même temps que son impassibilité. Ce qui s'y passe ne nous concerne pas, ce qui nous arrive ne le touche pas. Et pourtant, il est là, il existe à deux pas gigantesques de nous, séparé seulement de nous par la vitesse de la lumière. Un détail en quelque sorte! </div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Je le devine immense, bien plus grand que l'écrasement du diabolo pourrait le laisser croire.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Il faut fouiller et fouiller encore pour comprendre pourquoi cet ailleurs est important. La lumière crée pour nous des évidences qui nous aveuglent et nous enferment, mais au-delà d'elle que reste-t-il du temps? Cet au-delà existe puisque les cônes qu'elle dessine ne sont pas rigoureusement plats. Ah, s'ils l'étaient, l'histoire serait différente, la chose serait entendue: tout pourrait être pesé, connu, vérifié. Il suffirait d'y mettre le temps même si ce sont des siècles. Non, d'un coup, là, le monde entrouvre une parenthèse minuscule, un espace picoscopique entre ce qui nous vient du passé et ce qui va vers le futur. Un espace d'une finesse extrême, qui se joue au présent. Une respiration énigmatique et salutaire dans la pression des évidences et des choses.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Cet espace comme une fente dans le réel m'attire inexorablement. Il a des choses à nous dire même s'il ignore qu'on existe. L'ignore-t-il seulement? Cette proximité autre, ce monde est une ouverture, la possibilité de s'évader, quelque chose comme une fuite de réalité qui nous échappe. Une dimension supplémentaire à acquérir, à faire naître comme un talent nouveau.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
D'un coup, le refrain "<i>c'est l'ailleurs qu'il me faut, l'ailleurs exactement</i>" chante en moi comme une ritournelle, comme quelque chose de connu sans que je puisse mettre un nom dessus. Un souvenir imprécis, un autre voyage ou une autre vie. J'ai l'impression fugace et persistante que dans cet ailleurs un peu métaphysique se dessine et se joue une autre physique justement, celle qui contient et non celle qui raconte. Comme une histoire derrière l'histoire. Comme une ombre à l'envers, quelque chose qu'on traverse sans y prendre garde. Un parfum peut-être. Il y aurait dans cet ailleurs hors du cône de lumière, dans ce rien, toute une ribambelle d'opportunités et de possibles.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Voilà ce que j'ai découvert au fond de mon imaginaire avec ma lampe falote et faiblarde. Voilà avec quoi je joue, ce qui me fascine et me captive, me fait oublier la surface et le temps qui passe. Un monde réel, inaccessible et différent, quelque chose qui nous enveloppe et qui nous échappe pourtant: ce qui est au-delà de la lumière et de sa vitesse et qui vit en même temps que j'écris. Un monde habité de potentiels sans effets. Comme une gourmandise dont on pourrait abuser.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Une frontière à traverser comme un voile que l'on perce pour faire apparaître ce qui est voisin. </div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
A propos de frontière justement, il en est une qui doit être étonnante à vivre: que se passe-t-il exactement sur le bord du cône? sur cette paroi infime entre ce qui nous arrive et ce qui ne peut venir à nous? entre notre monde emberlificoté dans ses liens de cause et d'effet et ce monde d'à côté, justement sans lien, sans effet, aucun sur le nôtre. Comment vivre à cet endroit exactement où, à cause de la lumière et de sa vitesse, nous pouvons être rattrapés par notre passé, mais en même temps être en dehors de l'histoire? Il suffit d'un pas de côté et on devient inaccessible? Quelle couleur a-t-elle cette frontière? Quel goût? Et comment sait-on qu'on s'y trouve? Un lieu sans ombre peut-être?</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Rester, rester encore dans ce silence et cette obscurité, demeurer pour être sûr d'avoir bien saisi. Ne rien laisser derrière qui, peut-être, serait la clé, la dernière pièce du puzzle, quand je serai remonté ce sera trop tard. Jouer avec ce diabolo incongru en quatre dimensions et écouter encore ce qu'il a à me dire.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
Ne pas céder au temps qui passe et à la lumière qu'on voudrait retrouver, justement.</div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
C'est curieux, d'ailleurs, ce lien entre lumière et temps. Au point que le temps change quand on joue avec elle? </div>
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
<div dir="ltr">
<div style="text-align: justify;">
N'importe! Il est temps de remonter.</div>
</div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-66968608057214395062017-05-28T07:52:00.000-07:002017-05-28T07:55:57.511-07:00ça se mérite!<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">- « Ça se
mérite, hein ? »<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Sa
question n’appelle pas vraiment de réponse mais je lui décoche un sourire
entendu. Fatigué mais entendu, le sourire qu’on fait à une remarque bienvenue.
Je fais celui qui acquiesce, bonhomme, j’en profite pour accepter lâchement
l’invitation implicite à la petite halte que je n’espérais plus. Plus que
bienvenue, en fait, elle s’impose, cette halte à laquelle je me refusais de
penser encore quelques secondes plus tôt. Ne jamais s’arrêter. Si on commence
quand on monte, on n’arrête plus, c’est le cas de le dire. C’est tout le rythme
qui fout le camp à vaux l’eau. Je sais d’ailleurs que c’était exactement
l’intention derrière l’interjection : me faire stopper et se fabriquer à coups
hachés de conversation une raison pour souffler un peu.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Nous
sommes plantés là au milieu du raidillon, le petit virage sec en équilibre,
trois ou quatre pierres dodues, lisses et pentues juste ce qu’il faut pour une
glissade, un endroit où précisément il faudrait continuer, s’arrêter plus tard
une fois qu’on l’a passé : pierres branlantes après pierres plates, rochers à
glisser, cailloux à grimper et se faire mal, par-dessus le tout, pierres
toujours plus hautes les unes que les autres. Le cœur qui bat la chamade et les
jambes qui n’en peuvent mais. La tremblote n’est pas loin. La tête ? Il vaut
mieux ne pas y penser. Chasser les idées, n’en laisser qu’une : avancer. Et le
soleil par-dessus, qui tape et se marre de nous voir suer.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Je ne
sais pas pourquoi mais c’est plus difficile que je m’y attendais. Elle est plus
raide que prévue cette balade de fin d’hiver, ou de début d’été comme le dit
mon compère d’infortune. « Ça se mérite, hein ! » Un peu que ça se mérite. Oui,
mais quoi au juste ? Le sommet pas bien loin, la sortie aux premiers beaux jours
? Le plaisir d’en finir ? le repas qui va suivre ? La redescente ensuite ? Va
savoir. Ce qui est sûr, c’est qu’on sera contents une fois en haut, derrière le
petit ressaut, là, à portée de voix. Encore vingt à trente mètres de dénivelé,
quarante peut-être. On va y arriver mais en attendant il y a deux essoufflés en
pleine pente qui se font un brin de causette, histoire de se reposer, se
refaire une santé. On n’est pas pressés d’y revenir à ce raidillon en lacets,
cette chenille où tous ceux qui montent peinent, alors que déjà quelques
cavalcades dévalent le chemin du retour. Alors on triche, on s’invente une
conversation, un sujet d’intérêt pour retarder le moment d’y retourner.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Lui,
c’est Charlie, je découvrirai son prénom tout à l’heure, au moment de se quitter.
Tête ronde, cheveux gris très courts, drus paillasson, petits yeux ronds
bleu-gris, assez rapprochés sous un front rayé profond. Pas très grand, plutôt
râblé. Genre prof de gym en retraite. Ou militaire. Il porte un long sac à dos
noir à larges bandes latérales jaune vif. « Vous au moins, vous avez un sac
léger » (bon, d’accord, si on veut !) « Moi je monte tout mon matos pour deux
jours ! » Il monte pour l’ouverture de la pêche. « Des saumons des fontaines,
comme ça ! » (il pose le bâton pour montrer. J’opine du chef comme il se doit,
ça m’évite de parler tout en ayant l’air intéressé) « et des truites ! Vous
verriez leur robe ! Noire avec des tâches orange comme ça» (autre geste, des
doigts cette fois, pouce contre l’index, autre opinement du chef).<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Le petit
raidillon en question, c’est la phase finale de la balade de l’Espingo. Un truc
pour « marcheur » dans le guide, même pas « randonneur ». C’est dire ! Oh,
n’allez pas imaginer un sommet, un quatre mille ou même un trois mille. Tout à
l’heure j’aurai la déception d’apprendre que cette performance culmine
vaillamment à 1970 mètres. Oui, vous aussi, vous trouvez que c’est beaucoup de
bruit pour pas grand-chose. C’est aussi mon avis. Il n’empêche, ce petit
raidillon, faut se le faire. 1970, on dirait une date de naissance. La décade
sans doute de ceux qui cavalent et me dépassent, à la montée comme à la
descente. Moi je suis né presque vingt ans plus tôt et ça se sent ! Ça sent
surtout la rouille et tous ces mois d’hiver où on n’a pas trop pris soin de
soi. « Raclettes et tout le toutim » dira un jeune se tâtant les bourrelets
dans une autre conversation, en bas cette fois. Quel que soit notre âge, on en
est tous au même point, si je comprends bien. <o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Monter
doucement, régulièrement, un pied devant l’autre, souffler en cadence. Pour ce
qui est du souffle et de la cadence, on n’entend que moi dans cette montée.
Comment ils font les autres ? Je verrai passer des sexa bien avancés, septua
presque, frais comme des gardons, elle en particulier qui respire par le nez.
Je me fais l’effet d’un débutant un peu rustre devant tant d’élégance. Moi, ça
éructe, ça ahane, ça souffle comme une locomotive à vapeur en pleine lancée.
«Bonjour! » ai-je lancéun peu vache pour l’obliger à répondre. Un gamin tout à
l’heure demandait à sa mère à qui je disais bonjour « ça sert à quoi de dire
bonjour ? ». ça sert à ça, petit morveux, tester le souffle de ceux qui
grimpent sous forme d’encouragement. Se dire qu’on n’est pas tout seul à en
baver. Entre autres.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Il faut
avouer que, même si je sais que je vais aller au bout, je n’en mène pas large.
Cette balade c’est la quatrième fois que je la fais, toujours sans m’arrêter,
lentement mais sûrement. Je n’ose dire tranquillement. Cette fois-ci pourtant,
Charlie, ses histoires et ses arrêts sont les bienvenus. Je le sens bien aussi
pour lui qui les fait durer un peu. Il récupère moins vite que moi semble-t-il
? Ou il est moins pressé d’arriver ? Le temps du pêcheur sans doute, qui fait
la différence dès les marches d’approche. Lui va passer l’après-midi et la nuit
à attendre puis deux jours en altitude, à fouiner dans ses torrents, ses coins
racontés à personne. «Ça fait quarante-cinq ans que je monte, si vous voyez ce
que je veux dire ». Oh, pour le coup, je vois très bien : petits secrets et
emplacements bien gardés. Je l’imagine distribuant même des leurres, comme ils
savent le faire entre copains, pour garder ses coins pour lui seul. Je le
comprendrai tout à l’heure en redescendant, faisant le malin auprès de ceux
(celles surtout) qui montent avec leurs gaules. Le gars qui sait, qui connait
l’ouverture et toutes ses histoires. « Il y a du saumon des fontaines qui vous
attend là-haut ! » (« Du saumon ? sûrement pas ! de la truite, peut-être, mais
du saumon, jamais de la vie ! »). Alors le Charlie, il m’aurait enfumé avec son
saumon ? Le pêcheur qui en rajoute ? La belle histoire pour se faire mousser,
comme on se refait une beauté à ses propres yeux, en douce? Réflexion faite,
j’aurais plutôt tendance à le croire. Le seul sexa de la troupe, tous les
autres sont des jeunots. Des moins de trente ans pour la plupart, qui ne
connaissent rien de la montagne ou si peu. Certainement pas l’histoire de
l’hélico qui est allé aleviner le saumon dans les torrents derrière les
sommets. Vingt ans de cela ! Lui il pêchait déjà dans le courant d’une onde
pure, eux ils tétaient encore leur mère ou pas loin. Et le coup de la société
de pêche qui a nettoyé les torrents pendant des années, un par un, ôtant les
gros rochers pour réguler le courant et permettre aux truites de remonter pour
pondre. Pourquoi aurait-il inventé tout ça, Charlie, au milieu du raidillon de
surcroît ?<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Bon, ce
n’est pas le tout, il est temps d’en finir avec cette montée, traverser les
névés inévitables et contourner ceux qu’on peut. Repartir. On dirait que ça va
mieux. L’approche se fait plus rapide. La petite halte bienfaitrice ? la
présence de mon pote pêcheur qui monte gaillard devant ? La perspective du col
et de l’arrivée proche ? Le vent peut-être, ce vent de convection par bourrasques
qui fouettent de côté et qui charrient le frais de la neige vers le chaud de la
vallée. Vers l’autre lac en contrebas du col, presque vide au pied de la
cascade aux bouillons blanchis. Une que je n’ai jamais vue si fournie, noyée
sous la fonte des neiges. Abondantes cette année, ça se voit aux sommets et aux
valons d’altitude, encore chargés en cette fin de mois de mai.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">On
arrive. Le spectacle en vaut vraiment la peine. Somptueux : de la neige
partout, des chutes qui ruissellent en veux-tu en voilà en grondement continu,
des choucas qui nous survolent en rasant, histoire probablement de vérifier
dans quel état on est. Je ne dois pas avoir l’air trop vaillant, assez inerte.
Pour un peu, ils viendraient tâter de l’immobile? Je vais m’arrêter là, m’effondrer
devrai-je dire, pendant que Charlie pousse jusqu’au refuge pour un déjeuner
bien gagné. J’ai entendu parler d’omelettes en montant, des gens qui avaient
mangé là-haut et qui papotaient, comme de juste quand on descend. Elles m’ont
l’air fameuses les omelettes de Jean-François. Ce soir, il parait que ce sera
poisson comme il se doit ! (avant l’ouverture de la pêche ? D’où vient-il
celui-là ?)<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Finalement,
je me plante là après les salutations d’usage. Joseph. Charlie. On se quitte
bons copains. Pour lui, la fête commence, toute en anticipation du lendemain. À
l’aube sûrement. Pas sûr qu’il dorme beaucoup. L’altitude, les pensées qui
cavalent, le mauvais vin, celui qui râpe et le raffut dans le dortoir. L’orage
qui menace et ceux qui partent tôt. Moi il faudra bientôt penser à redescendre.
Tout à l’heure, pas maintenant. Le ciel est encore clair et j’ai des jambes à
défatiguer, un estomac à rassasier, un souffle à reprendre. Le petit roupillon
des familles au milieu des fleurs des près et des bouses sèches. <o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Je passe
un moment à regarder les gens en grappes, répartis autour de la combe. Certains
plus courageux que d’autres ont poussé jusqu’au lac. Peut-être se sont-ils
laissés glisser ? Il faudra bien tout à l’heure qu’ils remontent. Moi, j’ai
opté pour la mi-pente, pas trop loin du col et peu ou prou abrité du vent.
Flemmard et avisé.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Ça alors
! Surprise ! Voilà Brianne qui arrive ! Je croyais qu’elle avait fait demi-tour
! Alors là, chapeau ! Elle aussi n’en mène pas large dans ce lieu gigantesque!
Le souffle à récupérer, les chaussures à délacer. Mettre les pieds à l’air, se
faire à l’idée qu’on est arrivée. D’abord le silence. Se retrouver. Puis casser
une petite graine. Chercher un coin mieux abrité que mon campement sommaire.
Elle aussi, un peu plus tard, quand elle sera reposée, quand elle regardera les
sommets autour, se fera des projets, des films dans sa tête. On pourrait
continuer, aller là, là ou là ? Le Portillon pourquoi pas ? Ouiche, un autre
jour peut-être. Demain ? De toutes façons, le refuge est sûrement plein avec
tous ces fêtards en forme qui sont montés pour la pêche.<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><br /></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Finalement,
on aura mis 2h pile ou presque pour une balade donnée pour 2h30. On a sa fierté
tout de même ! Je ferai moins le malin la prochaine fois, quand cette montée au
col, en plus d’un mauvais souvenir, sera l’avant-goût, un apéritif un peu
raide, de ce qui nous attend dans l’approche du Portillon. La prochaine fois.
