dimanche 16 juillet 2017

Univers

Un lieu, une fois clos, devient vite un univers. Ainsi, par exemple, notre terrasse. Nous l’avions fermée d’une barrière improvisée quand nous avions su qu’il venait : trois planches et quelques vis, pour lui éviter la tentation ou les dangers de l’escalier. Elle s’est transformée d’un coup en un espace de jeu gigantesque. Un endroit vaste et vide (oh, pas longtemps !) où le laisser découvrir tout un monde au soleil de l’été. Un lieu abrité où explorer un autre pan de la vie au milieu de quelques objets qui l’y rejoindront pour l’aider à prendre possession du royaume.
Ce qui me touche dans ces objets comme arrêtés dans leur course, c’est sa trace, le souvenir qu’il laisse de son passage de l’un à l’autre, puis un autre, puis un autre, puis retour à l’un, jusqu’à ce qu’autre chose encore l’appelle. Et le souvenir alors, de ce petit bonhomme assis, jambes écartées et tête penchée sur l’ouvrage, le machin à comprendre, le truc à démonter.
Pour l’instant, il dort. Les objets sont inertes. Ils attendent son réveil pour faire à nouveau partie de la fête. Dans un coin, sur une petite table de bois, un biberon d’eau est comme la limite du territoire, tout au bout de l’espace. Posé là, près du nichoir en bois, on sait qu’à un moment ou un autre, il viendra y boire. Au gré de ses divagations et de ses explorations. Debout, la verticale nouvelle et un peu vacillante, il le prendra à deux mains, tête savamment renversée,  pour quelques gorgées menues, vite avalées, biberon rejeté, vite abandonné pour la suite du programme. Un programme inventé à chaque instant, au gré des découvertes, des goûts et des odeurs.
À l’opposé, la tente. Une tente minuscule, qui se construit d’un geste. Une tente de plage pour s’abriter du soleil plus que pour y dormir. Retenue par de gros galets dans les poches, qu’il aura tôt fait de découvrir, les en retirer et les y remettre. Inlassablement, des minutes et des minutes durant. Petit effort énorme, gros galets à deux mains, souvent à deux doigts de retomber sur les siens. De pied. Une petite maison à lui, remplie journée après journée de quelques bricoles. Vite oubliées mais qu’il retrouve comme une découverte nouvelle. (Tiens ! Il était là, celui-là ?) Il n’y reste jamais bien longtemps. Univers de toile, un peu suspect, trop volatile et trop clos quand le monde l’appelle. Univers-château branlant. On sent qu’il a besoin de solide, de costaud, de durable. L’éphémère, ça n’est pas trop son truc.
Entre le biberon à un bout et la tente à l’autre, la table. La cabane, devrais-je dire : une nappe qui pend de chaque côté en a fait un abri improvisé. Où il aime à cavaler, au moment des repas, entre les pieds de chaise, de table et les jambes des convives. Une exploration compliquée, on l’entend ahaner dans ses efforts quand il traverse, taupe qui farfouille, les doigts cramponnés à nos genoux, nos mollets.
Épars sur cette plage minérale et gigantesque, d’autres objets invitent à d’autres jeux. Leur immobilité est comme un rappel familier, une attente tranquille. Disponibles. Si j’avais été objet, j’aurais aimé être jouet. Pour l’attente, pour la joie, le plaisir de retrouver l’enfant. Pour lui, tout est jouet : la cuillère en bois, la boîte et son couvercle, le tenon et sa mortaise. Même le hideux cône routier. Il y en a six dressés comme des alertes dérisoires, plantés çà et là. Un itinéraire qu’il n’aura jamais suivi, bien sûr. Juste là pour être déplacés, immenses travaux routiers.
Celui qu’il préfère, c’est le camion de pompier. Il l’aura trimballé sans relâche d’un bout à l’autre, comme des urgences importantes et inévitables, le poursuivant à quatre pattes, une main au sol, un main sur le camion de peur qu’il lui échappe. Et les pieds qui suivent comme ils peuvent. Frotti-frotta de genoux qui tournent au gris.
Un vieux sac avachi. Vide d’un contenu renouvelé sans cesse, arrosoir et tamis de sable. Qui n’auraient rien à faire sur le carrelage. Rien à verser, rien à tamiser. Mais, si passionnants pourtant qu’on y revient, on les jette, on les manipule, on les range, on les cherche. À côté, un ballon jaune et une balle rose, plus petite et plus lourde, à la peau plus molle et plus épaisse. Plus intéressante à goûter. Quelques chaises de bois en désordre, un ou deux trucs électroniques, silencieux pour une fois. De ces machins programmés pour dire toujours la même chose ou presque, diodes luminescentes et voix enregistrées. Heureusement, lui, préfère le presse-agrumes en plastique. Un truc chargé d’histoire, qu’on a trimballé partout avec nous. Le même probablement avec lequel son père jouait.