Chatouiller les 2600. Lentement mais sûrement, à pas comptés ou presque, se
rapprocher des trois mille. En faire au moins un. <o:p></o:p></span></div>
</div>
<div class="MsoNormal" style="background: white; line-height: normal; margin-bottom: .0001pt; margin-bottom: 0cm;">
<div style="text-align: justify;">
<span style="color: #1d2129; font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;">Avant
quoi au juste ?<o:p></o:p></span></div>
</div>
<div style="text-align: justify;">
<span style="font-family: Trebuchet MS, sans-serif; font-size: x-small;"><span style="font-family: "arial" , "helvetica" , sans-serif;"><br /></span>
</span></div>
<div class="MsoNormal">
<div style="text-align: justify;">
<br /></div>
</div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-2643444018087094642016-08-31T01:18:00.002-07:002017-06-05T11:10:29.275-07:00Matin de magicienQuand les arbres sont immobiles, le ciel vide et la rue silencieuse, que reste-t-il du temps?<br />
Quand le petit matin se dessine dans les demi-teintes d'une brume dorée, quand, surtout, les oiseaux se taisent, nous privent de leurs pépiements métronomiques, où trouver le début d'une journée?<br />
<br />
Le monde est arrêté, encore, en panne ou plutôt il s'en est allé tourner sur quelqu'autre rivage, un autre versant d'une colline incontournable et que je ne vois pas. Coyote fou, je pédale dans le vide sans pour autant tomber et l'esprit, peu habitué à cette apesanteur, cherche un peu à quoi se raccrocher.<br />
<br />
Lâche prise et réjouis-toi de la fuite du monde.<br />
<br />
Une fuite, échappée par quelque porosité dans la matrice des choses, une chambre à airs immense dans laquelle nous nous mouvons: tout s'en est allé et il ne me reste que l'immobilité.<br />
Immobilité du temps et des choses<br />
Ces fleurs qui d'habitude oscillent et cherchent, me signalant une brise si légère qu'on ne la sent pas, me renvoient à l'immobilité de l'instant et à la vanité du mouvement.<br />
<br />
Aujourd'hui le monde est une leçon d'immobilité. Patient et serein, il me montre une image déformée et grotesque de mes agitations d'hier, de mes efforts et de mes appréhensions. Quand à demain, il sera toujours temps d'y passer quand le moment sera venu.<br />
<br />
Pour l'instant, ne bouge pas. N'attend pas, il n'y a rien à attendre. Sois.<br />
<br />
Quand on est immobile, on fait partie des choses, au même titre que la branche, l'air ou l'oiseau. Tout se mélange et se confond et on devine, on sent presque, la vie qui nous traverse. L'immobilité nous fait être au monde et y être bien.<br />
<br />
Ne bouge pas. Comme une alerte tranquille, une injonction susurrée. Ne pas guetter la surprise, le miracle dirait l'enfant qui croit encore à ces choses comme si elles étaient hors de lui.<br />
<br />
Ne bouge pas et sens la vie en toi comme un espace qui grandit, un fluide qui passe et te relie à ces choses que tu regardes et te parlent.Sens la joie qui monte, sans objet, juste le fait de regarder et être.<br />
<br />
N'attend rien. Attendre c'est déjà se tendre et oublier qu'on est. Contemple et laisse la joie monter quand le silence se fait.<br />
<br />
Le silence. Quelque chose qui n'a besoin de rien pour être.<br />
<br />
Un frétillement d'oiseau dans le paysage fait comme un bruit devant tes yeux: un moineau, les ailes de la même couleur exactement que l'écorce où jouent des taches de soleil. La solitude s'évapore puisque le ciel s'anime: les oiseaux viennent et vont comme un signal joyeux de quelque chose quelque part.<br />
<br />
Un monde qui se prépare à sa journée et les hommes qui s'activent par milliers.<br />
<br />
L'instant est passé semble-t-il? Je vois s'ouvrir la fleur rose du laurier, tendue et froissée vers la lumière et la colombe pousse son cri, comme un raclement de gorge enrouée dans le ciel.<br />
<br />
Le vent revient et les pensées aussi. Un avion traverse l'espace, poursuivi par un oiseau plus près.<br />
Le temps sort de son immobilité, tirant dans son sillage un cortège de bruits et de sonorités.<br />
<br />
L'instant immobile, quand sera-t-il donné à nouveau? Et serai-je capable d'y plonger, comme on hésite au bord de la falaise avec la mer à ses pieds?<br />
Il me dit quelque chose que je peine à comprendre, une langue silencieuse et étrangère. Une sensation en soi, un sentiment encore imprécis mais suffisamment présent pour évoquer la vie.<br />
<br />
On pourrait la passer, je crois, à détailler un jardin. A le dévisager avec attention, précaution et patience, chaque jour un petit peu, sous ses moments contraires: ceux avec du vent et les journées torrides, ceux couverts de pluie et ceux où les feuilles tombent au bout de leur bruissement.<br />
Une abeille, seule, trace un sillage vrombissant dans un air océan, en route vers autre part, un buisson de lavande ou une fleur, attirée par un souvenir qu'une autre lui aura transmis.<br />
<br />
Quand la nature est immobile, c'est qu'elle se donne à regarder: elle accepte qu'on s'approche, elle invite. Il y a quelque chose d'elle qui vient en nous et qui est assez doux. Quelque chose qui nous dit que nous sommes de la même substance sous des formes si diverses.<br />
Je vois l'arbre parce que l'arbre est en moi. Je peux sentir la fleur, rouge, du grenadier parce qu'elle vit en moi. Sinon, je n'aurais pas même conscience qu'ils sont là et ce serait dommage, n'est-ce pas?<br />
<br />
Tout cela est bien fait, respire une intention paisible.<br />
<br />
Il faudra qu'on m'explique pourquoi j'ai un tel sentiment de joie devant ces arbres et ces buissons. Ces fleurs qui se cachent dans la pénombre comme si elles appréhendaient de sortir au grand jour, Comme si elles redoutaient la chaleur qui monte alors que l'été touche à sa fin. Comme une petite fille se presse contre son père ou son grand-père quand la foule grandit.<br />
<br />
Pourrai-je remercier chacune de ces feuilles, minuscules follicules, pour tapisser ainsi cette journée qui s'annonce? La joie monte et le rire aussi à poser le regard sur une branche. Le poids de son feuillage l'incline très précisément pour accueillir les rayons presque horizontaux du soleil rasant.<br />
<br />
Il faut une lenteur immense pour entrer dans le jeu entre la lumière et l'arbre. Son temps nous dépasse et nos agitations lui sont étrangères. A peine un murmure pour lui qui respire la terre et baigne dans le ciel. Il y a quelque chose d'implacable et d’étonnamment indifférent dans la puissance de l'arbre.<br />
Tout est joyeux autour de nous, tout célèbre l'instant qui est et nous sommes ces touristes qui déambulent dans la cathédrale pendant l'office.<br />
<br />
Il est possible de se baigner dans un paysage, de se laisser caresser par ce que les yeux reçoivent, y retourner pour le ressentir encore. Je m'étonnerais presque de cette joie étrange à contempler des feuilles.<br />
<br />
Elles bougent soudain, enfin devrais-je dire, une ondulation lente a traversé la branche de part en part, comme un matelas sous le poids d'un corps qui s'y pose. Qu'ont-elles senti que je ne vois pas?<br />
<br />
La beauté de cet arbre, son équilibre en étages, le jeu de l'ombre et de l'air dans ses branches, sa densité floue qu'il est possible de pénétrer sans peine, ses branches lancées comme autant d'expériences suspendues, me parlent de son pays: c'est un arbre d'ailleurs, transplanté dans ce jardin et qui y a fait sa place. Ses feuilles en lamelles courbes sont faites pour couvrir d'autres sols et d'autres bruits. Et pourtant il prospère, tutélaire et joyeux. Et il me parle et sa joie se partage.<br />
Je le regarde bouger comme on le ferait d'un bébé ou d'un animal, guettant le geste pour en comprendre l'intention.<br />
Son voisin est d'ici, beaucoup plus aéré, beaucoup plus élancé, ses branches plus chiches en feuilles. Lui c'est l'amplitude et l'espace qui le guident quand l'autre est tout en densité sauvage apprivoisée, apaisée.<br />
<br />
Qui es-tu, toi qui me parle et que j'aime, quelle langue me dis-tu, qui me fait du bien et à laquelle je ne comprends rien, que je devine d'où tu viens?<br />
<br />
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://3.bp.blogspot.com/-FDtf0A5-e_E/V8aWVW8lBJI/AAAAAAAAA54/Zl_BidYWF8AOyR6f62R3F9T1mVUJr1pMwCLcB/s1600/20160831_103016.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://3.bp.blogspot.com/-FDtf0A5-e_E/V8aWVW8lBJI/AAAAAAAAA54/Zl_BidYWF8AOyR6f62R3F9T1mVUJr1pMwCLcB/s320/20160831_103016.jpg" width="180" /></a></div>
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-3629817616695703952016-03-05T06:40:00.001-08:002016-03-05T07:15:34.617-08:005 Mars 1916<div style="text-align: left;">
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</div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Côte
du Poivre - Secteur de Bras</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"> Le
silence dans les rangs est énorme, il s’impose à tout, tellement lourd et
massif dans l’espace confiné et crasseux, dans ce boyau misérable et tortueux
de la tranchée, que personne n’ose le rompre. Un truc qui vous dépasse à ce
point ne peut que vous laisser muet. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Les
visages sont fermés, terreux, les corps tendus, immobiles, chaque homme tourné
en lui-même, fossilisé dans une spirale de sensations dont il ne sait ni
comment ni quand en sortir, le plus tôt serait le mieux mais ce n'est pas
certain. Les rares pensées qui survivent encore à une autre nuit sans sommeil
sont hachées menues par le sifflement des obus et le craquement brutal,
incessant des explosions à cent cinquante mètres, sur la tranchée d’en face,
proche à toucher : le roulement infernal, inhumain du monstrueux pilonnage de
l’artillerie. Une averse de fer et de feu, avide de chairs et qui pulvérise en
tous sens en prévision de l’attaque à venir, mais cette fois au rythme mauvais,
plus serré que d’habitude. Pour être sûr de ne rien laisser vivant, mais nous
savons bien, nous autres, qu'il n'en sera rien. Quand il le faudra, ils
sortiront de leurs tanières comme nous le faisons, nous, quand c'est notre tour
d'être ceux qu'on attaque.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Les
uniformes bleu horizon sont étonnamment propres, comme pour la parade. Pourquoi
ce détail me frappe-t-il tant ?</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Je
suis leur capitaine et je leur fais face, appuyé sur la paroi opposée de la
tranchée, celle qui regarde l'ennemi. Je suis muré dans une détermination
d'acier qui m’occupe tout entier. Cette détermination est tout ce qui me reste
de la sensation d'être vivant, même si elle m’a définitivement coupé des
autres, du monde de ceux qui vivent encore quelque part au sud ou à l’ouest,
une vie lointaine, rêvée, qui m’est devenue étrangère comme d’un autre
continent, séparée peu à peu et grands feux. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Une
détermination d'une épaisseur de marbre pour garder la peur à distance, mais
surtout surmonter la colère, la révolte immense devant l’imbécilité absolue de
l’ordre que j’ai reçu. Prendre la tranchée là, devant, est totalement impossible,
nous le savons tous, moi en particulier. Depuis un mois, à la moindre sortie,
nous sommes balayés par le feu rageur, saccadé, précis, des mitrailleuses d’en
face. À cette distance, c’est du quasi bout portant. Je sais que ce n’est pas
cette averse d’obus qui les aura fait taire. Encore une de ces théories
d’état-major qui m’exaspèrent. Feu de barrage puis feu roulant. Bien sûr. Tout
ça est tout à fait logique et fonctionne très bien sur le papier. Mais il
n’empêche : dès que nous nous montrerons, nous nous ferons faucher. Je le sais,
totalement coincé entre cette certitude de mourir quand nous sortirons et
l’abjection de la lâcheté si nous ne le faisons pas. Sortir est inutile. Ne pas
le faire est impossible : à tout prendre, il apparaît que je redoute moins de
mourir que d’être lâche. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Depuis
que j’ai reçu cet ordre imbécile, je ne dors plus. Non d’inquiétude mais
l’esprit mesmérisé par ce dilemme, gélifié dans l'absurde logique humaine. Dans
cette tranchée, j’aurai finalement davantage souffert de patauger
dans l’imbécilité radicale de ce qu'on nous demande de faire et d'être,
que dans la fange et la boue que tous, nous finissons par ne plus voir. Ces
ordres auxquels il est impossible de se soustraire. Impossible de désobéir et
inutile d’obéir, voilà à quoi en est réduit le sentiment d’être vivant quand on
est à Verdun, quand on est coupé de sa propre histoire depuis si longtemps
déjà.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Je
regarde la tranchée : ces parois suintantes de terre grasse presque
huileuse qui nous enserrent, on est transi dès qu’on s’y appuie, cette vie sans
horizon, ce ciel confiné au-dessus, cet enfermement du regard privé
d’horizontal, c’est mon univers, celui dont on ne peut sortir sans mourir.
La mort qui vient parce qu’on sort à l’air libre, parce qu’on se met debout
sur la plaine ou ce qu’il en reste, hérissée de ces troncs en échardes, aux
branches comme des bras, moignons difformes et noircis, figés dans des poses
grotesques. Cette absence d’horizon aura curieusement développé en moi le
sentiment d’immensité, comme si l’univers entier m’était devenu intérieur,
comme si la vie devient recluse quand les extérieurs sont hostiles.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Maintenant
je regarde mes hommes. Je ne vois pas leur peur, je ne vois que leur
immobilité. Je sais qu’ils vont mourir. Combien ? Je n’aurai pas le temps
de savoir. La certitude de leur mort prochaine est la seule pensée qui s’agite
dans cette détermination qui ne me quitte plus, m’habite tout entier comme une
cuirasse en dedans. Les mener à leur mort est un remord immense, une
impuissance dérisoire et rageuse. Contrairement à ce qui se dira, il n’y a dans
ce courage-là, rien de véritablement noble. Une colère transcendée, voilà tout.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">L’artillerie
se tait. Maintenant, le silence est insupportable, tout sauf un répit. Une
touffeur qui accélère le souffle. Il s’imprime dans les hommes comme un
étouffement prémonitoire. Ce silence est comme une stupeur qui surprend et
s'étend au monde tout entier. On en sort hébété.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Je
regarde ma montre. Je suis d’un regard à moitié absent le lent mouvement de la
trotteuse. Tout s’efface comme si ma pensée, ma mémoire, tout ce qui m’a fait
sentir être vivant étaient maintenant figé. Il n'y a plus rien à faire, qu'à y
aller. Il n’y a plus rien que le gris du plomb et le froid de l’acier, comme un
présage de ce qui vient. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Je
ne suis plus rien, qu'un ordre à donner.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">8h30
: je sors mon revolver, vérifie une dernière fois mon arme. « Baïonnette
au canon ! ». Le cliquetis des armes, des boucles et des bidons est
immédiat tant l’ordre était attendu. Toute la tranchée s’ébroue. D’un coup, la
rumeur monte, les souffles se font plus sonores dans le froid du matin. Aucune
parole pourtant. Maintenant, personne n’a plus rien à dire. Trop tard, trop
lourd ou trop tout, simplement. Les sapeurs assurent les échelles.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">« On
y va ! »</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Le capitaine Marc D. monte
prestement, sort le dos courbé, en même temps que ses hommes, les premiers aux
échelles. Une dizaine de silhouettes, rapidement suivies d'autres, qui se
détachent et courent, droit devant elles.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Et immédiatement, si vite, le feu des mitrailleuses qu’il a à peine le temps de
voir crépiter au ras du sol là-bas. Déjà, le choc des balles qui déchirent
l’uniforme. Il a le temps, pourquoi ? de les sentir à l’épaule au côté
gauche, sans douleur, puis plus rien. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Simplement cette immense question
imprimée au fond de sa conscience. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Pourquoi ?</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
A peine 40 ans plus tard, je nais.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Enfant résolu, courageux, ou plutôt enfant pour qui la nécessité du courage
sera comme un repère, un rappel fréquent dans ce qu’il aura à vivre. Et c’est
vrai qu’il sera courageux cet enfant. Quand il aura grandi et contemplera sa
vie, je serai touché par le courage de ce morpion que j'étais mais en qui
j'aurai parfois peine à me reconnaître. Non tant par l’adversité que j'aurais
confrontée, à peine, pas vraiment, que par les questions qui se seront
imposées, innombrables et qui, toutes, resteront sans réponses. Jusqu'il y a si
peu.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Je suis venu au monde sans en être, plein d’un questionnement qui m'aura
précédé et qui m'aura toujours dépassé comme un grand frère tutélaire et
anonyme que je n'ai pas eu, que je n'aurais pas su. Habité d’un pourquoi
gigantesque, un questionnement immense, si grand qu’il emplit le monde tout
entier, qu’il en est comme la limite ultime : au-delà du perceptible, au
bout des lectures et des aventures comme au bout des télescopes, ce sera
toujours un pourquoi que je trouverai et qui ceinture le monde. Ce monde en une
question colossale, imprimant au plus profond un besoin vital de réponse, un
besoin de comprendre, qu’on m'explique. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Personne ne pourra jamais
m'expliquer parce que personne ne comprendra jamais vraiment la question qui
m'obsède et que je pose sans cesse.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Pourquoi tout ça?</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Puis je vais vivre, m’inventant une vie plutôt en dehors des sentiers battus
parce qu'ils sont sans doute ce que j'aurai redouté le plus, pour que cette vie
inventée fabrique la réponse à ces questions, au gré des occasions, des
rencontres, des idées et des projets. Pour qu’une vérité se fasse, apparaisse
en pointillés comme des rochers découvrent à marée basse et racontent
l'histoire de la terre finalement vaincue par les flots.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Je finirai par trouver naturel ce questionnement permanent, cette incertitude
constante. Il sera ma vie, ignorant de toutes les autres possibles, ces vies
sans question, sans autre histoire que celle qu'on se choisit. Traversant les
mêmes écoles, les mêmes chemins que d’autres, vivant, grandissant et
vieillissant comme les autres, j'aurai exploré ma propre vie de fond en comble,
espérant découvrir dans l’inhabituel et le nouveau la réponse à ce
questionnement avec lequel je suis venu au monde. Ce paquet, pesant comme un
barda que je portais en moi, avant même que de naître. Cette question continue
qui m'aura rendu un peu sauvage ou plutôt singulier. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Certains ou certaines m'auront trouvé intéressant, semble-t-il, le temps d'une
soirée ou d'une tranche de vie plus ou moins longue, mais pour la plupart je
resterai un peu étrange, fatigant le plus souvent.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Parlant de repères, il y en a de surprenants parfois. Par exemple, dans mes
années de collège, j'allais à la messe. Agenouillé au milieu des camarades, il
me revient des bourrades amicales et des chuchotements dans le recueillement
qui nous était imposé: « <i>t’as vu, t’es mort au champ d’honneur</i> !».