En fait, il y a deux sortes de jouets : ceux inventés par l’homme, pleins d’intentions, d’observations méticuleuses pour attirer, éveiller, retenir. Des trucs bourrés d’envies, ingénieux mais compliqués. Lassants le plus souvent. Et les autres, tous les autres, les vraiment passionnants. Ceux dont on ne se lasse pas, ceux qu’on emporte avec soi dans le lit quand il faut aller se coucher. Ceux qui ne sont pas faits pour s’amuser justement. Des machins qui servent, qu’on voit les grands utiliser. Le rouleau à pâtisserie par exemple, le bol en plastique, les boîtes et tous ces bouquins ! Ah, les livres ! Il n’y a rien de tel que le plaisir de les débarrasser de leur jaquette comme d’un truc inutile, de les ouvrir, les replier, les faire tomber et les remettre en place. Et recommencer.
Ah, je me souviendrai longtemps de son air intrigué, vaguement inquiet, regard interrogateur et légèrement froncé y revenant sans cesse, quand le ballon de baudruche s’est lentement dégonflé, sans bruit, juste un petit filet d’air, là où il l’avait mordu. Comment une chose si grosse et si belle peut-elle devenir si petite, si fripée, insignifiante et si laide? Y suis-je pour quelque chose ? Est-ce que tout autour de moi peut suivre le même chemin ? Ces maisons, ces voitures ? Ces gens même, qui me portent, me parlent, me sourient, me nourrissent ? Le monde prend tout à coup une forme singulière, une sorte d’impermanence temporaire, transitoire et suspecte.
Une autre image qui restera inscrite en moi, une fois qu’il sera parti, sera ce petit corps nu et potelé, agrippé à la balustrade de fer forgé, le regard perdu dans le monde au-delà, un monde de fleurs, de feuillages et d’insectes dont quelques-uns, les plus curieux sans doute, font un détour par lui. En découverte aussi sans doute. On ne sait jamais, ce petit bonhomme à la peau encore trop claire pourrait être une bonne surprise, un truc à butiner ? Le papillon jaune, presque blanc qui passe et se pose sur la lavande, juste à ses pieds. Une fleur blanche elle aussi, tout près, presque accessible, juste un peu trop loin malgré les tentatives. Les abeilles qui passent, bien trop occupées avec bien trop  à faire pour s’intéresser à lui. Tout un jardin écrasé de soleil et bruissant d’activité qui s’étale au-delà d’une frontière infranchissable, bien utile pour observer en toute tranquillité. Rambarde qui s’échauffe lentement alors que la journée suit son cours.
Heureusement, au-delà, il y a le ciel, les avions, les oiseaux, les nuages et tout ce qui bouge, très loin, si lentement qu’il faut beaucoup de silence et d’attention pour les suivre. Alors le regard s’évade, on devine comme un chemin, une jonction qui se fait entre le dedans très profond et le dehors si vaste et mystérieux. Un chemin de silence et d’impressions fugaces, difficiles à retenir, difficiles à nommer.
Lui, on le suit à l’oreille quand il va d’un bout à l’autre, quatre pattes volontaires et décidées, tête baissée, pressé par quelque urgence. Puis le silence. L’enfant en arrêt. Devant quelque chose qui lui avait échappé, un truc qui vaut la peine. Une feuille, une brindille, une fourmi. Un truc à démonter ou à goûter. Il a découvert, par exemple, le dossier de ce gros camion en plastique bleu et vert, voyant comme pas possible, que les voisins nous ont prêté : un machin un peu grand pour son âge mais très intéressant tout de même. Il y a par exemple le coffre et son couvercle pas facile à ouvrir, où oublier des choses. Et les grosses vis blanches ! Ah, les vis ! Il en aura fallu du temps pour comprendre comment les retirer puis, des heures durant, essayer de les remettre, à l’envers, gros bout qui ne veut pas rentrer.
Et le silence dans tout ça avec au beau milieu, les oiseaux. Dans l’énorme tuya juste à côté ou en va-et-vient pressés entre le cerisier et le gros cèdre du voisin d’en face. Les colombes qui appellent à toute heure et les pépiements plus discrets des mésanges qui s’interpellent. Plus loin, vers la cuisine, Brianne chante au milieu du vacarme des casseroles ou de leurs couvercles. Parfois elle se parle, pour se dire des choses qu’elle devrait faire. Un monde à elle-seule que, pour ma part, je n’aurai jamais fini d’explorer.
Midi. Il s’est réveillé. Réglé comme une horloge, à l’heure exactement prévue. Et le monde change : comme un tourbillon de Coriolis ou trou noir galactique, ce petit bout d’être humain attire tout l’univers autour de lui: spirale du temps, des objets, des conversations, des chansons (Ah ! Gugusse et la polka du roi !) et des gens qui ne peut que mener jusqu’à lui.