D’un coup de tête, on me montrait dans le petit transept sur ma gauche, la
liste des anciens du collège, morts à la Grande Guerre. Pour la France comme on
disait. Je portais alors même prénom et même nom que mon aïeul. Et d'autres
fils aînés sans doute avant lui. Un autre repère, plus précis encore: dans mes
jeunes années, nous allâmes plusieurs fois à Verdun, accompagner notre
arrière-grand-mère dans ses pèlerinages, dans son devoir de mémoire. L'occasion
pour nous de nous retrouver entre cousins. Douaumont, Vaux, le Mort-Homme. La
Côté du Poivre, bien sûr, dont il ne reste rien et à laquelle, alors, je ne
comprenais goutte. Je ramenais chez nous quantité de vestiges, gourdes
aplaties, chargeurs de mitrailleuse en arc de cercle, éclats innombrables, tous
mal digérés par la terre et bouffés par la rouille. Il paraît qu'à l'époque
encore des obus entiers remontaient à la surface. J'en faisais un petit musée
dans un endroit propre de la cave. Comme des souvenirs, des regrets exhumés
mais non portés au grand-jour.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Que pouvais-je donc bien faire de tout cela ? </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Et la vie s'est organisée avec, au détour de ses méandres tortueux, des
surprises, des événements, des chocs et des moments heureux. Petit à petit
quelque chose s'est construit. La famille par exemple avec les enfants qui sont
venus m'apprendre à vivre d'une façon qui ressemble à quelque chose. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">D’autres repères se sont fait
jour, comme des constantes, des traits de caractère si profonds, tellement
inscrits en moi qu’ils auront fait partie de ma définition même. D’abord une
indépendance totale, presque farouche, ce refus vital de dépendre
jamais d’une hiérarchie dont j'aurai toujours redouté l’enfermement absurde. Le
refus de l'obligation d'obéir m'aura fait rebelle à tout ordre, une sorte d'anarchisme
inévitable et paisible. Ne pas devoir obéir à un ordre que j'aurais voulu
pouvoir refuser. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Jamais. Jamais. Jamais.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Ensuite, plus tard, quand j'en aurai l’âge et la compétence aussi,
l’impossibilité absolue, comme une règle de vie, de ne jamais avoir sous moi
des collaborateurs et des équipes à gérer: ne diriger personne, n’emmener
personne Dieu sait où ! Conseiller peut être, c’est le plus que je ne me
serai jamais autorisé. Pendant longtemps en tout cas.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Et la découverte de la mer.
Enfin ! Cet espace immense d’horizon infini, ouvert et non contraint ou il faut
seulement être prudent. L'horizontalité totale, ultime, qui m'aura touché au
plus profond de moi, comme ma réalité, comme ma définition d'être vivant, de
mon intégrité, de mon intégralité. Autour de la mer, j'ai commencé à me
construire. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Et dans cette vie qui s’allonge, s’étend en point d’interrogation horizontal
gigantesque, un rythme survient soudain, un murmure que d’abord je n'avais pas
remarqué, le rappel d’une naissance, une renaissance continue. Des ruptures
régulières qui viennent scander ma vie, des fractures parfois tellement
intenses qu'elles ne laissent rien debout de ce que je croyais vivant. Des
chocs brutaux, des petites morts à vivre comme des grandes, comme un grand. Des
moments où la vie fait table rase de tout. Dont il ne reste rien que ruines et
parfois calcination. Au début, je n'ai pas fait attention, ou plutôt je les
vivais comme des coups du sort, des moments qui s’imposent, qu’on se doit
d’aborder avec courage et détermination. Forcément, pouvait-il en être
autrement ? La détermination, toujours, mais alors je ne savais pas d'où
elle me venait ni ce qu'elle venait me dire. Ainsi, j'en vins à croire que le
courage était une constante de la vie. Pour nous tous sur cette Terre. Le
courage était cette réponse que j'avais trouvée à l’absence de solution à
toutes mes questions. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Mais l'ai-je vraiment trouvée cette réponse qui était née inscrite en moi
? </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"> </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Une mort survient, puis une
autre, puis plusieurs, je n’ose les compter. Je suis doucement devenu un vivant
ponctué de morts dans sa vie. Oh, pas des décès, rarement en tout cas, mais des
deuils de soi qui m'auront pris tout entier. Souvent du côté du travail, de
comment gagner ma vie. Autour de cette place que je m'étais creusée dans le
monde, cet abri fragile et temporaire, combien de fois, à intervalles
réguliers, le monde se sera effondré ! Des effondrements qui surprendront, moi,
ma famille, mes amis et mes proches. Un peu comme ces maladies sérieuses qui
reviennent et dont on n’ose parler. Des moments intenses où seule la
détermination reste. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Quand il n’y a plus d’horizon, plus de perspective, quand ce qu'on a construit
est en ruines, c’est la mort. C’est la règle. Alors on y va. On doit y aller.
On passe par mourir. J'avais fini par accepter ces morts répétées comme
une fatalité. Croyant que c’étaient des jalons normaux sur un chemin normal,
comme tout le monde, alors que c'était uniquement de ma propre histoire qu'il
s'agissait.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Au bout de la sixième fois ou la septième peut-être, enfin, je me suis résolu à
chercher, j'ai voulu comprendre: C’est quoi enfin ce bordel ? C’est quoi
ce rythme de fatalité, cette mort récurrente, qui me poursuit et me chasse
comme gibier qui fuit dans le dédale de sa vie. Pourquoi devoir vivre ça ?</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Un jour, par hasard, au détour
d'un exercice de visualisation intérieure, je me suis transposé, projeté
presque cent ans en arrière. Je me suis retrouvé dans cette tranchée au moment
fatidique. J'ai tout vu, tout revécu, une <i style="mso-bidi-font-style: normal;">past life regression</i>,
comme ils disent. J’ai à nouveau ressenti cette détermination infernale, le
paquet de naissance, le trousseau, le barda militaire. J'ai revécu
précisément la fin de cet arrière-grand-père dont, si longtemps, j'avais
porté le prénom croyant que c’était celui de mon père. </span></div>
<div style="margin-bottom: 12pt; text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">J'ai mis un certain temps à
m'en remettre. </span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Bien
sûr, à un moment donné, la raison reprend le dessus : comme tout un
chacun, j'ai été pris de doute. Cette histoire, est-ce bien la mienne ?
N'est-ce pas simplement une affabulation de plus, le fruit d'une imagination
que je savais fertile en aventures, rêves et images de toutes sortes ? Et j'ai
pensé à la montre, cette montre que j'avais dévisagée pendant si longtemps:
"Voilà la preuve. Cette histoire est du rêve, une foutaise: il n'y avait
pas de montre bracelet à l'époque. Que des montres à gousset." Sur
internet, j'ai donc été vérifier et tapé "<i style="mso-bidi-font-style: normal;">montre d'officier
1916</i>". Immédiatement, je l'ai reconnue. Exactement la même, comme si
c'était elle, la montre de mon grand-père, simple et ronde, sur fond d'ocre
gris un peu vieilli et son bracelet de cuir. Je ne me souviens plus de l'heure
qu'elle indiquait,je n'irai plus regarder.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Et maintenant ?</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br />
Tout est bien, tout est fini. Quand je pense à lui aujourd'hui, c'est de la
joie que je ressens. Une vraie joie immense. J'ignore le pourquoi du comment.
Je m'en fous maintenant. Je sais qu'au-delà de tout ce temps qui est passé, de
toute cette vie, la mienne, la sienne arrêtée prématurément, la vie précisément
a fait son œuvre. Ce lien entre avant et maintenant s'est dissout,
tranquillement. Je crois même que ce qui a été fait aura été bien fait. Il me
l'a fait savoir. À sa façon.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Quand je pense à lui
maintenant, je le sens, je le sais dans l'émerveillement, un chant jubilatoire
et intense. Un chant qu'on partage, avec une sorte de complicité qui me
surprend.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Dehors, c’est le printemps, il
y a quelques fleurs aux branches.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Il y a cent ans.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Exactement.</span><br />
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;"><br /></span>
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">5 Mars, c'est l'anniversaire de ma dernière fille.</span><br />
<span style="font-family: "arial" , sans-serif;">Justement.</span></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div class="separator" style="clear: both; text-align: center;">
<a href="https://3.bp.blogspot.com/-i0YZIVx876I/VtruHP9M7NI/AAAAAAAAAq8/HddV9ANLuRE/s1600/printemps.jpg" imageanchor="1" style="margin-left: 1em; margin-right: 1em;"><img border="0" height="320" src="https://3.bp.blogspot.com/-i0YZIVx876I/VtruHP9M7NI/AAAAAAAAAq8/HddV9ANLuRE/s320/printemps.jpg" width="211" /></a></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div style="text-align: left;">
<br /></div>
<div class="MsoNormal" style="text-align: left;">
<br /></div>
juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-11014976035775970772016-01-18T23:50:00.000-08:002016-05-15T06:00:19.631-07:00Vingt ans aprèsVingt ans.<br />
Ce n'est pas mon âge, loin de là. Je veux dire ce nombre d'années passées, effilochées presque, ce sillage qui me suit et où les souvenirs brinquebalent tels des déchets jetés par dessus bord, par intermittence d'une vie secouée par la houle de ses hauts et bas et qui se perdent dans l'écume de mes jours. Non, ce serait plutôt mon anti-âge et je ne parle pas ici de crème ou de lotion, mais d'une époque future à laquelle je me sais appartenir et qui se situerait quelque part autour de cet horizon, si je puis dire. Oui, vingt ans dans le futur comme une promesse d'une vie ample, joyeuse et sûre qu'on aurait faite à un adolescent. Un horizon qui ceinturerait ma vie d'une limite vague et brumeuse, comme pour empêcher de la dessiner complètement?<br />
<br />
Il faudrait inventer un temps grammatical pour décrire cette saison particulière. Ce n'est pas le futur antérieur, un futur dans le futur. Non, ce dont il s'agit ici est de mettre le futur au présent. Le présent postérieur peut-être? Mais là, il faut lutter un peu pour ne pas voir surgir de nulle part une intruse et massive paire de fesses. Trop tard,ça y est, tu l'as vue, toi aussi. Tant pis, continuons.<br />
Passons outre si l'on peut.<br />
<br />
Dans un de mes bouquins, j'évoque le présent potentiel. Ce n'est pas tout à fait cela non plus: ce présent là est un éventail de possibles, un étalage de potentialités immenses, un carrefour aux branches multiples où l'on peut choisir à loisir le chemin que l'on veut emprunter en fonction de l'expérience que l'on veut faire et de ses conséquences possibles. Le présent postérieur, le temps mal dit, malencontreux dont il s'agirait ici, est autre chose: c'est un futur qui existe déjà, un monde aussi réel que le nôtre, issu de ses propres histoires, un truc qui vit par lui-même et qui fonctionne et vers lequel nous pouvons aller, si nous le voulons, s'il nous chante suffisamment pour que nous nous dirigions vers lui. Une île dont il faut seulement faire le choix au cœur d'une navigation. Sinon on l'ignore et on l'oublie. <br />
Il est essentiel de bien comprendre: Le futur, quelque soit celui qu'on se choisit, n'est pas la conséquence
de notre présent. Tout futur qu'il est, il pré-existe, nous le rejoignons par la succession de nos actes, comme des pas sur une échelle de coupée pour monter à bord du bateau qui passe. Combien, alors, il est important de bien le choisir, de le choisir en conscience et non parce qu'on se laisse accompagner le flot des évidences qui nous entourent et nous poussent.<br />
<br />
<br />
Ce temps, je le vois comme une île immense au milieu d'un océan gigantesque et bénéfique. Il est un continent à venir qui nous envoie une pléthore de messages comme le ferait une civilisation plus avancée que la nôtre, des indications éparses, à peine distinctes au milieu de nos magazines et des nouvelles qu'on partage. Un peu comme jadis, ces souvenirs anthropologues rapportés d'expéditions lointaines récoltés, exposés, montrés, étaient tellement différents de ce que nous vivions que personne n'y comprenait goutte: toute un langage, une grammaire, des signes radicalement autres.<br />
A un moment, à ce moment précis car le temps est compté, il s'agit de s'intéresser aux signes et quitter l'autoroute, prendre la sortie et engager notre propre monde, ce petit monde que l'on porte et dont on est responsable, sur des routes de traverse, sinueuses et discrètes. Ce temps à venir qui nous fait des signaux comme autant d'invitations à le rejoindre, nous pouvons nous y diriger mais cela dépend de ce qu'on décidera, tous ensemble. Parce que ce voyage là est impossible à faire seul.<br />
<br />
Tu as déjà vu ces vols d'étourneaux ou ces bancs de poissons, ces multitudes qui évoluent, virent et virevoltent, tous à l'unisson comme un seul être. Quelque chose à regarder et comprendre, quelque chose qui nous parle.<br />
Ces bancs fluides, dynamiques et animés, c'est nous. Exactement nous. Ce sont nos circonvolutions que nous contemplons. Notre évolution. Alors, étourneaux que nous sommes, qu'attendons-nous pour prendre la direction de ce futur qui nous chante, qui chante ce que nous sommes?<br />
<div>
<br /></div>
Oui, il est un temps à côté, devant, présent et à venir, bien réel, paisible et lumineux, mais divergent, une planète que nous allons manquer si notre trajectoire reste dans le droit fil de ce que nous avons déjà fait. Les chaînes du passé présentées comme du bon sens. Des chaînes télévisées et médiatiques. Que ce nom aura été bien choisi, mais combien il est urgent de s'en défaire.<br />
<br />
Par le présent postérieur, ce temps bizarre et comme aux
antipodes, je veux dire que tout en moi murmure avec plus ou moins de
force que je ne suis pas de ce temps-ci, que le mien, celui d'où je
viens et auquel j'appartiens est celui-là précisément que je perçois et
pour lequel je me sens fait, ce temps autre qui est quelque part, plus
tard, ailleurs. Dans vingt ans si tout va bien ou jamais, si on le rate.Si ce futur dont je viens ne devait pas être le nôtre, si nous faisions un choix différent, c'est à dire si nous ne choisissions pas, alors, que deviens-je? A mon tour, du même coup, je serais un devenir loupé? Une sorte d'ectoplasme tout en virtualité? Après toutes ces années? Je ne sais pas très bien si je dois m'en inquiéter.<br />
<br />
De toutes les façons, elle monte, l'inquiétude. Pas tant de savoir s'il va advenir puisque je sais qu'il existe. Ce monde si différent qui nous attend, dans vingt ans si nous y mettons le cap, se porte bien, merci pour lui. C'est pour nous que je me fais du souci: l'inquiétude monte de tout ce qu'il reste à parcourir, tout ce chemin devant nous pour le rejoindre, comme une face nord en hiver ou un cap mal famé par gros temps. Bonne Espérance par exemple, qui porte son nom si haut et si mal. Oui, toute cette route devant nous dont rien ne nous sera épargné, bien sûr. La route sera longue et semée d'embûches, bien plus longue que ces vingt ans, que ce temps qui reste à parcourir. Les marins disent que naviguer près du vent, c'est deux fois la route, trois fois le temps, quatre fois la grogne. C'est exactement ce qui nous attend. Une longue navigation avec forts vents contraires.<br />
<br />
Alors comment faire?<br />
<br />
Comment rejoindre ce temps dont l'histoire propre se déroule en ce moment, parallèle et si différente de la nôtre, comme il en existe mille autres qu'on ignore également? Comment ne pas se tromper? Comment passer du futur qu'on se prépare, tiré de notre passé comme un vin d'une vieille outre, cadré, lardé de ficelles qui aboutissent entre les mains de quelques uns qui boivent au goulot, tranquillement totalitaire, ce temps dont nous avons commencé à faire l'expérience comme des grenouilles au début de la cuisson, comment passer à cet autre précisément, ailleurs, qui chante et danse et rit, prospère pour le plus grand nombre? Libre, joyeux et nourri de tant d'inattendus. Une histoire que l'on préfère comme on franchit une frontière, imperceptiblement mais tout est si nouveau, différent.<br />
<br />
Imagine.<br />
<br />
Imagine deux trains qui roulent à la même vitesse exactement, l'un à côté de l'autre, et cela fait un moment que cela dure. Dans celui d'à côté, quelqu'un est assis, une femme par exemple, pensive elle aussi, qui regarde par la fenêtre. Les regards se croisent et déjà tout est dit ou presque: les destinées s'appellent qui devraient se confondre. Deux mondes étrangers qui se sont touchés, mélangés. Rencontre du troisième type. En un éclair, le choix doit être fait: Là, à ce moment précis, il suffit d'un rien pour passer d'un train à l'autre, la rejoindre. Non seulement c'est possible mais c'est exactement ce dont on a envie. Ce qui nous retient est ce que l'on se raconte sur le train, sur la vitesse, sur ce qui est impossible, sur ce monde qui nous entoure et nous empêche. Pourtant, il est toujours possible de passer d'un train à l'autre, toujours. Il est toujours possible de faire le pas, de rejoindre l'autre au delà de la vitre. Il faut seulement se décider très vite, là, sur l'instant, parce que l'aiguillage arrive, inexorable, qui va séparer les voies, emporter nos voyageurs, chacun, chacune vers son futur, vers autres choses qui n'ont plus rien à voir, plus rien à se raconter et déjà le souvenir s'efface, les temps se font différents, les histoires se démêlent et s'oublient. Un futur est passé et il ne reste qu'un songe.<br />
<br />
Juste un contact pour rien, une occasion manquée. Un futur en image, imaginé au lieu d'une réalité.<br />
<br />
Le vois-tu? L'entends-tu? Il y a là, à côté de nous, en ce moment précis, un train gigantesque, immense, qui roule à la même vitesse que nous, un train qui mène exactement au futur dont on a tous envie ou presque, qui va précisément là, vers ce lieu pour lequel on est tous faits. Entre nous et ce train, combien de voyageurs à échanger des regards comme des fous, comme des adresses, comme des invitations, comme une fête qui s'annonce. Viens, venez! Des paroles muettes qui appellent et font du bien, comme un miroir au delà de vitres embuées, chargées de givre ou de gouttes. Je sais où va leur train, je les connais, je voudrais être avec eux. Sauter. Vite. Faire vite.<br />
<br />
J'ai sauté. <br />
Jai sauté du train.<br />
J'ai sauté du train d'en face dans celui-ci que je partage avec toi qui me lis.<br />
<br />
Je suis dans le train de ce monde et déjà celui de mon futur s'éloigne, inéluctable, qu'il va me falloir retrouver si possible. Si ce monde veut bien. La bonne surprise, en revanche, est que d'autres aussi ont sauté du train d'en face, eux aussi ont rejoint ce monde. Pourquoi l'ont-ils fait? Pourquoi l'ai-je fait? Mais pour la voyageuse bien sûr! Pour son regard beau qui m'appelait par la vitre. Un regard, on n'y résiste pas!<br />
<br />
Des anti-voyageurs venus comme moi du voyage parsemer le présent, voyageurs arrêtés, immobiles, balises en pleine mer, jumeaux de Langevin qui restent avec les autres quand leur frère voyage. Souvenirs d'un futur auxquels ils vous invitent. Venus en voisins d'un temps suffisamment proche pour qu'on le distingue, oui regarde, jette un œil à l'horizon d'où je viens, regarde un peu plus loin que nos quotidiens embués. Contemple avec nous ce disque qui se lève quand on marche sur la plage et qu'on y est bien. Quand San Francisco se lève disait Leforestier. San Francisco. Des rêveurs soi disant, des gens du rêve comme on dit du voyage, venus aider ce monde à passer dans un futur qui ne viendrait pas de son passé. Oui, qui ne viendrait pas de son passé. Comprends-tu?<br />
<br />
<br />
Tous, des indigos parsemés dans ce monde. Tous, des sauteurs de train.<br />
<br />
<br />
Maintenant, aujourd'hui, sommes-nous décidés à mettre au présent ce futur dont nous rêvons plutôt que d'en faire la continuité d'un passé que nous avons appris à redouter?<br />
<br />
Changer l'histoire.<br />
Comme on change de chaussettes. c'est juste une question de choix.<br />
<br />
Permets-moi juste une question: Pourquoi ce qui a été vécu devrait avoir plus d'importance dans ce que nous sommes que ce qui nous reste à vivre? Comprends-tu? Pourquoi les générations passées pèseraient-elles plus que celles à venir? Au nom de quoi? Du devoir de mémoire? Mais que pèse-t-il face au devoir de vie?<br />
Pourquoi au contraire ne pas se laisser porter par ce qui en nous raconte autre chose, raconte ce temps possible, le temps du train d'à côté? Pourquoi ne pas faire ce choix-là précisément, maintenant? Pourquoi ne pas sauter ou peser sur l'aiguille, tous cheminots que nous sommes?<br />
<br />
Regarde le ce temps, contemple le comme on regarde des près verdoyants au delà d'une frontière très fortement gardée, telle un rideau d'enfer. Hume le quand le vent vient de là où le soleil se lève, dans la fraîcheur d'un petit matin plus paisible que les autres.<br />
Tu entends ce qu'il nous dit, ce qu'il nous raconte sur ce que nous pourrions être?<br />
<br />
Il n'est pas une chimère , un de ces mirages à peine plus loin, à l'image de nos cités torrides, une reproduction plus tard de ce qu'il y avait hier, un fantasme extirpé de nos affres et de nos avidités qu'elles soient sociales, technologues ou financières. Ce présent mécanique que nous avons accepté sinon construit.<br />
<br />
Ce futur d'où je viens est tout l'inverse. Une proposition à portée, chuchotée à l'intention de ceux qui savent s'écouter et regarder. Il chante en nous quelque chose d'à la fois familier et différent, l'avers de nous-même, là où nous sommes reliés, comblés de dedans, vides au dehors et en paix. En paix avec nous-mêmes, de façon à la fois réfléchie et réciproque.<br />
<br />
Oui, je suis de ce temps-là, comme un voyageur imprudent se retrouve piégé dans une époque qui n'est pas la sienne et du coup, peine à se souvenir de ce futur d'où il vient et qui pourrait ne plus être. Ce temps dans vingt ans. Ce temps qui nous attend.<br />
<br />
Ce futur enchanteur, je ne veux pas le décrire. Y mettre des mots serait l'enfermer au présent, enfermer le temps dans la bouteille comme un génie imprudent. Ce temps futur qui m'habite, je le laisse libre, flottant, il entoure ce que je suis comme un parfum qui s'échappe. Souvent, très souvent, je le reconnais chez les autres, toutes celles et tous ceux que je croise, avec qui je parle, échange, ris. Tous ceux qui se reconnaissent d'un regard, au détour d'une conversation, d'un voyage ou simplement d'un geste. C'est bien simple, tous ceux qui ont la joie en eux. Tous ces sauteurs de train.<br />
<br />
Comme pour la gravité, c'est une question de masse. Seront-nous assez nombreux à le rêver, le croire, le vouloir. A écouter, deviner ce futur dedans? <br />
<br />
Il faut toujours écouter ses vingt ans.<br />
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-89486519591090621712016-01-18T09:46:00.000-08:002016-01-28T01:51:37.137-08:00Fin du mondeC'est en route.<br />
<br />
En de multiples endroits, dans différents pays et des cultures si variées, on témoigne du processus à l’œuvre. Des gens se mettent en route, en multitudes diverses, se rejoignent, isolément ou par petits groupes, se réunissent et se parlent, tranquilles au milieu d'enfants calmes et rieurs. Des communautés se forment, des expériences se mettent en place,on peut aller de l'une à l'autre, on peut échanger, se croiser. On n'a besoin de rien ou presque pour se comprendre. On peut s'arrêter le temps qu'on veut.<br />
Essayer.<br />
Tous sont différents et viennent d'horizons et de parcours si divers. Ils ne se ressemblent en rien mais ont ce quelque chose en commun, comme un appel qui les a touchés et les a lancés sur le chemin. On voit sur leurs visages, jeunes, vieux, ridés, beaux, ce contentement tranquille qu'ils et elles partagent, la joie de sentir que c'est enfin là, que quelque chose se construit, que c'est vivant et que cela va durer. Leur confiance est telle qu'ils y invitent ceux qui passent. Certaines, certains les rejoignent, la plupart les ignore. Quelque chose de radieux et de simple arrive, quelque chose qui a besoin de peu pour grandir, qui met enfin l'humanité à sa place. Après ce long voyage, après cet immense détour dans la matérialité avide et aveugle, l'homme s'est retrouvé. Certainement pas au centre mais parmi, avec, entre ce qui l'entoure. La paix signée en lui et avec la nature autour. La tranquille certitude que le processus ne pourra s'arrêter, ni être arrêté. Jamais. La joie de gens qui vivent au cœur des choses mais à côté du monde. A côté des turbulences, des passions, des envies. La joie de ceux qui vivent avec le silence en eux.<br />
Après tout ce temps où ce qui allait suivre n'était pas évident, après tout ce temps où l'on se sentait plus mourir que naître, après tous ces moments d'égarements, de folies collectives et burlesques, quelque chose de beau est en train de nous arriver. Il suffit de regarder, écouter, dire oui toujours à ce qui est proposé. Se laisser mener par la vie, laisser les choses nous arriver et comme une rivière coule inévitablement vers la mer, on est progressivement transporté vers ces rencontres, ces moments de contentement et de paix. La transformation de soi dont on sait que viendra la transformation du monde. Cette grande alchimie à une échelle jamais vue auparavant, jamais expérimentée: la totalité d'un monde en train de changer de niveau de conscience. En train de passer.<br />
<br />
C'est cela qui se passe, qui est en train d'arriver. Nous sommes témoins de notre monde en train de muer. Des périodes comme celles-ci sont si peu fréquentes que ceux qui les avaient annoncées parlaient de fin du monde.<br />
<br />
Oui. La fin du monde.<br />
Qui aurait pu deviner que ce fut de cela qu'il s'agit, que ce put être aussi paisible, joyeux et rassurant? Le monde qui vient nait d'une conscience nouvelle, élargie, plus complète. Une. la conscience d'une création imbriquée, intelligente, bienveillante et prolifique. la conscience qu'on y a besoin de peu et que de ce peu beaucoup peut naître. Un monde où le soi est plein et donc conscient de l'autre. Un monde où il suffit d'un rien, d'un peu de silence, d'ingéniosité et de bonne volonté pour que tout arrive, qu'on le fasse ensemble, juste pour le contentement d'être. Un monde où trois fois rien font quelque chose de neuf.<br />
Un monde où c'est la nature qui nous enseigne parce qu'on aura appris à l'écouter. Un monde où l'univers nous parle.<br />
<br />
Apprendre.<br />
<br />
Apprendre à recevoir, à aimer. Apprendre à avoir confiance et ne pas redouter. Parce que ce sont nos peurs et nos pensées qui nous enferment, créent ce monde dont on ne veut plus, créent ce qui pourrait advenir si l'on n'y prenait garde, rater une promesse qu'on aurait négligé d'écouter. Ou refusé peut-être. Apprendre à construire en laissant venir le futur à nous. Tout est à redécouvrir, mais nous ne partons pas de rien: les exemples, les enseignements sont nombreux, comme le sont les expériences réussies. Partir d'une frugalité joyeuse, du partage. Ne pas se sentir ou se vouloir isolé. Rester relié. Ecouter, essayer. Et quand on ne comprend pas, se dire que c'est de soi que vient la limite, le problème et non de l'autre .<br />
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Un jour, on découvrira le pouvoir de l'intention. on aura découvert que c'est elle qui commande, qui oriente tout ce qui vient ensuite, tout ce qui se passe après. C'est l'intention, exprimée ou non, qui dirige les choses. Nos projets, nos aventures, nous amours, nos envies. C'est elle qui mène aux guerres ou aux rencontres apaisées. C'est l'intention qui, dans le secret d'un instant si bref, détermine tout ce qui emplira nos vies. L'imaginer, c'est déjà quelque chose, c'est lancer un pont au dessus des précipices. A le comprendre et le vivre, on s'engage sur l'autre versant, on se libère et on libère le monde des conséquences de nos gestes.<br />
Alors, avec quelle intention aborder ce qui nous vient? Aucune précisément, simplement celle d'essayer, de partager, écouter et construire avec les autres. Tout est possible, surtout si nous décidons de tourner le dos à ce que d'autres nous présentent comme inéluctable.<br />
En tout cas, c'est le choix que je fais, pour ces jours en file indienne qui se profilent devant moi, sans que je sache où ils me mènent. J'ai envie de m'arrêter en route, faire la journée buissonnière, comme un bivouac au milieu de la route. Au beau milieu de tant d'autres que la joie monte par anticipation.<br />
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Vivement demain finalement.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com4tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-22939796666995718682016-01-10T04:45:00.003-08:002016-01-10T10:41:29.941-08:00Religions, Tout & RienComment aborder ce sujet autrement qu'avec des points d'interrogation?<br />
Sans doute n'y aura-t-il dans ce qui va suivre rien à croire ni comprendre ? La simple expérience de laisser libre cours à ce qui vit en moi, à tous les questionnements qui collent à cette sensation d'être? Un cheminement fait de questions comme des pas sur le sable ou la neige: c'est quand on les regarde, quand on observe leur trace qu'on comprend la direction qu'elles prennent. Ou les errements qu'elles racontent.<br />
Laisser venir les réponses dans ce qui est vécu plus que dans ce qui est dit.<br />
Aucune vérité assurément, si l'on peut dire.<br />
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Et si ce que nous vivons aujourd'hui, ces tempêtes de religiosité figée dans des dogmes mal compris, ces monstruosités d'intolérance tortueuse en même temps que ces déserts d'incroyance stérile et vaine qui se croient seules vérités, se croisent et se confrontent, si tout cela était une évolution nécessaire de nos modes de pensée et de nos croyances les plus profondes?<br />
Et si ce passage, qui semble inéluctable, par l'écroulement de nos ordres établis et de nos modes de vie, par la décrépitude de nos certitudes, était nécessaire pour que soit fait table rase des croyances du passé, dépassées, ineptes et inadaptées aux temps qui viennent? Et si tout cela était nécessaire pour remplacer nos fois, nos vérités et nos croyances par une conscience, une science renouvelée, libre elle aussi de ses dogmes, à la fois nourrissante, jubilatoire, inoffensive et belle? Et résister à la tentation, encore, de reconstruire, de fabriquer à nouveau des vérités tangibles, des vérités à croire coûte que coûte, des vérités qui fabriquent le réel au lieu de laisser la réalité nous raconter son histoire et nous émerveiller comme des enfants à l'heure du coucher?<br />
Et si le temps des vérités toutes faites était enfin révolu? Si le temps d'une conscience TOTALEMENT NOUVELLE était arrivé, un temps inconcevable tant il diffère de tout ce que nous avons connu, vécu jusqu'à présent? Une rupture telle dans l'histoire que se souvenir ne servirait à rien, qu'à nous égarer à nouveau? Comme si les religions elles-mêmes avaient rempli leur office, aussi bien, aussi mal que possible? Comme si l'expérience religieuse avait montré ses limites, tant le monde qui s'est bâti autour d'elle a abouti aux antipodes de ce qu'elle était sensée révéler?<br />
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Et si le temps des religions était enfin dépassé? Des religions qui auront passé leur temps, auront parsemé le temps qui nous a été donné de vivre, à nous faire déambuler entre vérités qui se détruisent les unes les autres, entre fanatismes de tous ordres, désintérêt ou désillusion, pratiques discrètes et néanmoins profondes ou questionnements salutaires? A y regarder de près, n'y aurait-il pas une différence finalement insignifiante entre nos prêtres, rabbins, pasteurs, popes, gourous de toutes sortes et les mages, les prêtres et les chamans des temps préhistoriques? Combien d'entre eux nous ont aidé à déconstruire le réel au lieu de le renforcer? Combien d'entre eux ont fait fi des pouvoirs que la fréquentation de l'invisible leur avait conférés pour ne les utiliser que de façon discrète et mesurée? Combien d'Hafiz et de François d'Assise? Combien d'entre eux ont participé à l'ouverture des consciences plutôt qu'à leur direction et leur mise sous tutelle forcée? Et pourquoi parlé-je au masculin? Combien de femmes ont, elles aussi, accédé à ces vérités qui nous mettaient sur la voie du vrai, que nous avons ignorées, pire pourchassées, condamnées et sacrifiées sur l'autel de croyances dominatrices et sommaires?<br />
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Comment démêler le réel du reste,comment se réveiller? Distinguer le réel intemporel, une réalité vraie qui soit indépendante de nos histoires sociales et culturelles, comment s'ouvrir, se laisser accéder, toucher, transformer par ce réel vrai, tellement discret qu'il semble un chuchotement au milieu des clameurs et des feux d'artifices? Comment se laisser guider au travers des méandres de ce qui nous a été transmis, comme une marche sans outil, sans repère et sans arme au travers d'une friche dense, restes inextricables d'une forêt plantée jadis et où il nous est demandé par quelque injonction intérieure, de reconnaître la nature, le terrain, la beauté et la simplicité de l'origine?<br />