samedi 1 juillet 2017

Qu'aurais-je dit à sa place?


Résultat de recherche d'images pour "baudelaire"

« Le corps est-il le seul ennemi de Baudelaire ? » tel était le sujet de l’oral de bac de ma fille. Sept petites minutes. « Mais papa, c’est déjà beaucoup pour un si petit poème ! » Elle ne croyait pas si bien dire, ma petite. Tout est résumé dans le pauvre comptage d’un trop bref exposé. Toute la tension, le malheur, la malédiction du poète. Comment dire le tout dans si peu de temps, dans de si pauvres mots. Comment dire la tension immense, insurmontable qui l’habite ? Si on ne l’a pas vécue ? Comment dire les affres du génie quand on doute soi-même et que le temps, par nature, nous est compté et que le corps s’oublie ?

Poète maudit. Là aussi tout est dit. La beauté qui se mêle de ce qui ne la regarde pas, de ce qui refuse de la regarder même, qui ne la voit pas. La beauté qui cohabite avec l’infâme, comme si c’était sa nature d’y naître ou de l’absoudre peut-être ? La beauté comme une quête, quelque chose qui vous habite sans nom et on cherche inlassablement, vainement, celui qui lui irait le mieux et jamais on ne le trouve. Il vous échappe, il vous fuit comme quelque chose après quoi l’on court. Un voyage au-delà des mers, par‑delà la raison. Sa propre ombre projetée par un soleil qui serait derrière soi. Et si l’on se retourne pour le surprendre, lui aussi aura disparu. Poète maudit. Dans ce mot il faut comprendre que la malédiction vient de lui, c’est lui qui jette l’anathème, c’est lui qui ne se supporte plus. C’est trop insupportable. Au sens propre du mot.

Le génie est cette arme trop lourde qui, irrésistiblement, se retourne contre soi. On a trop peur, à la fin, de presser la gâchette. Par dépit, par fatigue ou par inadvertance. La seule issue du combat qui vous habite. Comment expliquer, faire comprendre, que le poète est le siège de sa propre tension dramatique ? Au début c’est nourrissant, exaltant même puis ça devient écœurant et insupportable enfin. Quelque chose de trop présent, trop puissant qui vous habite comme un squatter maudit. Le génie de Baudelaire, poète habité. Dès que c’est dit, on comprend, le poète maudit. L’habitation par quelque chose de trop grand, quelque chose qui vous dépasse. Comme un carré où un cercle s’est inscrit. D’habitude, dans le monde bourgeois, c’est l’inverse. On cherche à tout prix à s’inscrire dans un cercle, faire partie. Retrouver ses semblables, y être reconnu. Pour vivre un tant soit peu. Le poète, celui qui fuit la bourgeoisie de l’âme, les habitudes et les banalités d’un monde qui se contente de lui, celui qui cherche ce qui s’y cache, est ce carré envahi par le cercle. Il ne lui reste que des petits bouts, les angles, pour être un peu chez soi. Tout le reste ne lui appartient pas. Tout le reste l’occupe tel un envahisseur, le préoccupe comme une obsession dévorante. Et il cherche le pauvre ! Il se croit obligé, missionné peut‑être ? Si c’est tombé chez lui, c’est que c’est à lui de débrouiller l’intrigue. Alors tout devient symbole, tout devient signe. Une piste à suivre et une autre. Et une autre encore. Un papillon qui fuit notre filet et que l’on poursuit sans prendre garde. Beaucoup trop beau le papillon. Une fée dans mon jardin. Lui, le poète s’égare hors des chemins trop passés alors qu’il croyait s’y trouver. Il ne se sait plus nulle part, étranger à lui-même, n’appartenant à personne et le temps qui passe, un instant son ami, devient son ennemi. Il devient son otage. Le temps comme une passion qui l’occupe, qui l’habite et le dévore, le réduit à petit feu, comme un bouillon, un potage.

Les fleurs du mal. Qui devine, qui osera dire l’incroyable beauté, l’incroyable densité de ce titre ? Qui y plongera donc, affamé, assoiffé de connaitre, mieux encore éprouver, ce que le titre annonce, l’histoire terrible de l’homme habité par une idée. L’idée d’un absolu. L’idéal qui naîtrait de l’idée dans le mal ? La douleur incessante qui l’habite, céphalée sans fin, une fureur, une flamme inextinguible,  que l’on croit éteindre dans l’alcool, les vapeurs et les femmes ? Qui d’autre que lui aura vécu cette peine, infligée à vie comme un verdict asséné dès la naissance ? Sois le bienvenu dans le monde, poète. Amuse-toi bien.

La malédiction dès qu’on naît. Dès qu’on sait que l’on ne peut être. Ah ! Ce mot est terrible. Naître. Il aura tout dit et personne ou si peu pour écouter. Entendre le débat terrible qui nous habite dès qu’on l’aura énoncé. Dès qu’on aura un tout petit peu vécu. À peine commencé à vivre que la fin s’annonce, se profile, une menace en instance, elle nous guette, silhouette de femme qu’on a envie d’aimer à la dévorer tant elle est belle, tant ça ne va pas durer. Entendre l’arc immense dressé en soi dont on serait les deux bouts et la flèche nous serait destinée.
 
Et qu’est-ce que le génie, jeune homme ? Le génie est précisément cette tension qui nous tue, la distance infernale entre la fleur et le mal. Quand l’immense nous habite, il n’y a aucun refuge dans le petit. Il ne peut que s’y transformer et s’y perdre. Il le sait. Tout est trop petit pour lui. Un bocal pour héberger l’océan. Pauvre, pauvre de lui. Il ne s’en sortira pas. Le génie est par nature insupportable. On croit toujours qu’il l’est pour les autres alors que c’est d’abord pour lui. Le trop gros rocher de Sisyphe, qui ne mène nulle part ailleurs qu’au retour sur soi-même. Ce qu’il impose aux autres, le génie, c’est tout ce qui est trop grand pour habiter chez lui. Ça déborde, forcément. Alors s’ils se plaignent, qu’ils imaginent un peu un chez-soi occupé tellement par ce qui les gêne.

Il n’y a de poète que d’habité. Sinon c’est le journaliste dont on parle. Baudelaire le sait. Depuis sa naissance, il le sait. Puisqu’il est né le pauvre. Et sa famille qui le contraint au voyage. Toute son histoire est dite dans cette phrase. Le voyage et la contrainte. L’océan et le bocal. L’homme qui se perd en lui-même. L’homme et ses passions, ses sentiments insupportables. Innommables parce qu’il vaut mieux s’éviter l’effort de leur donner un nom. Là aussi contraindre quelque chose de trop grand. Il n’existe pas de chausse-pied pour l’âme. La douleur est constante de cet être qui se tord pour entrer dans le soi.

Baudelaire mon ami, je voudrais te dire merci. Parce que ce voyage, j’ai pu le faire en ta compagnie. Il m’a mené en moi, au bout de mes angles épargnés par le cercle. J’ai pu m’y réfugier, m’y sentir chez moi, m’y sentir un peu moi. Fuir enfin cette enflure qui m’habite, me reposer au tréfonds de ce que je suis. Oublier le mal et respirer la fleur. Oublier la beauté et accepter le mal. Vivre simplement ce qu’on est. Cette tension qu’on partage, je l’aurai dite mille fois moins bien que toi, un sabir pour toi, un écho peut-être, comme une langue étrangère où nous nous serions compris.

Le corps est-il le seul ennemi de Baudelaire ? Comment dire tous ceux qu’il se sera découverts ? En lui, rien qu’en lui. Qui se résument à un seul : l’ennui. L’ennui du grand mélange, du grand gris où toutes les couleurs, les saveurs, les pulsions se mêlent. L’ennui d’où monte la mélancolie, ce spleen dont tout le monde parle mais si peu pour le vivre. Encore moins pour le chanter. Un seul l’aura fait aussi bien que lui.

C’est ma fille que je voudrais remercier pour ce voyage. Cette digression dans mon temps intérieur, cette balade au milieu du mélange, entre joie et douleur, entre aspiration et peine. Entre ce qui s’envole et ce qui tombe. Savoir qu’il n’est pas nécessaire de se trouver pour vivre. Il suffit d’explorer. De s’accepter en marche. Comme une horloge. Quand ça s’arrête, c’est que c’est fini.


Peut être.

lundi 5 juin 2017

Minkowski

Il faut savoir plonger en soi. Avec un peu d'esprit d'aventure, de patience et beaucoup de ténacité. Ne redouter ni le silence ni l'obscurité. Plonger profond, quitter la lumière et ne pas s'inquiéter de quand on va remonter.

Voyage au centre de ma Terre.

Descendre en soi, loin, descendre sans être vraiment sûr de ramener quelque chose. Quelque chose qui vaille la peine, s'entend. Qui résiste au temps et qui dure, qui n'ajoute pas au désordre et ne cède pas à l'envie, toujours présente, de parler de soi.
C'est à cela que me sert d'écrire, ce rendez-vous avec mon crayon sans être sûr que la mine soit bonne, mais en ai-je vraiment une autre?
Ce que je vais chercher à chaque fois, c'est un souvenir, une trace, quelque chose dont on ne devine pas tout de suite à quoi ça sert. Une saveur nouvelle ramenée des Moluques ou du Pernambouc. Impossible à décrire mais c'est là et c'est pour cela que j'y retourne sans cesse.
Aujourd'hui, au fond de ma mine, justement j'ai trouvé quelque chose. Ça me parle au point de m'asseoir dans l'obscurité pour y réfléchir posément: un truc en forme de diabolo qui, derrière un nom savant (un de ces noms qui n'expliquent rien sauf à ceux qui connaissent), raconte des histoires assez peu ordinaires: un Espace de Minkowski,