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Comment réussir à s'interroger et à formuler des vérités nouvelles et anciennes tout à la fois, sans que l'intellect, cette forme farouchement rétrécie de l'esprit, sans que l'ego, cette forme nécessairement réduite de l'être, s'interposent et nous égarent? Comment retrouver l'unité au milieu de tant de diversité? Quel chemin nous est-il ouvert pour accéder à cette immense magnificence, ce débordement fou d'intention primordiale, cette réalité inconcevable, au delà de toute possibilité de mesure, première, diffuse et contenue dans le rien? Oh! Comment l'aborder sans pouvoir la nommer? Comment la concevoir sans lui donner de forme, ni rien de ce qui nous ressemble, rien de ce qui nous rassure? Juste ce qui nous anime au delà de nos pulsions, de nos rêves et de nos envies, de nos certitudes et de nos frontières?<br />
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Oh! Les religions, quelle responsabilité portent-elles à la fois dans l'égarement, les erreurs et les crimes des hommes, dans le façonnage parfois brutal de nos pensées et de nos actes, dans nos divisions mortelles, cette partition invraisemblable de l'unité que nous sommes, entre ce qui est bien, toléré, recommandé et ce qui ne l'est pas, entre ombre et lumière? Et dans le même temps, quel crédit devons-nous leur accorder pour ce qu'elles nous donné, ce baume continu sur nos plaies intérieures, pour ce qu'elles nous ont transmis comme ébauche de vérités sur nous-mêmes, pour cette réalité qu'elles nous ont donné à deviner, enfouie derrière le galimatias des dogmes, des rituels et de formalismes abscons?<br />
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Pourquoi est-il demandé aux êtres humains que nous essayons d'être, de faire la part, jour après jour, génération après génération, entre ce qui est réel et ce qui est illusion? Entre les rêves et ce qui les porte? Combien d'hommes et de femmes sont passés, ont écrit, parlé, proclamé, transmis ce qui leur avait été donné de percevoir, entr'apercevoir et le peu qu'ils et elles ont vu était si éblouissant qu'on y risquait de perdre jusqu'au sentiment de vivre? Et ce peu qu'ils avaient reçu était déjà tellement exaltant, impensable de puissance et d'amour inconcevables, tellement démesuré que ce qui nous en reste semble déformé, difforme presque, tant il est impossible à partager?<br />
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L'impuissance de l'esprit a quelque chose de pathétique. Je me fais l'impression d'un mécanicien qui tente de démonter un moteur, équipé d'un seul marteau. C'est impossible à faire à moins de tout casser. L'énigme reste donc entière, douloureuse presque et immense à l'intérieur de si peu. Le moteur garde son secret et il nous faut vivre avec, quotidiennement, avec patience, résolution.<br />
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Si seule l'expérience de vivre a un sens, l'interrogation est alors inutile, tout comme les certitudes. Il faut vivre, simplement. Jouir du vivant comme d'un cadeau qui nous serait donné et auquel on ne comprendrait rien. Un cadeau encombrant et qui prend beaucoup de place dans la pièce. Vivre l'expérience, vivre le voyage entre les vérités que nous nous sommes construites et les questions qui les dépassent, en font des certitudes fragiles. Accepter la relativité du monde, envisager la probabilité du vivant et la multiplicité des univers possibles. Accepter que l'esprit ne soit pas grand chose et que seule la conscience compte, comme un marionnettiste tire les ficelles mais sait que, d'un jour à l'autre, il sera remplacé par plus savant que lui, plus grand que lui, plus mystérieux que lui. Différent de tout ce qu'il aura pu connaître. Une tout autre histoire.<br />
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Ce qui serait extraordinaire dans l'histoire des hommes, notre histoire, serait que tout le monde ait raison. Tous autant que nous sommes: ceux et celles qui prétendent qu'il y a quelque chose à l'origine de tout, autant que ceux et celles qui prétendent qu'il n'y a rien. Tout est vrai et c'est sans doute ce qu'il y a de plus difficile à accepter.<br />
Comment nous, les voyageurs qui nous sommes mis en route il y a si longtemps, pourrions-nous aborder le rivage de ce qui "serait sans être" (le conditionnel prend ici un sens particulier et tout à fait délicieux), ce qui serait avant l'origine autant qu'après la fin (comment appréhender ce qui précède et succède à tout?). Ce qui vit dans tout ce qui est vivant autant que ce qui est inerte, ce qui crée au delà et en deçà de toutes nos inventions, serait-ce comme un soleil éblouissant mais invisible derrière des nuages aux dimensions infranchissables? Une lumière tamisée, continue, partout et sans ombre, une chaleur diffuse dont il est bon de s'approcher, de se laisser toucher? <br />
Une façon d'y aborder sans irrémédiablement faire naufrage nous est offerte par la science: par exemple, l'univers est en expansion, tout le monde l'admet. Mais combien d'entre nous se sont demandés dans quoi? Quelle serait le substrat dans lequel cette expansion prendrait place? Quelle serait la frontière? Au-delà du temps qui semble la limite vérifiable, il se pourrait que ce soit le rien: nous baignerions dans le rien. Au delà de l'univers, il n'y a rien, ni avant, ni après.<br />
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A la fois quelque chose et rien.<br />
Tout et rien, tant qu'à faire.<br />
Lumière et obscurité.<br />
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Le tout contenu dans le rien (et réciproquement), la lumière qui accepte l'obscurité comme négation absolue d'elle-même n'est-ce pas l'exemple ultime d'un absolu sans certitude, un être ayant intégré jusqu'à la possibilité de ne pas être? Une présence en même temps qu'une absence? Et une tension insupportable entre les deux?<br />
Quelque chose qui ressemblerait à l'amour?<br />
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Une possibilité silencieuse, un amour incommensurable entre l'être et le néant, au delà des espaces et du temps? Un amour inconditionnel et sans finalité. Serait-ce cela la source de tout ce qui nous est donné de vivre? Une interrogation pleine d'une joie profonde, sans inquiétude mais avec force, sans réponse aussi? Jusqu'à quel point sommes-nous capables de vivre un monde en question sans qu'il nous soit possible d'y apporter des réponses?<br />
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Tout ne serait finalement qu'un état potentiel, le seul état possible entre rien et quelque chose? La vie ne serait alors que ce qui est possible quand tout affirme que ce ne l'est pas? la création ne serait que cela? Une invraisemblable expérience du possible?<br />
Alors ce qu'on nomme le divin serait à son tour une invraisemblable expérience du conscient entre le tout et le rien?<br />
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Ah! la conscience! C'est le plus grand mystère de la création! Peut-être sa réalité ultime? A qui est-elle donnée et pour quoi en faire? Quelles consciences multiples habitent les pierres, les oiseaux, les arbres? J'ai vu un jour un arbre dont je savais sans l'ombre d'un doute qu'il était un roi, un sage. Folie peut-être?<br />
Quelles consciences multiples habitent-elles l'humain, et comment se croisent-elles? Est-il utile, nécessaire, prévu peut-être que cette infinité de niveaux de conscience que l'on constate autour de soi, dans le monde, soit le ferment indispensable de la création? Est-il possible que la multiplicité des états de conscience soit comme ce dont il nous est donné de témoigner au fin fond de l'espace: des ensembles dynamiques, harmonieux entre systèmes, galaxies et amas, des étoiles en naissance ou à la fin de leur histoire? Une gravité à laquelle nous ne pouvons échapper et qui tord jusqu'à notre perception de la lumière? Une conscience éclatée, à la recherche d'elle-même ou pleinement satisfaite d'être? Et tous ces niveaux de consciences évoluent-ils? Convergent-ils? Sont-ils comme attirés par un état ultime qui les attend? Il semblerait que oui, mais qui suis-je pour l'affirmer?<br />
Ou peut-être est-ce justement le contraire? Une conscience qui fuirait indéfiniment son unicité primordiale pour se contempler dans la multiplicité, sous toutes les facettes possibles? Au risque de s'y perdre?<br />
Ou peut-être rien entre ces deux extrêmes, une conscience immobile, éternellement pleine de tous ses possibles, entre rien et tout, dans laquelle nous nous agiterions sans cesse?<br />
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Alors? Alors? Ce choix que nous faisons entre mal et bien, ce choix que nous nous imposons entre certitude et interrogation, cette tension qui nous habite pour faire évoluer le monde, ce gymkhana insensé entre des visions multiformes, antagonistes, hostiles presque de ce que pourrait être le monde, cette quête épuisante d'une vérité, ferait-elle partie du jeu? Ne serions-nous finalement que des agents agités, des vecteurs involontaires de cette quête impensable de l'intention première vers la compréhension et la contemplation de soi?<br />
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Serait-ce cela être vivant? La possibilité, la nécessité peut-être de choisir, d'orienter sa version propre, dérisoire mais tellement essentielle du sentiment d'être entre ces deux réalités: faire le choix des certitudes, de la conviction de la réalité du monde, de ses règles, de ses lois, de ce qu'il est possible d'y être et d'y faire? Ou faire le choix de l'interrogation, de la question perpétuelle, le besoin de comprendre et d'expliquer. Ou encore toutes les combinaisons possibles entre ces deux réalités potentielles? Etre explorateur, artiste ou marchand? Philosophe, fou ou roi? Militaire, juriste ou révolutionnaire? Tortionnaire, docteur ou patient?<br />
Chacune et chacun de nous vivons sans doute notre propre réponse à ce besoin de synthèse, un équilibre unique entre deux réalités premières, un équilibre qu'il nous est possible de faire évoluer, demandé peut-être? La vie, cette expérience que nous faisons dans ce que nous appelons la succession de jours et de nuits, serait-elle ce voyage entre certitude et interrogation? Un voyage qui ne nous mènerait nulle part, à rien, dans toute l'immensité et l'absurde impossibilité du rien, mais dont toute la valeur naîtrait dans la réalité du voyage?<br />
Le sentiment d'expérience. Etre ne serait-finalement que l'expérience, ce déplacement d'une réalité vers une autre, un état, un degré de conscience vers un autre?<br />
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Cette existence délicate et infime entre certitude et interrogation serait-elle la nature profonde de ce qui nous anime de tout temps? La trace de l'origine et de la fin en nous? Serait-ce là le chemin invisible et ténu, la trace sur le sable et la neige, la trace ultime si j'ose dire, au tréfonds de l'absolu sentiment d'être et du doute tout aussi absolu d'être?<br />
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La nature de cette puissance créatrice et incommensurable serait-elle emplie de cette double réalité, consubtantielle à la création même? Aimer et s'interroger sur l'amour, être et interroger l'être, créer et interroger sa création? Projeter et questionner la finalité?<br />
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Un point d'interrogation gigantesque.<br />
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Si c'était cela le vivant, ce serait insupportable. Proche de la supercherie. Remplacer un dieu exigeant et vengeur par une déité au narcissisme monomaniaque? Non merci.<br />
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Il doit y avoir autre chose derrière tout cela. Chercher, explorer encore! Se laisser toucher, si possible, par une vérité plus grande encore, plus essentielle à tout cela. Se laisser donner une clé pour ouvrir ce qui serait une autre porte, une autre frontière au tréfonds de ce que nous sommes, au delà de toute apparence et de toute forme pensée.<br />
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Je pressens que c'est autour de l'amour que tout se joue, je sens qu'il y a dans cette force irrépressible, dans cette tension sublime, la réponse à toutes ces interrogations. Je pressens que cette réponse est tellement immense, tellement invraisemblable qu'il n'est pas donné à l'esprit de la formaliser et de la concevoir. L'amour est une dimension ultime à laquelle on ne peut accéder que par son parfum, un souvenir, une évocation, une forme amoindrie, suffisamment dégradée pour la ressentir, la connaître sans nous mettre en danger. L'amour serait ce niveau, cette énergie surhumaine dont nous ignorons tout et certainement l'essentiel, dont nous ne comprenons pas grand chose en dehors de ce qu'il nous est donné d'éprouver et de renouveler sans cesse. Avec délice. La puissance incommensurable de l'amour est ce qu'il nous est donné de parcourir, découvrir dans toutes les dimensions de la création, celles qui nous sont accessibles et toutes les autres. L'amour ne passe pas par l'esprit. Ses voies sont autres, c'est lui qui nous guide vers le Merveilleux.<br />
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Alors le chemin s'éclaire, passant de l'obscur et du monde en questions sans fin, au Merveilleux, la félicité sans frein. C'est l'amour qui nous donne la vraie dimension des choses.<br />
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Ah! S'il était possible de remplacer nos certitudes et nos questions sans réponse, s'il était possible de dépasser nos interrogations continues, s'il était possible d'expérimenter l'amour au lieu de nous complaire dans l'objet, alors nous ouvririons la porte à la possibilité du Merveilleux. Nous serions tous des voyageurs, nous fabriquerions un monde d'exploration et d'émerveillement, un monde d'enfants insatiables et reconnaissants, au lieu qu'il ne soit que le théâtre borné de nos vérités, de nos chimères et de nos insuffisances.<br />
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S'il était possible de remplacer notre perception des autres comme autant de menaces pesant sur ce que nous croyons être par des opportunités bienvenues, nous vivrions un monde tout autre, un monde en mouvement et redimensionnement perpétuels, un monde sans certitude, un monde où seul l'instant serait une vérité magnifique qu'il serait possible, nécessaire, indispensable de partager pour en jouir davantage. Peut-être le monde serait-il alors un miracle renouvelé si fréquemment, si rapidement, qu'il serait impossible de se souvenir, de garder en mémoire un seul moment qui nous serait apparu si beau, tant d'autres lui auraient succédé, tant d'autres se seraient superposés, plus beaux encore.<br />
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Et son règne n'aura pas de fin.<br />
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Cette perception nouvelle du monde à la fois éphémère et sublime, est si forte, si puissante, qu'elle semble ne pouvoir être que fugace, tant l'esprit peine à se l'approprier. Tant l'esprit redoute de s'y perdre.Tout ce qui est tangible s'y dissout comme un rêve qui s'efface et dont on peine à se souvenir.<br />
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Seule la conscience reste.<br />
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Un monde de conscience émerveillée où la matière se rétreint, s'amenuise, comme paillettes autour d'un regard. Un monde illuminé d'amour, parce que les poètes ont raison qui le chantent sans cesse et sous toutes ses formes: au bout du décompte de nos jours et de nos nuits, de nos heurs et de nos malheurs, au bout du compte de nos vies, c'est de lui qu'il s'agit. C'est lui qu'il nous est donné de découvrir, et par lui qu'il nous est demandé de nous laisser guider.<br />
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C'est lui qui nous conte l'immensité qui se déploie dans ces espaces qui n'en sont pas.<br />
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C'est l'amour que je suis.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-85610314622101880272015-12-12T04:06:00.002-08:002015-12-12T09:51:40.517-08:00VotesJe vous ai vus voter dimanche. Je vous ai vus prendre un bulletin unique, sans à peine une once d'hésitation, sur la table où tant de professions de foi, de programmes, se disputaient l'espérance. Je vous ai vus rejoindre directement la queue devant l'urne,sans même passer par l'isoloir, ce lieu dérisoire où chacune, chacun est face à son enveloppe pour une dernière hésitation peut-être. Déjà par ce simple geste, vous criiez votre mépris du jeu démocratique, ce jeu fait de discrétion, d'interrogations et de questions ultimes. Je vous ai vus nous regarder de ce regard chargé, ce regard de défi, ce regard qui disait si clairement "je vous emmerde". Réalisez-vous que, déjà, là dans ce bureau de vote, vous preniez les autres pour des ennemis? Réalisez-vous combien des convictions si abruptes peuvent faire violence à des gens qui s'interrogent et qui cherchent, qui veulent faire évoluer les choses et le monde, mais sans brutalité, en respectant ceux et celles qui ne pensent pas comme eux?<br />