Ce truc est une explication du monde tel qu'il se donne à connaître, un monde délimité par la vitesse de la lumière. Expliquons un peu: selon les lois de la relativité, rien ne peut dépasser cette vitesse  donc elle définit un espace/temps dans lequel se trouve nécessairement toute information qui pourrait nous atteindre maintenant ou dans le futur. Si quelque chose se passe maintenant quelque part très loin, nous ne le saurons que plus tard, dans un délai qui dépend de la vitesse de la lumière.
Ainsi la vitesse de la lumière décrit un espace d'information, un espace qui se déploie extrêmement vite. Exactement comme l'onde d'un caillou jeté dans l'eau s'élargit et grandit avec le temps. D'où l'image du cône avec le cercle qui s'élargit le long de l'axe du temps. Ainsi se développe un cône de lumière, orienté vers le futur qui définit tout ce qui pourra être concerné par un événement qui se déroulerait maintenant. De même, un cône de lumière s'étend vers le passé qui précise tout les événements qui auraient pu avoir un impact sur le moment présent. Donc, à chaque instant, ces deux cônes décrivent la totalité de notre univers connu, notre espace-temps.
Pour bien comprendre, il y a une image très simple. Puisqu'on parle de vitesse lumière, imaginons que le soleil s'éteigne, là maintenant précisément au moment où vous lisez ces lignes. Vous ne le saurez pas avant huit minutes, le temps de finir cet article (êtes-vous sûr que c'est la meilleure chose que vous ayez à faire pendant ces huit minutes?), le temps que la dernière lumière émise par le soleil parvienne jusqu'à nous. Pendant huit minutes, nous allons vivre dans la totale ignorance de quelque chose d'aussi important que la mort du soleil. 

Tout d'un coup, cela donne quelque densité au temps qui passe, n'est-ce-pas?

La distance de la Terre au soleil décrit le rayon du cône et les huit minutes sa hauteur, ce qui donne une idée de la forme du cône: tellement, tellement évasé qu'il en est quasiment plat. Pour le dire autrement, puisque la lumière circule à trois cent mille kilomètres par seconde, le cône de lumière a trois cent mille kilomètres de large et une seconde de haut. Rien ou pratiquement échappe à la vitesse de la lumière et donc à notre connaissance des choses! Il y a aussi, plus loin, plus haut sur l'axe du temps, des étoiles qui meurent et qui naissent mais tellement éloignées que la nouvelle mettra des années ou des siècles à nous parvenir. Mais aussi loin soient-elles, elles demeurent à l'intérieur de notre cône de lumière puisque l'information nous parvient. Ça, c'est pour la lumière qui va vers le futur (le "cône de lumière future"). Il en est de même vers le passé: plus on va loin dans le passé, plus le nombre d'informations qui peuvent arriver jusqu'à nous est important ("le cône de lumière passée") ce qui donne la forme de diabolo aux deux cônes réunis  par le sommet dans notre présent.

En dehors du cône, c'est l'ailleurs, ce qui n'est touché par rien de ce qui nous arrive, qu'on ne saura jamais et qui n'a aucune importance pour nous. C'est un ailleurs absolument infime: l'espace entre deux cônes de trois cent mille kilomètres de diamètre et une seconde de hauteur est d'une finesse indescriptible, un cheveu dans le déroulé des choses et du temps, un hoquet unique et dérisoire dans l'histoire de l'univers.

Ah mais justement!

Alors que la plupart des gens se laissent captiver par l'intérieur du diabolo, tout ce qu'il implique et tout ce qu'il contient, cette expérience du réel qui nous inspire et nous agite, moi, c'est cet ailleurs infime et dérisoire qui m'a saisi. 

Ce qui n'est touché par rien. 

Cette parenthèse ridicule et obscure, écrasée par la masse des évidences qui s'imposent à nous.  La possibilité de prendre la tangente, d'échapper au monde et à l'inévitable . D'entrer en virtualité en quelque sorte. Ce monde qui vit au delà de nos limites, de ce que l'on peut connaître. Un monde si ténu, si rapide ou si bref que nous n'aurions pas assez de temps pour le voir vivre, il faudrait pour cela aller plus vite que la lumière. Cette distance presque inaccessible (mais tout est dans ce presque) est en cohabitation perpétuelle avec nous, sans influence, comme un observateur coi, attentif et bienveillant. Une sorte de présence neutre et ectoplasmique. Il y a quelque chose de très mystérieux dans cet ailleurs: une proximité improbable qu'il décrit en même temps que son impassibilité. Ce qui s'y passe ne nous concerne pas, ce qui nous arrive ne le touche pas. Et pourtant, il est là, il existe à deux pas gigantesques de nous, séparé seulement de nous par la vitesse de la lumière. Un détail en quelque sorte! 

Je le devine immense, bien plus grand que l'écrasement du diabolo pourrait le laisser croire.

Il faut fouiller et fouiller encore pour comprendre pourquoi cet ailleurs est important. La lumière crée pour nous des évidences qui nous aveuglent et nous enferment, mais au-delà d'elle que reste-t-il du temps? Cet au-delà existe puisque les cônes qu'elle dessine ne sont pas rigoureusement plats. Ah, s'ils l'étaient, l'histoire serait différente, la chose serait entendue: tout pourrait être pesé, connu, vérifié. Il suffirait d'y mettre le temps même si ce sont des siècles. Non, d'un coup, là, le monde entrouvre une parenthèse minuscule, un espace picoscopique entre ce qui nous vient du passé et ce qui va vers le futur. Un espace d'une finesse extrême, qui se joue au présent. Une respiration énigmatique et salutaire dans la pression des évidences et des choses.