Les convictions ne suffisent pas seules à construire une nation. Elles sont l'élan, les briques de l'édifice, mais ce qui fait que tout cela tient et résiste au temps et aux événements de l'histoire, ce qui en est le mortier, c'est le doute. Ce qui fait la force d'une nation, ce n'est pas tant ses briques que la résilience du ciment qui les lie, autour duquel elle s'est construite. C'est par le lien qu'on fait le monde et non par la force de ce que l'on croit être. C'est par le doute que l'on peut rencontrer l'autre. C'est par le doute que s'ouvre en nous la possibilité d'accepter l'autre, d'accueillir l'autre dans sa vérité et ses propres doutes aussi.<br />
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Vous savez , bien sûr vous ne pouvez l'ignorer, que le programme pour lequel vous votez ne construit pas grand-chose, combien il manque de futur tant il exprime de rejet, combien il manque de cette solidité forgée dans l'exercice des responsabilités, combien il fait fi de ces contraintes et de ces réalités. Il n'est pas là pour cela. Il n'est pas fait pour construire. Il est d'abord là pour tout arrêter. Tout stopper dans un immense coup de frein, debout sur la pédale en dérapage plus ou moins contrôlé. Ce que vous voulez, c'est débarquer les pilotes et changer les systèmes, comme des passagers d'une voiture dont ils ne peuvent descendre, engagée sur des voies trop chaotiques et compliquées. Vous ne leur reconnaissez plus le droit de conduire ce véhicule dans lequel nous sommes tous embarqués. La révolte à bord du Titanic en quelque sorte, toutes classes confondues, avant que l'iceberg ne frappe. Peut-être.<br />
Votre programme est là, vous vous êtes déplacés pour le dire, pour exprimer combien vous en avez assez. Assez de la vie que vous menez, des gens qui vous dirigent et de ceux que vous croisez et qui vous encombrent. Et de l'évolution des choses. De ces changements qui s'imposent, vous criez que vous en voulez d'autres ou aucun, A votre tour, vous voulez imposer un temps autre, une sorte de futur antérieur, où le futur ressemblerait au passé.<br />
En quelque sorte, votre vote est fondamentalement révolutionnaire, dans la droite ligne, si j'ose dire, de cette période si sombre de notre histoire, je parle de 1793 et non de 89, de la Terreur et ses comités de salut public, ses sévérités nécessaires et sa "Loi des Suspects". Quand, dans une logique implacable et ultime, la violence désenchaînée prit les choses en main. Quand tout fut mis par terre, annihilé, broyé dans une détermination atroce, bien plus que de se préoccuper de par quoi le remplacer.<br />
Votre vote est un vote de fin du monde, une fin du monde tel que nous le connaissons et qui, je regrette de devoir le dire, ne nous mène nulle part. Vous ne vous en souciez guère parce qu'à la vérité ce qui se passe après vous importe assez peu. C'est un vote où l'on s'avance avec une résolution non dénuée de l'ivresse due au nombre, vers l'obscurité, tant ce que la lumière du jour nous donne à contempler est devenu insupportable. Un vote de jour sombre comme un orage où c'est la colère qui gronde et frappe là où elle le peut, comme une trombe gigantesque qui arrache et dévaste ce que d'autres ont planté, perdre le grain parce qu'on refuse l'ivraie. Et, le déluge une fois passé, combien de temps après? laisse les survivants hagards, stupéfaits, sonnés de ces jours terribles qu'ils ont dû traverser.<br />
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Bien sûr, il est facile de voir que le monde ne va pas bien, il est facile de contempler partout des déserts immenses de pauvreté aride, si vastes que s'y perdent ces menus oasis de richesse plantureuse et grasse, si bien défendus contre les vents qui les bordent. Bien sûr, il est facile de croire que notre pays ne va pas bien, tant la vie que tant d'entre nous mènent est difficile, sans autre avenir qu'une répétition glauque de jours sempiternellement gris. Bien sûr, les jeunes autour de nous sont à la peine, à la recherche d'un travail qui leur échappe quand il leur était promis. Bien sûr la misère gagne, oppression des cœurs et désespoir des âmes. Bien sûr, l'Europe, ce grand espoir d'une génération entière, a failli, noyé dans ses systèmes et ses contradictions, oublieux des espérances que nous avions placées en lui. Bien sûr, cette immense communauté de femmes, d'hommes, de pays, dirigée par quelques-uns, ne répond que faiblement aux attentes et questions que nous voulions résoudre. Mais encore une fois, cette expérience unique au monde, cette expérience si difficile, si longue, de construire quelque chose à partir d'autant d'intérêts divergents, cette tentative magnifique mérite d'être menée à bien pour que le futur de nos enfants ne soit pas notre passé.<br />
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Tous, nous savons cela, nous vivons ces difficultés, ces efforts, ces douleurs même, cette peine qui réveille la nuit tant et tant des nôtres et qu'ils retrouvent au soir, cette pression d'un monde où ce qui manque le plus est la place de l'humain.<br />
Mais nous cherchons, nous cherchons tous autant que nous sommes et c'est cela, avant tout, qui fait la beauté et la force d'une nation, une beauté et une force qui, bien sûr si l'on y regarde un peu, s'affranchissent des frontières. C'est ensemble que nous cherchons et certainement pas contre les autres. Ensemble, nous nous essayons à fabriquer une pensée commune, nouvelle, différente de convictions aux poings serrés, différente de ces pensées barbelées, hérissées de frontières, qui nous font voir l'enfer chez les autres quand c'est en soi, en chacun de nous, qu'il naît et qu'il faut l'aller chercher. Je dis bien "essayer" car ce qui fait la beauté du processus qu'on dit démocratique est sa fragilité: cette accumulation de tentatives pour construire un compromis mouvant, changeant, mobile, fondé sur quelques vérités peut-être et qui deviendra, si tout va bien, une civilisation.<br />
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Certes, il est plus difficile au milieu de tant de hideurs, de discerner des raisons d'espérer. Et pourtant, elles sont là, dissimulées sous les ronces et les broussailles, trésors qu'il suffit d'un geste de la main pour être dévoilés: des moments de partage, de joies communes et de solidarité, des moments où brille ce mot fraternité que l'on ne distingue plus qu'à peine au fronton de nos mairies délavées, tant il est passé, usé par le temps qui, lui aussi, a passé. Des moments fraternité où ce mot éclate au grand jour comme une réalité nouvelle, une réalité qu'on ignorait mais qui continuait à vivre, vaille que vaille et que l'on redécouvre avec la joie de ceux qui se voient offrir un présent convenablement choisi.<br />
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Je ne vous reproche pas le vote que vous criez. Je ne vous reproche pas la colère et la détresse qui se glissent dans l'enveloppe avec votre papier. Elles ont leurs causes, elles ont leurs raisons et je partage à la fois les questions qu'elles posent et l'urgence des réponses qu'elles appellent. Mais je doute que ces causes et ces raisons se satisfassent de l'absence de futur que votre vote promet. Votez pour qui vous voulez, mais faites-le sans haine, faites-le sans défi. Simplement, faites-le pour apporter une infime conviction au milieu de tant d'autres. Faites-le en vous préoccupant des autres avant de vous intéresser à soi. Et si, encore mieux, vous le faites pour poser une question, alors, nous pourrons construire ensemble ces réponses que l'on cherche. Alors nous formerons cette communauté humaine qu'on appelle un pays, un pays fier de ce qu'il est et heureux avec les autres, qui contribue à sa façon à l'évolution et à la paix du monde.<br />
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Alors? Alors il faut mettre fin à ce "seul contre les autres" qui vous nourrit et que l'on vous impose. Il faut mettre fin à la ségrégation des pensées. Il faut mettre fin au bruit si nous voulons nous entendre enfin. Soyez les bienvenus, rejoignez-nous avec la couleur que vous voulez porter, rejoignez-nous dans ce grand élan démocratique où toutes les pensées, les réflexions, les convictions même sont bienvenues. Bienvenues, oui, dès lors qu'elles acceptent de se mêler à d'autres pour construire ensemble une réalité qui nous dépasse et qui donc nécessairement sera différente, plus complexe et infiniment plus vaste que ce à quoi chacun de nous croyons. C'est ainsi, sans limite ni préjugé, que nous pourrons construire ensemble cette nation humaine qui nous attend. Serons-nous capable d'atteindre ce sommet en évitant les précipices où nous poussent les lourdeurs impitoyables des bardas que l'on porte? Quoique nous fassions, c'est là que nous allons. Il ne tient qu'à nous de faire que le voyage soit difficile ou plaisant.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-3824615213387748162015-11-08T03:35:00.004-08:002015-12-12T09:04:31.376-08:00Salon du livreUn salon du livre est une expérience que tout auteur se doit de connaître et, si possible, pratiquer, paraît-il. Je m'y suis donc essayé, oh, de façon modeste et mesurée: un petit salon de lecture, comme une petite pièce intime dans une grande maison, un salon local dont c'était la première édition.<br />
L'expérience n'en fut pas moins instructive, plaisante et riche d'enseignements.<br />
A dire vrai, il ne s'y passe pas grand-chose, du moins en apparence: on attend beaucoup et il faut une certaine capacité de silence et de tranquillité pour y jouir de l'instant. Et pourtant, là comme partout, des trésors sont cachés et des rencontres se nichent.<br />
D'abord les gens passent, plus ou moins curieux et rapides, presque comme s'ils étaient dans la rue. Une sensation fugitive m'a traversé: celle d'être dans un zoo derrière des barreaux. Je l'ai laissé filer et me suis réfugié dans mes nombreuses expériences de vide-greniers où les vieilleries s'accumulent entre les passants et soi et c'est toujours une surprise de voir qui s'arrête devant quoi. Dans ce salon, combien de livres vivants, pleins de ceux et celles qui les ont écrits parmi combien de vieilleries?<br />
En fait, ce qui me surprend dans les chalands, ce sont ceux qui déambulent sans s'arrêter. pourquoi sont-ils venus si ce n'est pour tenter la rencontre avec un livre ou deux, sans parler d'un échange avec leurs auteurs? A ce petit jeu, les femmes démontrent une approche nettement plus affûtée que celle des hommes: Est-ce une attitude mentale qui leur est propre ou, plus prosaïquement, l'habitude du shopping? Elles ont une attention ouverte et curieuse, la capacité de s'arrêter, explorer, prêtes à la rencontre. On les sent disponibles sans a priori, sans concession aussi, on devine que quelque chose est possible avec laquelle il ne faut pas interférer ou, du moins, au bon moment. Elles chinent tranquilles, ouvertes à ce qui pourrait se présenter, même s'il ne faut pas trop leur en conter. Je ne sais si elles sont plus détendues ou expertes à cette pratique, mais elles sont manifestement plus à l'aise que leurs homologues masculins. Les hommes quant à eux, ont un parcours plus direct et étroit, souvent là pour être avec leur compagne, comme il se doit. Bien rares ceux qui osent le regard, se laissent aller à feuilleter. Encore plus rares ceux qui croisent le regard avec l'intention d'un échange. Quelques uns s'y prêtent, il est vrai, mais la conversation devient vite technique: comment vous y prenez-vous, quel temps par jour y consacrez vous?<br />
Dieu! Que nous sommes passionnants dans nos interrogations et nos façons de nous croiser!<br />
En toute transparence, je dois dire que je m'y reconnais, ayant vécu cette expérience en perspective inverse lors d'une visite d'un salon du livre en Bretagne, cet été. Je m'arrêtais aux livres mais n'ai échangé avec aucun auteur. Je redoutais le boniment et surtout, je voulais découvrir l'auteur au travers de ce qu'il écrivait plutôt que par ses dires: Pour moi, la marque de l'écrivain, cela saute aux yeux, si j'ose dire, quand ce qui est écrit est plus vaste, plus grand, largement plus puissant que l'esprit, ou pire les névroses, de celui ou celle qui tient la plume. Donc, quand je lis, quand je feuillette, j'attends le choc, j'espère être touché par quelque chose qui me bouscule et me laisse pantois si possible. J'attends un morceau d'immensité sous une forme ou une autre. Alors, si celui ou celle par qui cela est venu est présent(e), l'échange vient tout seul, même si ce n'est qu'un regard, une reconnaissance et un remerciement muets ou brefs.<br />
En l’occurrence, dans mon petit salon, la vie m'a bien servi!<br />
A mon arrivée, parmi les premiers, j'avais fait le tour des lieux pour m'en imprégner, en comprendre la géographie autant que l'énergie. Bien entendu, j'avais repéré où l'on m'avait placé et, bien entendu encore, n'avais pas été entièrement satisfait de l'endroit: ma table était située au milieu d'une allée où tout le monde allait passer sans jamais s'arrêter. J'avais identifié une autre table dans un angle avec beaucoup d'espace autour. Je m'étais alors imaginé que la foule, forcément nombreuse, pourrait y être à l'aise et je m'étais interrogé sur l'opportunité de changer de localisation tant qu'il était encore temps. Mon deuxième mouvement, celui que j'écoute toujours en l’occurrence, fut de faire confiance, de laisser la vie faire et de mettre en sourdine le sempiternel besoin de contrôle. Je me suis donc installé là où l'on m'avait placé et suis parti à la découverte de mes collègues auteurs autant que de leurs œuvres.<br />
A parler franchement, il y a de tout dans ce genre d'événement. Beaucoup de retraités qui écrivent comme ils ont vécu, c'est à dire de façon prévisible, méthodique et organisée, des professionnels qui déballent tout un merchandising impressionnant pour attirer le chaland, des modestes et des impérieux, des hésitants, sans oublier, là au fond, un auteur de polars,immensément barbu et légèrement bougon. Plusieurs fois dans l'après-midi, je le verrai fourrager dans sa barbe, un peu perplexe et désœuvré.<br />
Pour ma part, j'étais entouré par deux femmes, chacune exprimant dans ses livres une féminité différente, à la fois conquérante et interrogative, puissante et magnifique. J'ai pu, avec tout ce temps libre qui m'était donné, découvrir leurs bouquins et ils m'ont comblé. A ma droite, Lisa, mère d'un enfant handicapé, témoignait de ses espérances, de ses quotidiens multiples, de ses luttes, de ses peurs et de ses joies. Elle exprimait un amour maternel immense, d'une puissance à renverser des montagnes. Elle accueillait la douleur, partageait ses doutes, témoignait du chemin et son livre, qui se lisait comme un roman, se finissait bien. Son fils, maintenant un adulte dans la fleur de l'âge, est d'ailleurs venu la visiter par surprise, en fauteuil roulant, en glorieuse apothéose du livre qu'elle lui avait dédié. Ce livre, indiscutablement, était puissant, grand et donnait envie de la rencontrer, de lui parler, ce dont je ne me suis pas privé et nous avons passé quelques moments d'une belle humanité.<br />
A ma gauche, Elsa, cheveux blancs coupés courts, était une tout autre femme. Sa poésie explosait d'une sensualité presque brutale, mise à nue. elle utilisait les mots et les images avec prudence, vivacité et justesse, qui forçaient le respect. Son livre disait son corps, ses attentes, ses regrets et la douceur des émois qui l'habitait. Tout en pudeur et transparences. Ce petit bout de femme, plutôt menue, disait sa vérité qui était immense, parce qu'elle était bien dite et avec sincérité. Une vérité qui nous habite tous. Cette féminité-là est vibrante, touchante, tout autant: quand la femme se dévoile, se dit et partage, il faut écouter et veiller à ce que ce soit du bon endroit. Je l'ai remerciée pour ce qu'elle avait osé dire. Nous avons peu parlé mais beaucoup s'était dit.<br />
Donc, du côté des auteurs, l'expérience fut belle. Du côté lecteurs, elle fut plus contrastée, mais également réussie.<br />
Entendons-nous bien. Je n'étais pas là pour vendre, à la différence de quelques-uns de mes confrères, déjà cités, qui se transformaient en bonimenteurs de marché. L'un d'entre eux est même venu me dire, alors que je venais de conclure une conversation intéressante avec une visiteuse par la vente d'un bouquin, que j'avais réussi, moi, à lui fourguer quelque chose. Sans commentaire, il serait par trop désobligeant! L'avidité est, à mon sens, la plus sûre antidote au plaisir.<br />
Des salons où l'on est présent pour vendre, j'en ai faits, plus que de nécessaire, dans une vie ancienne et déjà presque oubliée. Cette fois, j'étais là pour écouter, pour goûter.<br />
J'étais là pour permettre la rencontre entre mes bouquins et les gens auxquels ils peuvent s'adresser, un peu comme un père va au square pour que ses enfants se fassent des copains et taper la causette avec leurs parents. Rendre possible la rencontre. La rencontre avec des gens qui s'interrogent, aiment l'aventure, l'histoire, la chose écrite, pour ce qu'elle est: quelque chose qui vous emporte, loin et le plus longtemps possible et vous fait revenir plus riche que vous n'étiez parti(e).<br />
Et, de fait, j'ai fait des rencontres, avec quelques-uns ou plutôt quelques-unes. Des lectrices touchées par le son de l'Emerveil, qui aiment la peinture et la musique et sont disposées à s'arrêter un temps pour en profiter autant que possible. Des lectrices éventuelles qui s'interrogent sur les choix qui s'offrent à nous dans l'instant et sont prêtes à l'aventure de l'Intérieur du Temps.<br />