Cet espace comme une fente dans le réel m'attire inexorablement. Il a des choses à nous dire même s'il ignore qu'on existe. L'ignore-t-il seulement? Cette proximité autre, ce monde est une ouverture, la possibilité de s'évader,  quelque chose comme une fuite de réalité qui nous échappe. Une dimension supplémentaire à acquérir, à faire naître comme un talent nouveau.
D'un coup, le refrain "c'est l'ailleurs qu'il me faut, l'ailleurs exactement" chante en moi comme une ritournelle, comme quelque chose de connu sans que je puisse mettre un nom dessus. Un souvenir imprécis, un autre voyage ou une autre vie. J'ai l'impression fugace et persistante que dans cet ailleurs un peu métaphysique se dessine et se joue une autre physique justement, celle qui contient et non celle qui raconte. Comme une histoire derrière l'histoire. Comme une ombre à l'envers, quelque chose qu'on traverse sans y prendre garde. Un parfum peut-être. Il y aurait dans cet ailleurs hors du cône de lumière, dans ce rien, toute une ribambelle d'opportunités et de possibles.

Voilà ce que j'ai découvert au fond de mon imaginaire avec ma lampe falote et faiblarde. Voilà avec quoi je joue, ce qui me fascine et me captive, me fait oublier la surface et le temps qui passe. Un monde réel, inaccessible et différent, quelque chose qui nous enveloppe et qui nous échappe pourtant: ce qui est au-delà de la lumière et de sa vitesse et qui vit en même temps que j'écris. Un monde habité de potentiels sans effets. Comme une gourmandise dont on pourrait abuser.

Une frontière à traverser comme un voile que l'on perce pour faire apparaître ce qui est voisin. 

A propos de frontière justement, il en est une qui doit être étonnante à vivre: que se passe-t-il exactement sur le bord du cône? sur cette paroi infime entre ce qui nous arrive et ce qui ne peut venir à nous? entre notre monde emberlificoté dans ses liens de cause et d'effet et ce monde d'à côté, justement sans lien, sans effet, aucun sur le nôtre. Comment vivre à cet endroit exactement où, à cause de la lumière et de sa vitesse, nous pouvons être rattrapés par notre passé, mais en même temps être en dehors de l'histoire? Il suffit d'un pas de côté et on devient inaccessible? Quelle couleur a-t-elle cette frontière? Quel goût? Et comment sait-on qu'on s'y trouve? Un lieu sans ombre peut-être?

Rester, rester encore dans ce silence et cette obscurité, demeurer pour être sûr d'avoir bien saisi. Ne rien laisser derrière qui, peut-être, serait la clé, la dernière pièce du puzzle, quand je serai remonté ce sera trop tard. Jouer avec ce diabolo incongru en quatre dimensions et écouter encore ce qu'il a à me dire.

Ne pas céder au temps qui passe et à la lumière qu'on voudrait retrouver, justement.
C'est curieux, d'ailleurs, ce lien entre lumière et temps. Au point que le temps change quand on joue avec elle?

N'importe! Il est temps de remonter.

dimanche 28 mai 2017

ça se mérite!

- « Ça se mérite, hein ? »
Sa question n’appelle pas vraiment de réponse mais je lui décoche un sourire entendu. Fatigué mais entendu, le sourire qu’on fait à une remarque bienvenue. Je fais celui qui acquiesce, bonhomme, j’en profite pour accepter lâchement l’invitation implicite à la petite halte que je n’espérais plus. Plus que bienvenue, en fait, elle s’impose, cette halte à laquelle je me refusais de penser encore quelques secondes plus tôt. Ne jamais s’arrêter. Si on commence quand on monte, on n’arrête plus, c’est le cas de le dire. C’est tout le rythme qui fout le camp à vaux l’eau. Je sais d’ailleurs que c’était exactement l’intention derrière l’interjection : me faire stopper et se fabriquer à coups hachés de conversation une raison pour souffler un peu.

Nous sommes plantés là au milieu du raidillon, le petit virage sec en équilibre, trois ou quatre pierres dodues, lisses et pentues juste ce qu’il faut pour une glissade, un endroit où précisément il faudrait continuer, s’arrêter plus tard une fois qu’on l’a passé : pierres branlantes après pierres plates, rochers à glisser, cailloux à grimper et se faire mal, par-dessus le tout, pierres toujours plus hautes les unes que les autres. Le cœur qui bat la chamade et les jambes qui n’en peuvent mais. La tremblote n’est pas loin. La tête ? Il vaut mieux ne pas y penser. Chasser les idées, n’en laisser qu’une : avancer. Et le soleil par-dessus, qui tape et se marre de nous voir suer.

Je ne sais pas pourquoi mais c’est plus difficile que je m’y attendais. Elle est plus raide que prévue cette balade de fin d’hiver, ou de début d’été comme le dit mon compère d’infortune. « Ça se mérite, hein ! » Un peu que ça se mérite. Oui, mais quoi au juste ? Le sommet pas bien loin, la sortie aux premiers beaux jours ? Le plaisir d’en finir ? le repas qui va suivre ? La redescente ensuite ? Va savoir. Ce qui est sûr, c’est qu’on sera contents une fois en haut, derrière le petit ressaut, là, à portée de voix. Encore vingt à trente mètres de dénivelé, quarante peut-être. On va y arriver mais en attendant il y a deux essoufflés en pleine pente qui se font un brin de causette, histoire de se reposer, se refaire une santé. On n’est pas pressés d’y revenir à ce raidillon en lacets, cette chenille où tous ceux qui montent peinent, alors que déjà quelques cavalcades dévalent le chemin du retour. Alors on triche, on s’invente une conversation, un sujet d’intérêt pour retarder le moment d’y retourner.

Lui, c’est Charlie, je découvrirai son prénom tout à l’heure, au moment de se quitter. Tête ronde, cheveux gris très courts, drus paillasson, petits yeux ronds bleu-gris, assez rapprochés sous un front rayé profond. Pas très grand, plutôt râblé. Genre prof de gym en retraite. Ou militaire. Il porte un long sac à dos noir à larges bandes latérales jaune vif. « Vous au moins, vous avez un sac léger » (bon, d’accord, si on veut !) « Moi je monte tout mon matos pour deux jours ! » Il monte pour l’ouverture de la pêche. « Des saumons des fontaines, comme ça ! » (il pose le bâton pour montrer. J’opine du chef comme il se doit, ça m’évite de parler tout en ayant l’air intéressé) « et des truites ! Vous verriez leur robe ! Noire avec des tâches orange comme ça» (autre geste, des doigts cette fois, pouce contre l’index, autre opinement du chef).
Le petit raidillon en question, c’est la phase finale de la balade de l’Espingo. Un truc pour « marcheur » dans le guide, même pas « randonneur ». C’est dire ! Oh, n’allez pas imaginer un sommet, un quatre mille ou même un trois mille. Tout à l’heure j’aurai la déception d’apprendre que cette performance culmine vaillamment à 1970 mètres. Oui, vous aussi, vous trouvez que c’est beaucoup de bruit pour pas grand-chose. C’est aussi mon avis. Il n’empêche, ce petit raidillon, faut se le faire. 1970, on dirait une date de naissance. La décade sans doute de ceux qui cavalent et me dépassent, à la montée comme à la descente. Moi je suis né presque vingt ans plus tôt et ça se sent ! Ça sent surtout la rouille et tous ces mois d’hiver où on n’a pas trop pris soin de soi. « Raclettes et tout le toutim » dira un jeune se tâtant les bourrelets dans une autre conversation, en bas cette fois. Quel que soit notre âge, on en est tous au même point, si je comprends bien.

Monter doucement, régulièrement, un pied devant l’autre, souffler en cadence. Pour ce qui est du souffle et de la cadence, on n’entend que moi dans cette montée. Comment ils font les autres ? Je verrai passer des sexa bien avancés, septua presque, frais comme des gardons, elle en particulier qui respire par le nez. Je me fais l’effet d’un débutant un peu rustre devant tant d’élégance. Moi, ça éructe, ça ahane, ça souffle comme une locomotive à vapeur en pleine lancée. «Bonjour! » ai-je lancéun peu vache pour l’obliger à répondre. Un gamin tout à l’heure demandait à sa mère à qui je disais bonjour « ça sert à quoi de dire bonjour ? ». ça sert à ça, petit morveux, tester le souffle de ceux qui grimpent sous forme d’encouragement. Se dire qu’on n’est pas tout seul à en baver. Entre autres.
Il faut avouer que, même si je sais que je vais aller au bout, je n’en mène pas large. Cette balade c’est la quatrième fois que je la fais, toujours sans m’arrêter, lentement mais sûrement. Je n’ose dire tranquillement. Cette fois-ci pourtant, Charlie, ses histoires et ses arrêts sont les bienvenus. Je le sens bien aussi pour lui qui les fait durer un peu. Il récupère moins vite que moi semble-t-il ? Ou il est moins pressé d’arriver ? Le temps du pêcheur sans doute, qui fait la différence dès les marches d’approche. Lui va passer l’après-midi et la nuit à attendre puis deux jours en altitude, à fouiner dans ses torrents, ses coins racontés à personne. «Ça fait quarante-cinq ans que je monte, si vous voyez ce que je veux dire ». Oh, pour le coup, je vois très bien : petits secrets et emplacements bien gardés. Je l’imagine distribuant même des leurres, comme ils savent le faire entre copains, pour garder ses coins pour lui seul. Je le comprendrai tout à l’heure en redescendant, faisant le malin auprès de ceux (celles surtout) qui montent avec leurs gaules. Le gars qui sait, qui connait l’ouverture et toutes ses histoires. « Il y a du saumon des fontaines qui vous attend là-haut ! » (« Du saumon ? sûrement pas ! de la truite, peut-être, mais du saumon, jamais de la vie ! »). Alors le Charlie, il m’aurait enfumé avec son saumon ? Le pêcheur qui en rajoute ? La belle histoire pour se faire mousser, comme on se refait une beauté à ses propres yeux, en douce? Réflexion faite, j’aurais plutôt tendance à le croire. Le seul sexa de la troupe, tous les autres sont des jeunots. Des moins de trente ans pour la plupart, qui ne connaissent rien de la montagne ou si peu. Certainement pas l’histoire de l’hélico qui est allé aleviner le saumon dans les torrents derrière les sommets. Vingt ans de cela ! Lui il pêchait déjà dans le courant d’une onde pure, eux ils tétaient encore leur mère ou pas loin. Et le coup de la société de pêche qui a nettoyé les torrents pendant des années, un par un, ôtant les gros rochers pour réguler le courant et permettre aux truites de remonter pour pondre. Pourquoi aurait-il inventé tout ça, Charlie, au milieu du raidillon de surcroît ?