Je garde le souvenir du mari de l'une d'entre elles, au regard à la fois indulgent, détaché, quelque peu inintéressé, attendant que cela se termine et espérant que ce ne soit pas trop cher.<br />
Je garde le souvenir de l'enfant qui collectionne les marque-pages. Et de la petite fille qui court et se cache sous les tables.<br />
je garde le souvenir de ce monsieur légion-d'honoré arpentant les allées, mains dans le dos, sans jamais s'arrêter.<br />
je garde le souvenir du joli dos, largement décolleté, d'une illustratrice dans sa robe à paillettes.<br />
Et les familles qui arrivent après le café, restent peu et repartent pour le goûter.<br />
Et le souvenir de ma conférence "rencontre avec l'auteur" en fin d'après-midi, où je me suis retrouvé en compagnie de chaises, dans une salle vide et froide.<br />
Je garde aussi le souvenir de tous ces gens qui s'emparent d'un bouquin, vont directement à la dernière de couverture et lisent, lisent les quelques lignes pendant un temps qui n'en finit pas, comme en arrêt sur image, à me demander ce qui se passe dans leur tête. Pourquoi donc cela prend-il si longtemps? Un mot les a-t-il arrêtés, une phrase? Sont-ils partis en rêverie qu'il ne faut pas interrompre ou en interrogation à laquelle ils attendent qu'on réponde? Se demandent-ils simplement comment en finir?<br />
Une rencontre entre un livre et son lecteur, c'est un peu comme démarrer un feu avec très peu de papier. il ne faut surtout pas déranger la petite flamme bleue et vacillante, ne rien bouger tant qu'elle est là, pour que le feu trouve son chemin et sa place. Combien de petits feux ai-je vu s'allumer et s'éteindre dans ce petit salon d'automne? Pas tant que cela mais suffisamment pour que l'expérience mérite d'être renouvelée. Même si je sais qu'elle sera à chaque fois différente.<br />
Un salon du livre, ce n'est pas une fin en soi, c'est un moment, un commencement, de la matière surtout, pour écrire un bouquin sur nous, sur qui nous sommes, les rencontres que nous faisons, celles qui réussissent et celles que nous ratons.<br />
<br />juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com1tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-65263752710888172052015-09-12T08:19:00.000-07:002015-09-13T06:51:45.516-07:00Quia absurdumQuand la stupéfaction confine à la désespérance.<br />
En ces temps de rentrée scolaire, au milieu des pubs et des conseils pour bien dépenser le budget, consommer intelligemment comme ils disent (lire cela et ne pas en pleurer est déjà un exploit), en ces temps d'occasion rêvée pour un tel sujet, avez-vous lu ou entendu parler du mal être des enseignants? Moi pas. Un journal, magazine, antenne radio ou chaîne de télévision a-t-il ou elle pris le risque d'aborder ce sujet, tellement ennuyeux, tellement éculé qu'il en a quitté les marronniers, ces sujets d'actualité soit disant qu'on nous ressort chaque année? Et parler de mal-être est un mot si faible qu'il faudrait l'oublier. Détresse ne vaut pas mieux. Ce qui colle à la réalité, ce qu'elle crie et que personne n'entend ou presque est la souffrance, la vraie. Celle qui colle aux tripes, celle qui défigure, mine le corps et l'esprit, celle qui empêche de dormir et rend fou si on ne peut s'en sortir. La souffrance des profs, celle qu'on devrait hurler et que l'on tait (d'autres professions souffrent aussi, ce sera le thème d'un autre billet).<br />
Dire que notre école est malade est idiot. Un truisme d'une banalité consternante. Rien que cela d'ailleurs devrait nous alerter. Depuis combien de temps, cette banalité? Depuis combien de temps cette impuissance? Depuis combien de temps, enseignants et enseignés entrent dans leurs classes comme le taureau dans l'arène? Mais que faisons-nous, comment traitons-nous cette maladie chronique et mortelle? Nos (bien) chers laboratoires pharmaceutiques nous mobilisent à grands frais sur les maladies orphelines, rares ou compliquées. Peut-être, sûrement avec raison: rien de pire qu'une maladie oubliée. Mais celle-là dont des milliers d'entre nous souffrent en silence sans parler de la contagion durable à laquelle sont exposés nos enfants, cette souffrance quotidienne, mal soignée, qu'en faisons-nous?<br />
Vous voulez des symptômes? En voilà quelques-uns: des ZIL (professeurs itinérants, chargés de remplacer des collègues absents) qui, une semaine après la rentrée, font face à des maternelles dont tous les titulaires sont...en congés maladie. Tant le désordre est grand, tant la pression insurmontable, une semaine seulement après être rentrés. Pas de listes ou à peine, un appel inutile puisque des enfants de deux ans ne connaissent pas leur prénom ou à peine (quant à leur nom de famille?). Des enfants si agités, hurlant, se débattant, donnant coup sur coup à qui veut bien les prendre. Des enfants qui ont perdu la capacité de s'asseoir dans le calme pour écouter une histoire. Dès la première minute passée, ils sont déjà ailleurs. Des enfants de deux ans dont on ne sait que faire, à commencer par leurs parents. Des classes de quarante quand on en avait promis vingt, mais comme ils dorment l'après-midi ces chérubins, ils comptent pour moitié. Ce raisonnement d'asile ne vous fait-il pas bondir, hurler d'invraisemblance? Et cette jungle corrosive s'étend bien au-delà du primaire: le secondaire est atteint, bien évidemment et là, les choses prennent une autre tournure: l'agression continue, verbale avant d'être physique, le mépris, le dédain, l'insulte. Le désordre calculé pour être le plus blessant possible.<br />
Faites tomber les murs, ouvrez ces écoles délétères, mettez tout ce monde au grand air, montrez au grand-jour ce qu'un nombre invraisemblable d'enseignants supporte quotidiennement. Vous serez alors témoins de ce qu'est devenue en quelques dizaines d'années, cette institution cardinale de notre société, ce qu'est devenue l'école.<br />
Et ce mal qui ronge notre société ne se cantonne pas à ce qu'on appelle les quartiers: il gagne, il gangrène y compris les couches les plus aisées.<br />
Voilà une face de la réalité. L'autre est pire encore. Face à ce désordre, notre république secrète ce qu'elle a de pire: l'injonction paradoxale. Les directives, méthodes et progressions s'accumulent, s'étalent, comme si tout était normal, comme si l'ordre républicain régnait tutélaire, logique et serein. Une logique froide, calculée et absurde, des consignes, obligations, circulaires qui, dans un monde normal seraient déjà difficiles à suivre, tant elles se contredisent, tant elles se suivent en permanence, mais qui dans une ambiance de combat urbain sont d'une absurdité telle qu'on en pleurerait de rire.<br />
Notre école est malade parce que ses médecins sont fous. Fous à lier. Ils se succèdent autour de ce grand corps malade, lui assènent potions et saignées, régimes qui se croisent et se contredisent, eux qui se croient sages. Ce sont eux les aliénés, tous ces doctes fonctionnaires coupés des réalités, refusant de voir ce qu'endurent leurs collègues: ceux et celles qui se terrent dans les rectorats, les académies, les ministères, confis dans leur autorité et leurs statuts burlesques, ne sachant que proférer l'injonction, le devoir, la norme. Des raisonnements logiques soit disant, pédagogies millimétriques, conçus dans les antichambres, soigneusement appliqués par les académies... Un exemple? L'égalité pour tous devant le droit au savoir qui mêle des enfants autistes hurlant toutes les cinq minutes au milieu d'autres qui, du coup, cherchent la sortie. Un climat impossible pour apprendre, donc personne n'apprend et tout le monde fait semblant.<br />
Tout le monde. En particulier ces milliers de gens qui s'activent, s'emploient serait plus juste, à pondre des directives comme volaille en batterie. Imposer le carcan, fermer la camisole. On se croirait aux mauvais temps de nos voisins soviétiques. La bureaucratie inaccessible (allez chercher un responsable au milieu de tous ces bureaux), pointilleuse, c'est le cas de le dire, totalitaire et aveugle qui fait du déni et de l'idéologie sa seule vérité: "moi pas voir, moi pas vouloir savoir, faites ce qu'on vous dit."<br />
Entre le comburant du terrain et le combustible bureaucratique, au beau milieu de cette réalité explosive, le prof qui fait ce qu'il ou elle peut pour que les apparences soient sauves. Se couche à point d'heure pour préparer tant bien que mal ce qu'il fera de la semaine, ce qu'elle pourra imaginer pour contourner l'absurde et permettre à un peu de lumière, un peu de passion, un peu de raison de passer.<br />
Tout cela pour dire quoi? Dire que nous mourrons de nos systèmes. Qu'ils nous écrasent et nous broient, tellement, tellement loin de l'humain et de ce qui fait que vivre vaut la peine. Et le plus absurde, le plus mortel de tous est celui de notre éducation, dite nationale.<br />
Mettre les enfants à l'école à deux ans est une absurdité criminelle. L'idée folle qui créera une génération perdue. Une de plus. A cet âge, c'est sa mère dont l'enfant a besoin. C'est de calme et de sécurité. Mettre les enfants à l'école à deux ans répond à une logique économique et idéologique. Encore deux ans à gratter et on les mettra à l'école à la sortie de la maternité. Et là, le cycle sera complet. La déshumanisation achevée, pour la gloire du système. Notre pays crève de sa passion maladive et idéologique pour le système, la norme. Un économiste, mal vu et mal compris, a dit que la France était une URSS qui avait réussi. Il s'est trompé, malheureusement. Elle a lamentablement échoué, tout comme l'autre. Allez dans les classes et vous verrez. Ces enfants qui ne savent plus apprendre, ces profs qui ne peuvent plus enseigner, pendant que le système, fou, dévorant et satisfait continue de dérouler ses règles et ses obligations, comme si de rien n'était.<br />
La question n'est pas comment en est-on arrivé là. Nous avons la réponse à cette question: à force de compromis, à force d'idéologies de quelque bord qu'elles soient, à force de refuser de voir ce dont l'humain a besoin. L'idéologie libérale et l'omniprésence des règles du marché nous ont fait plier et mis à terre, la bureaucratie réglementaire et boursouflée finit de nous enterrer. Vivants. La grenouille n'a plus la force de sauter, qui demeure dans la marmite en fin d'ébullition.<br />
la question est comment démonter tout ça: fermer les rectorats, les ministères, mettre ces gens au boulot, au vrai, celui qui fabrique autre chose que du règlement sur papier. Laisser les profs vivre et faire, les aider vraiment dans leur tâche, leur faire confiance dans ce qu'ils aiment faire de mieux: transmettre la passion d'apprendre et la joie de savoir. Un exemple de ce que ce pourrait être? Les inspecteurs, toujours eux, devraient se mettre au service des enseignants au lieu d'être à celui de la directive et de la norme. Demander "comment puis-je vous aider, de quoi avez-vous besoin, que pouvons-nous faire?", aider au lieu d'évaluer, noter et de se taire.<br />
Aujourd'hui, jour de rentrée, est un jour funéraire, un jour de deuil où je vois, un peu plus encore, s'éloigner le rêve d'un monde vraiment humain, comme un navire au loin, près de l'horizon, un bateau qui s'en va et qu'on aurait manqué.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-47767318936961577062015-09-09T01:32:00.003-07:002015-09-09T08:07:45.489-07:00Book bluesMon troisième bouquin est terminé.<br />
Différent des autres, comme l'on dirait d'enfants comptés sur les doigts d'une main. Est-ce à dire que j'en écrirais cinq? Comme pour mes enfants, je les avais imaginés plus nombreux.<br />
A nouveau, les sensations se mêlent comme des parfums que l'on voudrait séparer pour en goûter davantage. Triste que ce soit terminé comme à la fin d'un tournage, satisfait que ce soit achevé, joyeux, inquiet, dans l'expectative, je ne sais. Un peu de tout cela. Une grande perplexité en tout cas.<br />
Le book blues en quelque sorte.<br />
A chaque fois, si j'ose dire pour un si petit nombre d'ouvrages, c'est la même chose: il y a d'abord un temps de joie profonde, comme pour un nouveau né, très exactement: une sorte d'exaltation, une succession de minutes d'une intensité ravageuse dont on sort heureux mais fatigué, on voudrait ne pas le quitter du regard et revivre sans cesse le moment où il est arrivé. C'est pareil quand on est amoureux. Un truc aimanté auquel on revient sans cesse, on le relit et on s'interroge: quelle sera ta vie? Quel chemin vas-tu suivre et quelles rencontres feras-tu et me feras-tu faire? A ce moment-là, la joie domine, assurément. L'épuisement guette aussi.<br />
Puis s'en suit un temps de silence et de paix, où le livre semble chercher sa place indépendamment de moi. Ce n'est pas que le doute grandisse, non pas vraiment. Pas encore, allais-je dire: il semble que, lorsque j'écris, ce soit avec une sorte de tranquillité, de détachement ou de fatalisme, à la grâce des dieux, s'ils veulent bien s'en occuper un peu. J'écris pour le bouquin parce qu'il veut venir, parce qu'il pousse comme une herbe entre deux dalles, comme quelque chose de possible et de déterminé mais pas totalement à sa place. Comme s'il fallait la faire, cette place. S'imposer. Quand j'écris, je ne sais jamais où il me mène, comme un enfant me tire par la main pour me faire partager son monde dont je ne sais rien mais que je devine un peu. Vers ce qu'il a envie de vivre et de raconter. Quand il vient, je sens le livre réunir autour de lui ce dont il aura besoin pour vivre et pour grandir. Il s'écrit en quelque sorte, même si moi, je dois passer par mes affres.<br />
Une fois fini et passé le temps de la découverte, je l'observe et c'est à ce moment précis que le silence survient, comme un calme s'impose quand plus rien ne s'agite, quand le vent tombe avec le soir, quand je suis dégagé de mes obligations comme on dit des militaires: Dans ce silence, je le retrouve de temps à autre: ce qu'il dit me touche-t-il toujours après quelques semaines, quelques mois? Me surprend-il encore ou davantage? Si oui, il est vivant en moi et j'y reviens avec joie. Sinon, j'imagine qu'il a sa place aussi.<br />
Quand le silence s'installe, ce n'est pas non plus que nous nous ignorions, comme fâchés ou plutôt froissés puisqu'on parle de papier. Disons que nous vivons côte à côte, chacun ayant une vie à mener, conscients de la présence de l'autre, mais sans trop savoir quoi se raconter. De temps en temps on se revient, on écoute comment ses aventures nous parlent, nous nourrissent. Ce temps où chacun cherche sa place du fait de l'existence de l'autre est variable, assurément. J'ai l'impression d'ailleurs qu'il n'est pas le même pour le livre et pour moi. Il me semble que, pour sa part, il soit autonome plus rapidement que moi: vite, il lui faut vivre son indépendance, à distance comme on peut avoir honte d'un parent qu'on préfère cacher quand on se lance dans le monde. C'est vrai, elles sont rares les fois où un bouquin m'a présenté ses copains. Une ou deux fois peut-être, quand le hasard fait bien les choses. Peut-être que les livres vivraient plus heureux, plus libres, plus grands, si on ne leur imposait pas le nom de leur auteur sur la couverture, comme une attache vaine ou pire, un tatouage maudit? Quand on rencontre quelqu'un ou quelqu'une, est-il important, nécessaire, de savoir de qui il ou elle vient? Comme ces gens qui, à quarante ans ou plus, continuent de mentionner leurs diplômes: On s'en fout généralement.<br />
Pour le premier livre, ce temps de silence est venu tard comme s'il fallait que je continue de m'en occuper longtemps et qu'il avait besoin d'aide. Plus inquiet que pour les autres, peut-être? C'est normal pour le premier. Je me suis beaucoup activé, comme pour un enfant difficile ou demandant plus d'attention que d'autres. Pour le second et le suivant, le sentiment fut différent: très rapidement, ils m'ont fait comprendre qu'ils pouvaient très bien se passer de moi, ravis de se débrouiller tout seuls. Comment? Je ne sais, mais je leur fais confiance comme à des enfants matures avant l'âge. Donc nous vivons ensemble, eux dans leur monde et moi le mien. Je les sens dégourdis, adaptés, adultes en quelque sorte. C'est très curieux à dire, mais c'est exactement l'impression qu'ils me font: il ne se passe pas grand-chose apparemment dont je peux me réjouir ou témoigner pour ce qui les concerne, mais ils m'ont déchargé de ma responsabilité à leur égard. Je peux tranquillement m'occuper de la suite, de ceux qui viennent et qu'il me faut écrire. Eux, les aînés,sont lancés dans leur vie.<br />
Je sais qu'un troisième temps se prépare, comme pour une valse très lente, une danse au ralenti où l'on se voit en équilibre indéfini, en sustentation pourrait-on dire. Un temps où ils me surprendront: ils viendront me tirer de ma solitude un peu bougonne, de cette longue distance intérieure où il faut venir me chercher, pour m'emmener là où leurs aventures les auront menés. Je sais qu'ils sont actifs, chacun à sa façon et organisent les choses autour d'eux, comme une vie se prépare dans l'invisible avant de se dérouler pour qu'on la vive.<br />
Je voudrais vous donner un exemple: J'ai découvert hier que Jiù et Akané, les personnages de mon premier roman existaient vraiment: quelque part en Chine, vit quelqu'une dont le nom est très précisément Akane Jiu. Vous imaginez le choc? Passée la première surprise devant l'invraisemblable (ce monde est trop petit décidément, j'espère les autres beaucoup plus grands), une joie immense est montée qui ne m'a pas quitté depuis. C'est comme un télégramme que vous recevez de très loin, de très profond, comme d'un monde autre, un ailleurs inconnu, la nouvelle que le bouquin est vivant et qu'il va bien. La nouvelle que le monde est en place. Soudain sur la mer, on voit brièvement passer le dos du dauphin ou de la baleine et on sait que c'est habité, que c'est vivant sous la surface. Ça rassure sur ce qui se passe.<br />
<i>Clockwork</i>. Encore une fois les anglais ont tout dit en un mot: le travail du temps, comme une mécanique muette qui met les choses en place à notre insu.<br />
Donc ce premier livre, déjà ancien, trois ans c'est beaucoup pour un livre, est venu se rappeler à moi, me dire que tout va bien pour lui, qu'il fait son chemin dans la vie, qu'il fait son travail de bouquin: mélanger le rêve avec la vie, tricoter des réalités multiples en jacquard pour faire de ce monde quelque chose de beau, de réussi, rendre nos images et nos secrets accessibles, faire une trace légère dans l'imaginaire des gens comme dans la neige en hiver et participer de la création du monde, à sa modeste place. Il est venu me dire que j'avais fait mon boulot en ce qui le concerne...et qu'il était grand temps que je me mette à la suite.<br />
Je vais donc m'y mettre. Laisser mes livres vivre en paix, avoir de leurs nouvelles de temps à autre et, surtout, laisser advenir les suivants.<br />
Ces instants-là sont des moments immenses, comme la découverte d'une île légèrement sous le vent et non marquée sur la carte, au beau milieu d'une traversée: une invitation un peu mystérieuse qui va chambouler tous nos plans.<br />
Il faut y aller voir, bien sûr.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-74323333366769963042015-08-29T07:13:00.001-07:002016-01-18T12:53:40.641-08:00SurfsDe temps à autre, le long des côtes quelle que soit la saison, il peut arriver de rencontrer à courte distance du rivage, des formes marines étranges, silhouettes noires, immobiles, à demi-immergées.Si une belle vague vient à passer, ces bouchons placides sur la houle s'élancent, se dressent et la chevauchent avec adresse, pour finir hilares, submergés par l'écume.<br />
<br />
Surfeurs.<br />
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Il faut s'arrêter, les regarder. Ce qu'ils ont à nous dire est puissant, autant que ces vagues qu'ils attendent et qui les portent.<br />
A les voir, on devine, on pèse leur attente attentive, on pressent leur plaisir, la détermination puis l'excitation à poursuivre la vague, la prendre à bonne vitesse, au bon angle. On devine qu'ils savent, au moment de s'élancer, juste avant qu'elle ne brise, si celle-ci sera la bonne ou non.<br />
Comme quelque chose d'écrit qu'il faut aller chercher dès que le temps et la mer s'y prêtent.<br />
C'est pour cela qu'on y retourne malgré l'eau froide.<br />
Pour cette anticipation-là. Très précisément.<br />
C'est pour cela, qu'avec le temps, on se mesure à de plus grandes, majestueuses, puissantes, plus loin.<br />
A un moment, sans savoir trop pourquoi, on sent que l'effort ne sera pas vain.<br />
Ce sera jouissif tellement ce sera parfait.<br />
Un jour qui ne prévient pas, jamais, on vit la grâce, la glissade sublime, celle qu'on espère depuis tout ce temps à mariner dans l'eau.<br />
La vivre une fois vous en fera recommencer mille.<br />
L'inverse n'est pas vrai: les jours en creux, ceux où on ne réussit rien quoiqu'on fasse, on les voit venir, on les sent: une nuit trop courte, une brise de travers ou une mauvaise mer. Ou la planche qui n'en fait qu'à sa tête.<br />
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je sais ce qu'ils ressentent, ces obsédés de la vague, parce que moi aussi, je la cherche, cette glissade parfaite qu'il m'a été donné de vivre: le moment magique où absolument tout est à sa place et remplit l'instant d'une jubilation impossible à dire si on ne l'a pas vécue.<br />
Cet instant irréel tellement il est parfait, m'a été donné trois fois, très exactement, dans mes aventures professionnelles: trois lancements de projet, trois démarrages d'entreprise où, pour chacun, j'ai senti la vie pousser, irrésistible comme une vague qui passe et qu'on ne peut manquer, invite à la chevauchée. Ce moment presque sacré où tout se passe bien, où tout se passe vite. Il a suffi de donner l'impulsion exacte et juste, le petit coup de collier parfaitement dosé, pour se dresser, démarrer, goûter son plaisir et se laisser porter.<br />
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Mais alors?<br />
Pourquoi ceux-là, ces projets, ces entreprises et pas les autres? Et pourquoi ces moments-là? Je n'étais pas particulièrement plus motivé, plus sage ou mieux renseigné que pour ceux où ça s'est moins bien passé. Ce ne furent pas des idées ou des métiers où j'étais plus à l'aise, que je connaissais mieux. La préparation fut la même, les partenaires choisis avec le même élan, une confiance identique.<br />
La même énergie, la même foi.<br />
Et pourtant certaines graines ont pris et pas d'autres. Pourquoi celles-là? La surprise du semeur dont la terre, aussi bien préparée que possible, rend de façon diverse.<br />
Après toutes ces années à entreprendre, à essayer, après tous ces projets que je vois maintenant bouchonnant dans le sillage d'une vie qui avance et qui passe, le mystère reste entier.<br />
Ces moments "surf" que je compte sur les doigts d'une main, à peine, se sont faits tout seuls ou presque. L'énergie dépensée et la peine furent infimes comparées au résultat, au plaisir qui fut donné. Le temps passé fut à la fois dérisoire et dense, comme une histoire en résumé dont on vous fait grâce des détails mais qui tient en haleine. Quelle facilité! Après tout ce temps qui m'en sépare, le sentiment de grâce et de simplicité est toujours présent. Comme si la vie voulait que ça se fasse. Tout simplement.<br />
Du coup, évidemment, on s'en serait douté, j'y suis retourné: j'ai lancé tant d'autres boites, d'une façon presque compulsive, sans jamais retrouver cette sensation si particulière que tout avance avec vous, que, quoi qu'on fasse, tout porte. "Peut mieux faire": je revivais l'anathème qui déjà me poursuivait sur mes carnets de notes. Je n'ai plus jamais retrouvé cette grâce, cet instant inoubliable, cet équilibre incomparable avec tout ce qui m'entoure.<br />
Avec la vie.<br />
Cela me rappelle la Légende de Bagger Vance, ce golfeur à la poursuite du swing parfait, presque mystique. Nous sommes sûrement quelques-unes, quelques-uns lancés dans cette quête, cette recherche de l'instant invraisemblable, que ce soit sur l'eau, le fairway, la cendrée, la toile ou le clavier.<br />
Ou le business.<br />
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Retrouver cet état de grâce qui m'a touché et que je poursuivrai toute ma vie durant.<br />
De temps à autre, quand je retrouve mes copains de virées, on se parle, on évoque, on jauge le présent, ce qu'on vit et ce qui nous attend. Irrésistiblement, la question nous vient, sans réponse qui vaille qu'on s'y arrête: "comment avons-nous fait?"<br />
En comparaison, les efforts et difficultés de tous mes autres projets, entreprises éphémères ou parfois ridicules semblent démesurés. Seigneur, quelle ramée!<br />
Pasteur aurait dit "la chance advient à l'homme préparé". Je suis navré de contredire une telle sommité mais je ne crois pas. Tant de gens préparés n'ont jamais rien vu venir. Je crois plutôt qu'elle vient aux gens inspirés, en phase avec ce qui se passe, en phase avec leur temps. Ceux qui démarrent, va savoir pourquoi, exactement comme il faut, au moment où il faut. Comme le surfeur sur sa vague mythique. Et c'est là tout le mystère.<br />
Le plus souvent, quand on se lance dans l'aventure de l'entrepreneuriat, on y va pour l'argent. L'idée folle des fondateurs milliardaires (millionnaire, c'est trop peu). J'ai connu, j'ai donné. Merci. On déchante vite pour une raison très simple: ce n'est pas une motivation suffisante, loin s'en faut. Pour y aller, tenir, y retourner, il faut autre chose, de plus profond, plus complet. Plus essentiel peut-être. Y aller pour ce sentiment de grâce qui vous habite quand on est sur la planche, qu'on y est bien même si elle va vite, surtout si elle va vite et qu'on sent qu'on peut faire tout ce qu'on n'a jamais osé: celle-ci, on sait qu'elle nous portera jusqu'au bout. On l'a prise en harmonie absolue avec soi, avec le temps, la mer, le vent.<br />
La terre et tout ce qu'il y a autour.<br />
En équilibre de partout.<br />
Du coup, on ose tout. On se libère. Ce qu'on est vraiment et qu'on ignore concourt à ce que ce soit réussi. Que ce soit beau.<br />
Voilà.<br />
Alors que, dans ma vie, il y a maintenant plus de choses derrière que devant peut-être, je contemple mes aventures et mésaventures, heureux de les avoir menées, heureux d'avoir compris. Ce n'est pas le résultat qui compte mais la raison d'y aller. L'intention. Et celle-ci était bonne. Elle m'a nourri longtemps et encore: la certitude d'un état de grâce dans ce monde.<br />
Y aller pour cela et donc pour le plaisir, immense, finalement.<br />
Il suffit d'avoir ce qu'il faut de patience et détermination. Il suffit de s'y mettre, d'y retourner. Peut-être nous sera-t-il donné. A nouveau.<br />
En tout cas, cela mérite d'y passer une vie.juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0tag:blogger.com,1999:blog-3164322831741543796.post-7209470422607501822015-08-27T02:24:00.001-07:002015-08-29T07:38:47.945-07:00Autan Il y a des jours sans personne où c'est plus facile d'écouter tous les bruits de la vie. Je sens le monde là à portée, comme une frontière invisible entre ce qui est familier et ce qui devient incertain. Une frontière à traverser, tôt ou tard. Une tentation un peu énigmatique dont on revient ravi. Le plus souvent. Sinon ce serait trop facile.<br />
Donc, il me faut faire le pas, embarquer dans ce silence comme on traverse un fleuve dont on ne voit pas l'autre rive, la petite barque qui bouge un peu sous mon poids, que bien peu de voyageurs hèlent, menée par un passeur borgne et muet, voir où il m'emmène, moi devant, lui derrière qui pousse sur la gaule.<br />
Une fois quitté le quai et le voyage entamé, une joie monte, brève, comme un signal que tout va bien se passer ou plutôt que je suis en train de faire exactement ce que j'avais envie de faire.<br />
Voyager emporté par le silence.<br />
Et trouver le vent.<br />
Bien sûr, le vent. Comment ai-je pu oublier?<br />
Il y a longtemps, alors que l'on marchait, ma femme, ma compagne que je crois pourtant connaitre assez bien, se mit à fredonner une petite chanson sur le vent. On se partage nos vies depuis si longtemps que je croyais tout connaître de son répertoire. Et pourtant, cette chanson sur le vent était nouvelle, troublante, bienvenue. Elle me l'a chantée exactement quand il fallait. Depuis, elle m'habite et me suis où que j'aille. Une chanson d'enfance, gravée là où on sait la retrouver.<br />
Le vent est mon ami depuis toujours.<br />
Je lui ai confié mes bateaux de papier, comme autant de secrets, qu'il a fait tournoyer et qui errent quelque part comme des Hollandais volants, devenus fous.<br />
J'ai si souvent joué avec lui, courant bras ouverts en avion, ou lui offrant mes cerfs-volants comme on jette un jouet à une grosse bête pour voir ce qu'elle en fait. Je lui ai tendu tant de voiles qu'il a bien voulu caresser sans trop de brutalité et m'a fait voler sur la mer. Je l'ai aussi regardé jouer dans les blés quand ils sont encore verts, se poursuivant lui-même, en vagues agiles et frémissantes, une houle terrestre, brillante et belle.<br />
Le vent qui fait murmurer les arbres qui bruissent comme des vagues peinent sur la plage et voler les oiseaux de travers. Ou les retient, immobiles en plein ciel.<br />
Et tous ces papillons qu'il malmène.<br />
Il est l'haleine tiède et parfumée de la Terre quand elle nous parle. Il suffit d'écouter et de se laisser faire. Mais pour cela, il faut être très proches. Intimes peut-être? Tout autant qu'on peut l'être.<br />
Chacun de ses noms est un appel, une invitation dans une langue étrangère.<br />
Ecoute, c'est magnifique: Chergui, Sirocco, Meltem, Simoun.<br />
Mistral.<br />
Ecoute encore et entend comme il chante tel un prénom de femme: Alizé, Chinook, Loo, Zonda. Elles ont chacune leurs parures, leurs besognes et leur pas.<br />
Cela ne te donne pas envie d'aller voir? Moi, si et partir tout de suite, sac déjà bouclé dans l'entrée.<br />
- Où vas-tu?<br />
- Chercher le vent!<br />
Comme on sort pour le pain.<br />
Partir et m'arrêter là où le vent commence.<br />
Partir grand largue, à bonne allure, le retrouver comme un copain et courir là où il porte.<br />
Commencer par le désert, marcher avant que le soleil ne frappe, me terrer sous la tente, boire le thé en attendant que passe le Khamzin, toutes griffes dehors. Prier aussi peut-être?<br />
Traverser la mer et goûter le Pampero avec quelques gauchos montés sur leurs petits chevaux poilus et râblés, rameuter quelques milliers de moutons.<br />
Et boire la Cachaça à en pleurer.<br />
Poursuivre plus au sud, chercher mon chemin sur une terre glauque et ravagée par le vent, trempé jusqu'aux os et courbé face au Williwaw, tenant mon chullo d'une main pour éviter qu'il s'envole, capeline fasseyant dans le dos. Il fut un temps où les Alacalufs vivaient heureux ici.<br />
Voir s'avancer l'hiver près d'un feu dans une baraque en rondins à écouter des histoires de taïga, alors que le Squammish secoue la maison qui tremble comme sous un accès de fièvre, fait neige rase de tout ce qui vit autour. Ne plus rien reconnaître une fois qu'il a passé.<br />
Et finir sous la mousson qui apporte la pluie par seaux. Le vacarme sur la tôle ondulée, les enfants qui jouent sous les gouttières et courent dans les flaques. Rire sous la douche et remercier le ciel. <i>Namasté.</i><br />
Rentrer finalement, sans en être sûr. Ce genre de voyage, on n'est jamais certain de si et quand l'on en revient.<br />
Comment non plus d'ailleurs.<br />
Le vent quand il passe, est un peu contrebandier: il est toujours chargé d'histoires qui vous tournent la tête, dont on ne sait trop d'où elles viennent, si elles sont vraies ni où elles mènent.<br />
Quelque part vers soi, au détour de quelque aventure.<br />
Sans doute.<br />
Apprendre à parler l'autan.<br />
J'ai découvert, il y a quelques temps déjà, qu'il n'était pas important de parler la langue des gens. Une fois ouverts, on se comprend toujours. Un jour ou plutôt un soir, j'ai eu une longue conversation avec une Espagnole, moi qui ne le parle pas ou si peu. On conversait par gestes. Sa langue était si chantante qu'il suffisait de l'écouter pour comprendre. Cela aurait pu durer longtemps mais des gens plus savants nous ont rejoints. Le charme était rompu. On s'est croisés d'un dernier regard.<br />
De temps à autre dans la vie, des choses adviennent sans qu'on sache où elles passent.<br />
Plus tard, encore, c'était avec les yeux que je parlais Dayak. Tout en interrogation, joies et silences. Et des sourires à la pelle. C'est étonnant, le sourire. Pourquoi des gens qui ne se connaissent pas se sourient-ils si facilement? Comme un message de paix et de tranquillité: tu peux rester et dormir parmi nous.<br />
On se comprenait si bien que j'ai passé la journée avec eux, me délectant du lait de kelapa, entourés de gamins, pieds nus et rigolards, qui me faisaient partager leurs jeux.<br />
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Pourtant, j'ai appris un jour que le vent était circulaire.<br />
C'est une loi de la nature. Coriolis précisément. Ce jour là fut très décevant. L'idée qu'à le suivre assez longtemps, ce souffle me ramènerait à mon point de départ fut longtemps insupportable. Pour m'en remettre, je me laissais à nouveau emporter par son voyage. Et effectivement, il m'a ramené chez moi après un long détour. Mais j'avais tant vu, tant appris, j'étais rempli de tant d'instants, de tous ces gens croisés, rencontrés, écoutés, aimés que j'ai compris le message. Tout le monde le connait: Ce n'est pas où on arrive qui importe, c'est ce qui se passe en chemin.<br />
Depuis, chaque fois que le vent survient, je le salue et vais à sa rencontre, comme d'un navire qui revient.<br />
De quoi es-tu chargé cette fois-ci? Quelle cargaison amènes-tu? Et lui de déballer odeurs et parfums, bribes de conversations qu'il a piquées au passage, bruits et chamailleries, rumeurs et tourments.<br />
Et quelques grains de sable.<br />
Comme un fond de poche.<br />
Un rappel, un souvenir d'escapade.<br />
Tu viens? On y retourne?juiseppehttp://www.blogger.com/profile/05544957497032393042noreply@blogger.com0