Bon, ce n’est pas le tout, il est temps d’en finir avec cette montée, traverser les névés inévitables et contourner ceux qu’on peut. Repartir. On dirait que ça va mieux. L’approche se fait plus rapide. La petite halte bienfaitrice ? la présence de mon pote pêcheur qui monte gaillard devant ? La perspective du col et de l’arrivée proche ? Le vent peut-être, ce vent de convection par bourrasques qui fouettent de côté et qui charrient le frais de la neige vers le chaud de la vallée. Vers l’autre lac en contrebas du col, presque vide au pied de la cascade aux bouillons blanchis. Une que je n’ai jamais vue si fournie, noyée sous la fonte des neiges. Abondantes cette année, ça se voit aux sommets et aux valons d’altitude, encore chargés en cette fin de mois de mai.

On arrive. Le spectacle en vaut vraiment la peine. Somptueux : de la neige partout, des chutes qui ruissellent en veux-tu en voilà en grondement continu, des choucas qui nous survolent en rasant, histoire probablement de vérifier dans quel état on est. Je ne dois pas avoir l’air trop vaillant, assez inerte. Pour un peu, ils viendraient tâter de l’immobile? Je vais m’arrêter là, m’effondrer devrai-je dire, pendant que Charlie pousse jusqu’au refuge pour un déjeuner bien gagné. J’ai entendu parler d’omelettes en montant, des gens qui avaient mangé là-haut et qui papotaient, comme de juste quand on descend. Elles m’ont l’air fameuses les omelettes de Jean-François. Ce soir, il parait que ce sera poisson comme il se doit ! (avant l’ouverture de la pêche ? D’où vient-il celui-là ?)

Finalement, je me plante là après les salutations d’usage. Joseph. Charlie. On se quitte bons copains. Pour lui, la fête commence, toute en anticipation du lendemain. À l’aube sûrement. Pas sûr qu’il dorme beaucoup. L’altitude, les pensées qui cavalent, le mauvais vin, celui qui râpe et le raffut dans le dortoir. L’orage qui menace et ceux qui partent tôt. Moi il faudra bientôt penser à redescendre. Tout à l’heure, pas maintenant. Le ciel est encore clair et j’ai des jambes à défatiguer, un estomac à rassasier, un souffle à reprendre. Le petit roupillon des familles au milieu des fleurs des près et des bouses sèches.
Je passe un moment à regarder les gens en grappes, répartis autour de la combe. Certains plus courageux que d’autres ont poussé jusqu’au lac. Peut-être se sont-ils laissés glisser ? Il faudra bien tout à l’heure qu’ils remontent. Moi, j’ai opté pour la mi-pente, pas trop loin du col et peu ou prou abrité du vent. Flemmard et avisé.

Ça alors ! Surprise ! Voilà Brianne qui arrive ! Je croyais qu’elle avait fait demi-tour ! Alors là, chapeau ! Elle aussi n’en mène pas large dans ce lieu gigantesque! Le souffle à récupérer, les chaussures à délacer. Mettre les pieds à l’air, se faire à l’idée qu’on est arrivée. D’abord le silence. Se retrouver. Puis casser une petite graine. Chercher un coin mieux abrité que mon campement sommaire. Elle aussi, un peu plus tard, quand elle sera reposée, quand elle regardera les sommets autour, se fera des projets, des films dans sa tête. On pourrait continuer, aller là, là ou là ? Le Portillon pourquoi pas ? Ouiche, un autre jour peut-être. Demain ? De toutes façons, le refuge est sûrement plein avec tous ces fêtards en forme qui sont montés pour la pêche.

Finalement, on aura mis 2h pile ou presque pour une balade donnée pour 2h30. On a sa fierté tout de même ! Je ferai moins le malin la prochaine fois, quand cette montée au col, en plus d’un mauvais souvenir, sera l’avant-goût, un apéritif un peu raide, de ce qui nous attend dans l’approche du Portillon. La prochaine fois. Chatouiller les 2600. Lentement mais sûrement, à pas comptés ou presque, se rapprocher des trois mille. En faire au moins un.
Avant quoi au juste ?